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Le mithraeum de Riegel

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Un petit sanctuaire de Mithra, sur la route vers Fribourg en Brisgau.

En décembre 1932, on découvrit un autel votif dont l'inscription renvoie au culte de Mithra. Les fouilles confirmèrent cette hypothèse. Les Monuments Historiques du Bade-Wurtemberg dégagèrent le sanctuaire en 1974. La reconstitution proposée respecte rigoureusement les données des fouilles.

Le bâtiment était d'une construction simple mais conservait la forme habituelle de ce genre d'édifice telle qu'on la trouve en Italie. Des soubassements de grès supportaient une élévation de bois et de terre. L'ensemble forme un rectangle de 9,10 m de long et 6,40 m de large, avec une niche quadrangulaire à l'Ouest. Par une volée de marches, on descend dans un vestibule (A) aux murs de planches, qui prend toute la largeur mais n'a que 2,50 m de profondeur. Une porte et quelques marches donnent dans la spelunca, la salle où se réunissaient les adeptes du culte. Une allée (B) centrale mène à la niche du saint des saint (E). Des estrades (C) longent l'allée à gauche et à droite ; les fidèles y prenaient place pour le banquet rituel. Le grand autel votif (D) se trouvait à l'extrémité de l'allée, devant la niche (voir logo d'article). En grès rouge, il porte l'inscription du donateur, sans doute un commerçant oriental : DEO INVICTO / VICTOR / ABASCANDENU(S) / D(E)VO(TIVS) D(ONO) D(EDIT). La reconstitution des parties supérieures reste difficile. Les exemples entièrement en pierre de ce type de sanctuaire sont couverts d'une voûte en berceau. Sans doute peut-on l'accepter ici aussi.  On trouva dans le vestibule un dépôt de céramiques cultuelles fort intéressant, ainsi qu'une épée dont la forme particulière laisse supposer qu'elle servait lors des cérémonies : la lame était incurvée en demi cercle au milieu de sa longueur ; le cou d'un homme passé dans cette courbe, l'épée pouvait donner l'impression de transpercer la gorge. Dans la salle, deux petits autels de pierre stuqués étaient plaqués contre l'estrade gauche. L'image du culte devait prendre place dans la niche, mais les efforts pour la retrouver sont restés vains. Par contre, une collection de brûle-parfums, encore empilés les uns dans les autres, et plusieurs lampes à huiles furent découverts près de la porte. Avec la vaisselle du vestibule, ces objets attestent que ce temple ne fut ni désacralisé ni détruit violemment, mais qu'il tomba au contraire lentement en ruine après l'extinction ou le départ de la communauté. C'est une particularité qu'il faut souligner puisque de nombreux sanctuaires de Mithra (celui de Biesheim par exemple) furent saccagés ou repris par les chrétiens.

On a placé sur le site une copie du relief cultuel qui fut retrouvé en 1954 à Rückingen (Hanau, Hesse), aujourd'hui au musée de Hanau : sa taille et sa qualité d'exécution pourraient s'approcher de celui de Riegel. Le bloc de grès est sculpté en bas-relief des deux côtés car le relief cultuel de Rückingen avait été conçu pour pivoter.

Sur la face antérieure, la moitié supérieure est occupée par quatre frises superposées (scènes de la mythologie de Mithra). L'image principale prend la moitié inférieure ; elle est surmontée d'une étroite frise en arc de cercle représentant les signes du zodiaque. La scène montre, dans un relief plus fort, l'image bien connue de Mithra égorgeant le taureau ; de part et d'autre se tiennent les dadophores, qui symbolisent le jour (torche levée) et la nuit (torche baissée).

La face postérieure est elle aussi divisée en deux moitiés : en haut, Mithra, à cheval, chasse divers animaux dont il est entouré ; en bas, le repas sacré des deux frères divins Mithra et Sol. 

Le culte de Mithra, originaire de Perse, après avoir gagné peu les régions environnantes, se répandit à partir du Ie siècle ap. J.-C en Italie, en Gaule, en Germanie, et jusqu'aux provinces les plus reculées. Les commerçants et les légionnaires en furent les missionnaires. Le dieu rassemblait des fidèles de toute classe sociale en une fraternité uniquement masculine. La forme du temple rappelait celle d'une grotte, que reprend la couverture en berceau . L'image cultuelle en est l'élément marquant : les faits et gestes de Mithra, et surtout la mise à mort du taureau, que le dieu célèbre ensuite avec son frère Sol en un repas sacré, y étaient représentés en fresque ou en reliefs peints. Les fidèles banquetaient dans le sanctuaire en commémoration de ce sacrifice. Lorsque Constantin fit du christianisme la religion d'Etat, au IVe siècle après J.-C., le culte fut interdit, les temples furent détruits, murés ou convertis en lieux de culte chrétiens.