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Le captage

La Source des Bouillons, qui alimente cet aqueduc, jaillit au pied de la Côte Mouza1, un peu au nord de Gorze. L'endroit est à 208 m d'altitude, au fond de la vallée de la Gorzie2.

Le captage se faisait avec grand soin.

Vitruve3 explique comment trouver une source4, et la choisir en fonction des qualités de son eau5. On la canalisait ensuite le plus en amont possible de son jaillissement à l'air libre, afin d'éviter qu'elle ne prenne d'autres chemins avec le temps et de profiter des divers écoulements qui la composent6.Bien que l'on n'en ait rien retrouvé, la sortie de la source des Bouillons devait comprendre, comme ailleurs, certains aménagements : il fallait que l'eau reste pure, mais aussi en réguler le débit7. Sans doute avait-on construit un bassin couvert pour la recueillir.

Des fouilles déjà anciennes nous ont donné quelques exemples de bassins de captation. La source de Noé, qui alimente l'aqueduc de Sens-Agedincum, était à l'intérieur du bassin. L'eau le remplissait jusqu'à 1 m au dessus du radier de la canalisation, mais elle en sortait aussi par six barbacanes8.

L'aqueduc d'Arcueil-Cachan, qui approvisionnait Lutèce débutait près de Wissous, où l'on a retrouvé le bassin collecteur. Il est carré et comprend une cuve, carrée elle aussi, que borde une banquette. Chaque côté de l'édifice est traversé d'une rigole : trois d'entre elles, au sud, à l'est et au nord, drainaient le plateau environnant et en déversaient les eaux dans le réservoir9 ; la quatrième est celle de l'aqueduc qui partait vers Paris10.

 

À l'origine de l'aqueduc de Bavai, à Floursies, la source apparaît dans la Fontaine Saint-Eloy. C'est un bassin circulaire11 ceint d'une banquette. L'eau passait dans la conduite de l'aqueduc grâce à un déversoir situé en hauteur12.

  • 1. La Côte Moussard sur la carte IGN au 25 000e n° 3313 E. La source des Bouillons est de nos jours encore un captage d'eau important : en 1855, l'ingénieur municipal Van der Noot fit construire un nouvel aqueduc, qui est toujours en service. D'un trajet plus court, 15,2 km, il aboutissait au grand réservoir des Récollets, l'actuel Institut Européen d'Ecologie.
  • 2. La Gorzia ou le ruisseau de Gorze sur la carte IGN. La Gorzie coule de Gorze à Novéant, où elle se jette dans la Moselle.
  • 3. VITRUVE, Les dix livres d'architecture, livre VIII. Le passage qui suit résume les chapitres 1 à 5 de ce livre. Vitruve se fonde sur les données scientifiques de son époque, qui sont assez différentes des nôtres.
  • 4. Les divers procédés qu'il expose se résument en fait à l'observation de la nature : présence de plantes sauvages aquaphiles (joncs, saules, gattiliers, roseaux, lierre...), de nuages de moucherons survolant un endroit précis au petit matin, observation d'une évaporation ou d'une condensation avant le lever du soleil...
  • 5. On trouve les eaux les plus saines et les plus abondantes sur les pentes septentrionales des montagnes car elles sont à l'abri de l'action du soleil, et dans les sols de graviers et de sable. Les sources chaudes sont toutes médicinales et impropres à la consommation courante, de même les eaux qui traversent des terrains ferreux, plombifères, argentifères ou salins. On savait que la terre transmet ses éléments aux eaux qui la traversent et que certaines en deviennent dangereuses. Vitruve insiste sur la nocivité des eaux acides qui, affirme-t-il à tort, transforment le plomb en céruse et le cuivre en vert de gris.

    L'architecte romain donne plusieurs moyens infaillibles de s'assurer de l'excellence d'une eau car la limpidité, non plus qu'un goût et une odeur agréables, ne sauraient en être la marque certaine : on observera d'abord la complexion des habitants du lieu, en particulier s'ils ne souffrent pas des jambes. Dans le cas d'une nouvelle source, on jettera de son eau sur du cuivre pour vérifier qu'elle n'y fait pas de taches. L'eau sera jugée légère si, après avoir bouilli, elle ne laisse aucun dépôt dans le récipient. Cette légèreté est la marque la plus sûre de la bonne qualité d'une eau mais il est difficile de la vérifier. Pour Hippocrate, une eau légère est une eau qui s'échauffe et se refroidit rapidement.

  • 6. Quand on avait trouvé une source, on creusait une sorte de puits à cet endroit et plusieurs autres alentour. On rassemblait alors ces filets d'eau par des conduits souterrains jusqu'à un un bassin.
  • 7. Par ailleurs, il n'est pas rare qu'un sanctuaire accompagne le début d'un aqueduc. Celui de Carthage en offre un bel exemple.

    Rien toutefois n'en atteste l'existence à Gorze. Certains, comme nous le verrons plus loin, pensent que le bassin d'Ars avait aussi une fonction religieuse.

  • 8. GRENIER (A.), Manuel d'archéologie gallo-romaine, t. IV, Les monuments des eaux, 1960, p. 174-175.
  • 9. Les rigoles du nord et du sud sont couvertes de dalles, la troisième est voûtée.
  • 10. GRENIER (A.), Manuel d'archéologie gallo-romaine, t. IV, Les monuments des eaux, 1960, p. 181.
  • 11. 2,90 m de diamètre et 1 m de profondeur. La construction est romaine, sauf le parapet qui l'entoure.
  • 12. GRENIER (A.), Manuel d'archéologie gallo-romaine, t. IV, Les monuments des eaux, 1960, p. 214-215.