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Le bassin de sortie

 

La conduite souterraine aboutit à un édifice sur la rive gauche de la Moselle. Situé sur la colline Sainte-Fontaine1, il servait à la décantation et, comme il se doit, était à un niveau supérieur aux premières arches2.

C'est un rectangle dont le côté ouest, adossé à la colline, forme une abside semi-circulaire sur toute la largeur. Grâce à cette courbe, la construction résistait à la pression des terres. Le bâtiment était à demi enterré et couvert d'une voûte de pierre de taille3, en plein cintre sur la partie rectangulaire, en cul-de-four sur l'abside4 ; l'ensemble était surmonté d'un toit de tuiles. Les parements extérieurs sont en petit appareil. Chaque moellon est travaillé à la gradine5 ; les joints sont soulignés au fer et d'un trait de peinture brun-rouge6.

On entrait par une porte sur le côté sud ; des marches permettaient de descendre jusqu'au sol7 d'une salle rectangulaire (A sur le croquis) de 7 x 6 m8. A l'intérieur, les murs étaient garnis d'une couche de ciment et d'un enduit peint.
A peu près au centre est creusé un bassin (D)9, autour duquel le sol de la salle forme banquette10. La cuve, en pierres de taille, est entièrement tapissée de briques triangulaires11 et recouvertes d'une couche de ciment12. A l'ouest, l'espace se transforme en une exèdre au milieu de laquelle, par une embouchure voûtée, arrive la canalisation souterraine13.

Les eaux se déversaient dans un canal (C) dont le fond est formé de briques14, puis dans le réservoir (D), où elles se décantaient. La transition entre canal et bassin est marquée par une dénivellation de 0,43 m faite de deux degrés de pierre qui brisaient le débit15.

Grâce à des vannes, on pouvait maîtriser la hauteur de l'eau dans le bassin et le vidanger. Sur son côté nord, un canal de décharge voûté évacuait les eaux excédentaires en direction d'Ars-sur-Moselle (F). Le fond en est fait de dalles de calcaire ; après le seuil et les deux blocs de pierre qui en marquent le début, les parements se poursuivent briques, mais sont en moellons à l'extérieur du bâtiment16.

Le bâtiment servait ainsi à filtrer l'eau une première fois et à en apaiser le débit et les vagues avant qu'elle ne passe sur le pont. Du bassin l'eau s'écoulait dans la conduite du pont-aqueduc, qui est déjà dédoublée en deux canaux parallèles séparés par un muret central, comme sur les arches (E, E'). Chaque canal débute par deux piedroits de pierre et une dalle de fond recouverts de mortier étanche17. A cette destination hydraulique certains ajoutent une fonction religieuse. Ce bâtiment était peut-être aussi un sanctuaire des eaux18 comme le suggèrent des fresques et des éléments de décor sculpté. En effet, les Bénédictins découvrirent un socle, sans doute à l'extérieur et contre l'édifice ; sur l'une des faces, dans une niche, ils signalent une figure très dégradée 19 qui pourrait être une nymphe car on distingue le coude appuyé sur une urne20.

En 1972, on retrouva encore la partie supérieure d'une tête coiffée de feuilles de chêne et que surmontent deux dauphins affrontés ; elle appartient à l'entablement et faisait sans doute partie du décor initial.
Bien que ces indices soient modestes, il faut néanmoins en tenir compte. Ils sont d'ailleurs confortés par l'architecture et les aménagements du bâtiment, qui donnent une majesté certaine à l'apparition de l'eau hors de la colline. Rien n'empêche de penser que l'on ait prévu un sanctuaire dès la conception de l'aqueduc21. L'endroit ne serait pas mal choisi puisqu'il reproduit en quelque sorte la venue de la source à l'air libre.

  • 1. Sur le ban d'Ars-sur-Moselle.
  • 2. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisqu'un glissement de terrain a déversé le bâtiment à un niveau inférieur à la canalisation du pont. Les Bénédictins ont fouillé ce bâtiment, qui fut enfoui à nouveau par la suite et remis au jour en 1982. L'accès en est longtemps resté libre, mais il est malheureusement enclos aujourd'hui.
  • 3. On en a retrouvé des pièces imposantes au fond du bassin.
  • 4. Certaines particularités de la construction sont destinées à renforcer cette couverture voûtée : d'une part le mur arrondi repose sur un socle un peu plus large ; d'autre par, les extrémités et les angles des murs rectilignes sont garnis de légers contreforts. C. Lefèvre, dans le volume de la CAG sur Metz, donne de nombreuses précisions sur la maçonnerie de chaque partie de l'aqueduc. Cf LEFEBVRE (C.), L'approvisionnement en eau de Metz durant l'Antiquité, inCAG, Metz (57/2), 2005, p. 95-103.
  • 5. On retrouve ce traitement en raies obliques et régulières sur les piliers du pont et au bassin de Jouy.
  • 6. Epaisseur des murs : 1,13 m (3 pieds et demi). La CAG donne 0,92 m. Epaisseur du ciment : 1,35 cm (un demi pouce). Taille des moellons : entre 14 et 21 cm de longueur et 7 et 10 cm de largeur.
  • 7. Ce sol est fait de dalles de pierre recouvertes de mortier.
  • 8. B. Vigneron donne 9,15 x 6,75 m, A. Grenier 9,50 x 7,80 m. La CAG, quant à elle, donne 7 x 6 m. Ces différences sont surprenantes, mais on suivra cette dernière référence en définitive.
  • 9. Les sources parlent d'un bassin carré de 0,30 m de profondeur. Le plan de Lalance, repris par Grenier, adopte ce parti. La CAG, plan à l'appui, montre qu'il est rectangulaire (dimensions : 4,42 x 3,26 m).
  • 10. Largeur de la banquette : 1,94 m (6 pieds).
  • 11. Ce sont des triangles isocèles de 21,6 à 27 cm de base (8 à 10 pouces) et de 16,2 cm de côté (6 pouces).
  • 12. Epaisseur du ciment : 5,4 cm. On retrouvera ces briques, posées à plat, dans la structure du muret qui sépare les canaux sur le pont.
  • 13. Dimensions de l'embouchure : 2,1 m de haut sur 1 m de large environ. CAG : 1,25 m de large.
  • 14. Le canal fait 9 m de longueur. Sa largeur, de 1,30 m, correspond à celle de la conduite souterraine à son arrivée. Quant à la profondeur, C. Lefèvre l'estime entre 0,70 et 0,90 m.
  • 15. Les degrés font toute la largeur du bassin, bien que seule la partie correspondant au canal ait servi au passage de l'eau. De part et d'autre du canal se dressent deux piedroits de pierre, supports de la voûte ou simples bases ornementales.
  • 16. Ce canal fait 0,91 cm de large mais se rétrécit à 0,50 m à l'extérieur.
  • 17. La conduite est à 0,36 m environ au dessus du niveau du fond du réservoir. On s'assurait ainsi que l'eau était bien décantée. C. Lefèbvre estime à 0,20 m la différence d'altitude entre l'arrivée et le départ de l'eau.
  • 18. Il n'est pas rare qu'un sanctuaire de ce genre accompagne les aqueducs. Voir ci-dessus.
  • 19. Hteur : 0,50 m, lgeur : 0,38 m environ.
  • 20. TABOUILLOT, p. 140.
  • 21. A. Quencez, l'archéologue qui remit au jour ce bâtiment en 1970, émet l'hypothèse d'un sanctuaire des eaux. Il le situe toutefois à une époque où le bâtiment recevait encore l'eau de la source, mais où l'aqueduc ne pouvait plus servir du fait de l'effondrement des piles ou d'un affaissement de terrain. On objectera que l'on ne peut dater ces catastrophes.