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Les trente-trois degrés de la Sagesse

Avant tout sont décrits les sept péchés capitaux, qui font obstacle à la Sagesse. Leurs représentations sont figurées sur la base-même de la statue de la Vierge au Sourire : pusillanimité, présomption, vanité, superstition, avarice, luxure et désespoir sont ainsi comme foulés aux pieds par la Mère de Jésus.
Chevalier au lièvre : Pusillanimité
Cavalier désarçonné : Présomption
Femme au miroir : Vanité
Homme à l’idole : Superstition
Homme au coffre : Avarice
Homme et femme : Luxure
Homme qui se tue : Désespoir

Ces sept premiers degrés sont représentés différemment de ceux qui vont suivre : les deux premiers figurent sur un seul panneau, tout comme les deux derniers ; les autres constituent chaque fois une seule scène. Cette disposition est voulue par le support, la base de la statue de la Vierge au Sourire. Ces degrés se lisent de gauche à droite.

Le cycle des degrés de la Sagesse se lit ensuite de droite à gauche et, pour en retrouver le fil, nous devons retourner à la façade. Il commence sous les Evangélistes Jean et Luc, avec l’Arbre Sec qui marque la prise de conscience du désir de s'améliorer. A droite, les Petits Mystères concernent la réalisation personnelle de l’initié.
Arbre sec : lapremière prise de conscience
Aigle : l'intuition de la lumière
Taureau : l'intuition de la création en l’Esprit
Masques : la dualité
Dragon : l'éveil conscient de la foi
Dauphin : le salut toujours possible
Colombe : la pureté rénovatrice
Eléphant : l’intelligence réceptive
Serpent : l’intelligence agissante
Epée : la perception de l’axe de lumière
Lune : la réceptivité consciente

A ces onze phases de l'initiation correspondent quatorze représentations. L'organisation du décor offrait en effet autant d'espaces à occuper. On a donc choisi de détailler en quatre images le stade des Masques. C'était lui conférer une importance particulière, sans doute parce qu'il s'agit d'une étape complexe : la première figure symbolise l'initié déchiré par sa dualité ; il se confronte ensuite à ses contradictions (2e figure) et sublime sa dualité (3e figure). Le principe de beauté lui est alors révélé : la 4e figure représente en effet la Divine Proportion, sous la forme d'un  triangle équilatéral. Les Masques constituent donc un moment essentiel de l'initiation de l'apprenti bâtisseur.

Cette suite des Petits Mystères se clôt par une fleur couronnée. Elle marque le passage de la Lune au Soleil, de l’autre côté du porche, où la suite des Grands Mystères débute semblablement par une fleur couronnée.

À gauche, les Grands Mystères concernent la réalisation du postulant en tant qu’élément de la communauté. Sous Matthieu et Marc, l’Arbre Fleuri, image de la communauté des maîtres d'œuvre, clôt le cycle, mais pas le travail sur lui-même que l'initié se doit de toujours remettre en cause.
Soleil : La création intemporelle
Homme verseur : La tempérance
Homme au bandeau : La contemplation intérieure du sacré
Pélican : Foi, espérance, charité
Phénix : Le feu éternel
Aigle (faucon) : La royauté céleste
Lion : La royauté terrestre
1e Homme à l’amphore : La transmission insouciante
2e Homme à l’amphore : La transmission dogmatique
3e Homme à l’amphore : La transmission sans humilité
4e Homme à l’amphore : La transmission de l’esprit
Lion ailé : La royauté flamboyante
Ange : L’homme à l’image de Dieu
Arbre fleuri : La communauté des Maîtres d’œuvre

De ce côté aussi, le schéma décoratif offrait quatorze espaces. Comme dans les Petits Mystères, on a privilégié un moment particulier de l'initiation, celui qui concerne la transmission du savoir. Cette fonction essentielle du futur maître bâtisseur, symbolisée par les Hommes à l'amphore, est ici répartie en quatre degrés1, ce qui traduit bien l'importance qu'on lui accordait. Les quatre représentations le mettent en garde contre les travers qu'il peut rencontrer : il peut se contenter d'accumuler le savoir sans se soucier de le transmettre (1e figure), n'en donner qu'une version formelle et vide (2e figure) ou, plein de l'orgueil de sa réussite, imposer ses conceptions sans respect pour ses confrères (3e figure). La maître accompli, toutefois, aura à cœur de leur faire partager la Connaissance véritable dans le langage qui convient à chacun (4e figure).

Nous avons ainsi le cycle complet des trente-trois degrés de la Sagesse :

  • 1 à 7 : Péchés capitaux
  • 8 à 18 : suite des Petits Mystères
  • 19 : transition, à la fin et au début de chaque suite
  • 20 à 33 : suite des Grands Mystères

Toutes ces étapes sont liées les unes aux autres et forment un seul chemin : comme le dit Ch. Jacq : Il n’y a pas d’un côté l’arbre sec et, de l’autre l’arbre fleuri. Il n’y a qu’un seul arbre. Entre les deux, c’est le regard de l’initié qui change.

L'aspect ésotérique de ces représentations ne doit pas cacher leur qualités stylistiques. Le sculpteur a parfaitement su accorder son art au but qu'il recherchait. Cela donne quelquefois un résultat surprenant comme, par exemple l'oreille humaine dont il a pourvu l'Eléphant2. Dans l'équilibre qu'il devait maintenir entre la forme et le sens initiatique, certaines figures sont plus réussies que d'autres : le Dauphin, l'Eléphant, les Hommes à l'amphore... Ou encore celles des Masques, en particulier la dernière, qui traduit de si belle façon la beauté parfaite par le triangle régulier de sa composition.

  • 1. C'est quelque peu différent de la phase des Masques de la suite des Petits Mystères, qui est simplement divisée en quatre.
  • 2. Le sculpteur voulait certainement traduire ainsi que c'est par l'ouïe que nous parvient le message sacré du Seigneur. Selon les Evangiles de l’Enfance, le Verbe entra dans la Vierge par son oreille. Bien que le Concile de Nicée ait condamné ce genre d'interprétation ésotérique, le missel en a longtemps conservé l'empreinte. On y lisait en effet : « Réjouis-toi, Vierge mère du Christ, qui a conçu par l’oreille. »

Référence à citer

Marc Heilig, De l'arbre sec à l'arbre fleuri, archeographe, 2012. http://archeographe.net/arbre-sec-arbre-fleuri