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Bonmoutier et Saint-Sauveur

Vers 660, Bodon fonda un monastère de femmes sur un de ses domaines. Sa fille Theutberge1 en fut la première abbesse ; la communauté suivait la règle de saint Benoît. Le couvent de Bonmoutier (Bodonis monasterium) était richement doté de villages et de forêts dans la région du Donon. Dans la seconde moitié du IXe s., Arnould, évêque de Toul2, chassa les religieuses, qui menaient une vie déréglée, et installa des bénédictins. L'évêque Berthold créa en 1010 un nouveau monastère d'hommes dans les environs. L'abbaye St-Sauveur remplaça celle de Bonmoutier3 et en récupéra les biens. Ses revenus furent en outre complétés de terres, de villages et de dîmes, et surtout des forêts du Donon que lui offrit la comtesse Agnès de Langenstein en 1138. Cette noble dame fonda pourtant l’abbaye de Haute-Seille deux années plus tard, et les deux communautés entrèrent en rivalité. Par ailleurs, les avoués de la maison de Salm, chargés des intérêts de St-Sauveur, firent main basse sur une grande partie de ses biens. En 1188, à cause de l’inconduite des moines, l’évêque de Toul les remplaça par des chanoines de St-Augustin. Pillée en 1525 lors de la guerre des Paysans, St-Sauveur fut détruite en 1568 durant les guerres de religion. Aussi la communauté partit-elle s'installer en 1570 sur les terres qu’elle possédait à Domèvre-sur-Vezouze.

Il ne reste de l’abbaye que le chœur de l’église gothique4. Consacrée à Notre-Dame, elle comprenait une nef avec transept. A l’intérieur, on remarquera le voûtement de l’abside, dont les nervures s’échappent gracieusement du fût de colonnes sans chapiteaux. La statue de la Vierge s'y trouve encore. On raconte que lorsque les moines s'en allèrent, le chariot qui la transportait refusa d'avancer et qu'ils laissèrent la Vierge résider où elle le désirait. Comme il se doit, divers bâtiments complétaient l'abbaye. Les moines n’y furent vraisemblablement jamais plus d'une vingtaine, mais elle servait de nécropole à la noblesse de la région : on peut admirer le magnifique tombeau que s'y firent élever au XIVe s. Henri Premier de Blâmont et son épouse Cunégonde de Linange dans la chapelle des Cordeliers de Nancy.


  • 1. Bodon avait eu une vie laïque avant d’entrer en religion.
  • 2. Bonmoutier resta toujours propriété des évêques de Toul, et cela bien que l'empereur Charles le Gros, à la fin du IXe s., ait donné Étival et Bonmoutier à son épouse Richarde pour compléter le patrimoine de son abbaye d'Andlau. Plus tard, lorsque l'abbesse d'Andlau perdit ces droits, Bonmoutier revint à l'évêque.
  • 3. Bonmoutier disparut au siècle suivant mais il semble que les deux abbayes aient coexisté un certain temps.
  • 4. Le clocher est une adjonction du tournant du XXe.

Référence à citer

Marc Heilig, La Sainte Croix des Vosges, archeographe, 2014. http://archeographe.net/sainte_croix_vosges