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Une guerre de courte durée

La guerre se déroule en deux phases, chacune sous un régime différent : l'Empire de Napoléon III, puis la République de Gambetta.

Après un accrochage à Sarrebruck le 2 août, l'armée prussienne met en déroute les troupes françaises du Maréchal Mac Mahon à Wissembourg le 4 et à Froeschwiller le 6. Jusqu'ici, l'Empereur dirigeait personnellement les forces françaises, mais la maladie le force à en remettre le commandement au Maréchal Bazaine. Les combats se concentrent rapidement autour de Metz, où les événements décisifs se déroulèrent entre le 14 et le 18 août 1870. L'armée française, moins nombreuse que l'armée allemande, est aussi moins bien préparée et équipée. Elle est en outre fort mal dirigée. A Borny, près de Metz, et surtout à Gravelotte, elle aurait pu forcer l’ennemi à capituler car ces batailles meurtrières lui donnaient l'avantage. Mais Bazaine ne sut pas en profiter. Au contraire, il laissa les Allemands lui couper la route de Verdun qui lui eût permis de rejoindre les troupes de Mac Mahon à Châlons. Il préféra se replier à Metz avec toute son armée. La IIe Armée prussienne, commandée par le Prince Frédéric-Charles, neveu du roi de Prusse, vint assiéger la ville. Mac Mahon tenta de la libérer, à Noisseville puis à Bellevue, mais il fut chaque fois repoussé par les Prussiens et dut se replier sur les Ardennes. Défait à Beaumont le 30 août, il est blessé à Bazeilles le 1er septembre. Les généraux qui le remplacent ne parviennent pas à prendre le dessus malgré d'héroïques entreprises. L'armée se retranche à Sedan où, face à la fureur de l'offensive allemande, Napoléon III fait hisser le drapeau blanc pour éviter un massacre. L’Empereur est fait prisonnier le 2 septembre et signe l'acte de reddition.

A partir du 4 septembre, les troupes prussiennes marchent sur la capitale. Léon Gambetta annonce la chute du régime impérial et proclame la république ; son Gouvernement de la Défense Nationale choisit de poursuivre la guerre. Gambetta quitte Paris assiégée en ballon le 7 octobre et rejoint à Tours une partie du gouvernement. Il reconstitue trois armées, les armées du Nord, de la Loire et de l'Est. Elles sont finalement poussées à la déroute, d'autant plus que Bazaine, en capitulant à Metz le 27 octobre, permet à la IIe Armée prussienne de venir à l'assaut des armées du Nord et de la Loire. Celle de l'Est, d'abord victorieuse à Villersexel le 8 janvier, ne sait pas pousser son avantage et c'est en vain que le général Bourbaki essaie de libérer Belfort, où le colonel Denfert-Rochereau résiste vaillamment, de l'étau du siège prussien. Après de sanglants combats à Béthoncourt, Héricourt et Chagey, l’armée de l’Est se replie sur Besançon. De façon absurde, les négociations de l'armistice de janvier 1871 ont négligé de statuer sur son sort ; acculée à la frontière, elle doit négocier avec l'armée helvétique son passage en Suisse.

Tout du long, le conflit aura été entaché par l'incompétence des chefs de guerre français1, rendue plus flagrante encore par la bravoure des troupes ; il ne pouvait que se terminer sur une défaite humiliante. La guerre de 1870 ne dura que six mois mais elle eut de graves conséquences. Avant tout, elle causa la chute du Second Empire. L'acharnement du Gouvernement de Gambetta conduisit à la déroute et aboutit à l'humiliation ultime : l'armistice ratifiait la naissance de l'Empire allemand et Guillaume Ier était sacré empereur dans la Galerie des Glaces de Versailles ! La France était condamnée à de lourds dommages de guerre et perdait l'Alsace et une partie de la Lorraine2. Tout cela favorisa la montée en France d'un fort sentiment revanchard qui embrasa les esprits en 1914. Cette guerre laissait pourtant le souvenir de combats effroyables. Jamais on avait vu semblables horreurs : sans même parler des souffrances des civils ni des destructions, les combats firent 139 000 morts et 143 000 blessés du côté français, 44 781 et 89 000 côté allemand. La Grande Guerre devait hélas montrer qu'on pouvait faire bien pire encore ! Car l'issue du conflit de 1870 contenait les germes de la Première Guerre mondiale et, par contrecoup, de la Seconde.


  • 1. Aucun des commandants militaires français ne se montra à la hauteur de ses fonctions mais seul Bazaine fut jugé et condamné. Mac Mahon dirigea même la France de 1873 à 1879. Cela arrangeait les Républicains aussi bien que les Royalistes : les uns stigmatisaient ainsi l’incapacité de Napoléon III, tandis que les autres la faisaient oublier en la reportant sur un bouc émissaire. Bazaine dut porter seul la responsabilité de la défaite. Il fut condamné à mort avec dégradation militaire pour avoir capitulé, traité avec l’ennemi et rendu la place forte de Metz. A l’unanimité, cependant, le tribunal demanda un recours en grâce et sa peine fut commuée en 20 ans de prison sans dégradation militaire par Mac Mahon lui-même, devenu, ironie du sort, le nouveau Président de la République. Des historiens tentent aujourd’hui, sinon de réhabiliter Bazaine, de lui rendre du moins une justice plus impartiale.
  • 2. La Lorraine annexée correspond à la majeure partie du département de la Moselle. L’ouest, avec Longwy et Briey, fut laissé à la France et incorporé au département de la Meurthe, qui devint la Meurthe-et-Moselle et prit la forme étrange qu'on lui connaît.

Référence à citer

Marc Heilig, « N'oubliez pas les morts fidèles... », archeographe, 2014. http://archeographe.net/N-oubliez-pas-les-morts-fideles