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Indiens et Arabes

Le septième siècle voit surgir de nouveaux conquérants venus du désert d’Arabie. Très rapidement, les Arabes conquièrent de vastes espaces s’étendant de l’Espagne aux Indes. Ce faisant, ils entrent en contact d’une part avec l’Empire romain d’Orient, dépositaire de la science grecque, de l’autre avec les connaissances mathématiques développées par les mathématiciens des Indes qui, au IIIe siècle av. J.-C., avaient sans doute été en contact avec les philosophes grecs à la suite des conquêtes d’Alexandre. Or les Indiens – dont l’astronome Aryabata et le mathématicien Brahma Gupta – connaissent, dès les VIe et Ve siècles av. J.-C., un système de numération de position de base 10 où les chiffres de 1 à 9 ont chacun un signe spécifique. Et, surtout, ils inventent le zéro, qu’ils appellent sunya, le vide. Ce zéro possède à la fois une propriété ordinale et une valeur opérationnelle (cardinale). Cela leur permet de créer des algorithmes, ou procédés de calcul, qui facilitent notamment la multiplication de deux grands nombres (voir page suivante). Qui plus est, l’introduction du zéro, rend possible la conception des nombres négatifs.

Les Arabes – il serait plus juste de dire les savants musulmans car la plupart n’étaient pas arabes d’origine – comprirent très vite l’intérêt de ce procédé et le diffusèrent à travers leur possessions. Mais du fait de leur antagonisme, cela mit longtemps à se propager du monde musulman au monde chrétien, malgré une première tentative d’introduction par le moine Gerbert d’Aurillac, devenu pape sous le nom de Sylvestre II en 999.

La première mention connue en Occident de ce système indien vient d’un livre publié par le mathématicien musulman d’origine persane Al-Khwarismi1. Il s’agit du Livre de l’addition et de la soustraction d’après le calcul indien. À ce livre fait suite un autre ouvrage d’Al-Khwarismi : Kifabu ‘l-mukhtasar fi hisab ‘l-jabr wa’l-muqabalah, ou Abrégé de calcul par la soustraction et la comparaison. C’est le premier traité d’Algèbre, algèbre n’étant qu’une « occidentalisation » de « ‘l-jabr ». On remarquera qu’Al-Khwarismi parle bien de calcul indien. Pour lui le système de numération et les chiffres qui l’accompagnent sont indiens. On devrait donc parler non de chiffres « arabes » pour notre système de numération mais de chiffres indiens.
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Figure 5 : Al-Khwarismi, Abrégé de calcul par la soustraction et la comparaison. 



  • 1. C’est l’altération de ce nom qui a donné, au Moyen-Âge, le terme algorisme, puis algorithme.

Référence à citer

Guy Daney de Marcillac, Excursion au pays du nombre, archeographe, 2014. http://archeographe.net/excursion_au_pays_du_nombre