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Fabriquer de la bière

Pour faire de la bière, il faut de l'eau et de l'orge fermentée. Ainsi, la bière égyptienne1 : moulue et malaxée afin de faire une pâte, cette orge était cuite superficiellement comme un pain ; puis ce pain était mis à macérer dans de l'eau, peut-être sucrée par adjonction de dattes. Après fermentation, pâte et liquide étaient filtrés dans un pot. Peu ou prou, c'est la définition de la cervoise. Si les ingrédients de base ont peu changé, la bière que nous buvons ne ressemble guère au breuvage de nos ancêtres : elle se prépare avec du malt d'orge, du houblon et de la levure.

L'eau doit être très pure. Pour le malt, on utilise principalement de l'orge, mais il peut aussi se faire à partir de blé, comme pour les bières blanches, de maïs ou de riz. De ces différents malts vient la variété de la saveur et de la couleur, jaune, ambrée, brun foncé... Le houblon et les aromates2 donnent l'amertume de la bière, ils en corsent les arômes et jouent un rôle important dans sa conservation. Enfin, nos bières n'existeraient pas sans la levure, ce champignon qui transforme le sucre en alcool et en gaz carbonique3.

La fabrication nécessite deux grandes étapes complexes, le maltage et le brassage4. Les deux musées principaux de la bière en Lorraine sont les témoins de ces deux phases. En effet, le musée de Stenay est installé dans une ancienne malterie, et celui de Saint-Nicolas-de-Port a conservé sa tour de brassage5.

Le maltage, qui dure environ 80 jours, transforme l'orge en malt. L'orge, récolté vers le 13 juillet, arrive à la malterie quelques jours plus tard. Il est mis en dormance durant deux mois dans de vastes greniers ventilés. Le trempage permet ensuite de l'humidifier et de l'oxygéner pour permettre la germination : dans de grandes cuves, l'orge est recouverte d'eau et remuée avec de longues perches ; l'eau est changée toutes les 12h durant les 48h de la trempe, qui se fait entre 10 et 12° à l'abri de la lumière et des courants d'air. Le grain est alors étendu dans le germoir en une couche de 50 cm. Après la germination, le grain est mis à sécher dans la touraille, à une température entre 50 et 55° ; on la fait monter jusqu'à 60°- 80°, voire 90° pour les malts ambrés des bières colorées ou des bières de garde. Le touraillage permet de « tuer le grain », qui ne peut plus germer. C'était autrefois une opération très pénible à cause de la chaleur, de la vapeur d'eau et de la poussière.

Vient ensuite le brassage. Les grains de malt sont concassés, puis mis dans une cuve-matière avec de l'eau de plus en plus chaude (brassage par infusion) ou en ébullition (brassage par décoction). On atteint ainsi environ 62°, ce qui permet de transformer l'amidon en sucre. Après un premier filtrage, le liquide est porté à ébullition, houblonné et à nouveau filtré. On refroidit ensuite ce moût dans un bac refroidissoir ou avec un réfrigérant baudelot6 ; il est alors ensemencé avec la levure. Cette phase de fermentation dure entre 5 jours (fermentation haute) et 12 jours (fermentation basse). Après une longue période de repos et de maturation (garde) et une dernière filtration, la bière est mise en fût ou en bouteille. Les bouteilles de verre n'apparaissent qu'au cours du XVIIIe s. et, jusqu'au milieu du siècle suivant, on les remplissait avec un entonnoir en y faisant couler la bière d'un tonneau. 

  • 1. Cf. Georges POSENER, Serge SAUNERON et Jean YOYOTTE, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, 1970, s. v. Bière.
  • 2. On n'utilise que la fleur femelle non fécondée du houblon ; il est cultivé dans le Nord et en Alsace, où les houblonnières marquent le paysage, mais on en importe aussi beaucoup. Les mélanges particuliers d'herbes et d'épices caractérisent la bière : ainsi, dans la composition des blanches belges entrent de la cannelle, de la coriandre, du genièvre, de l'orange amère...
  • 3. Les lambics et les gueuzes belges ne sont pas faites avec de la levure mais avec des ferments en suspension dans l'air.
  • 4. Le musée de Stenay a publié un ouvrage passionnant qui nous a été fort utile pour rédiger notre article car il complète parfaitement les panneaux explicatifs fort bien faits de ce musée : Philippe VOLUER, Stenay, le musée européen de la Bière, CITEDIS Éditions, Collection étapes, 1997.
  • 5. Nous tenons à remercier ici les ces deux musées de nous avoir permis de prendre toutes les photographies que nous désirions.
  • 6. Jean-Louis Baudelot mit au point cet appareil en 1856 à Haraucourt, près de Sedan. Le principe en est à la fois simple et ingénieux : le réfrigérant baudelot est composé de tuyaux superposés à l'intérieur desquels coule de l'eau froide ; on refroidit le moût en le faisant s'écouler par dessus.

Référence à citer

Marc Heilig, Musées de la bière en Lorraine, archeographe, 2016. http://archeographe.net/musee_biere_Stenay_musee_brasserie_Saint-Nicolas-de-Port