Vous êtes ici

Les architectes

Plus encore que son prédécesseur, Guillaume II fit appel à des architectes allemands réputés ; certains d’entre eux comptaient parmi les meilleurs théoriciens dans leur spécialité. Les trois principaux sont Tornow, Wahn et Kröger.

La carrière de Paul-Otto-Karl Tornow (1848-1921) commence sous le règne de Guillaume Ier et se poursuit sous celui de Guillaume II jusqu'en 1906. En 1874, il est nommé architecte du Diocèse de Metz et, à ce titre, est en particulier responsable de l'entretien et de la restauration de la cathédrale Saint-Étienne. Il est nommé Restaurator der geschichtlichen Denkmäler in Lothringen (Conservateur des monuments historiques de Lorraine) en 1892. Tornow a donc été très actif dans toute la région, principalement dans le domaine religieux. A Metz, il a restauré la Porte des Allemands et, en collaboration avec Conrad Wahn, reconstruit la façade de l’église Sainte-Ségolène. Dans un tout autre doaine, Tornow et Feyerabend sont les architectes de l'hôpital Belle-Isle (1886-1189).
Tornow a surtout travaillé sur la cathédrale Saint-Étienne, qui fut la grande passion de sa vie. De 1898 à 1902, il élève sur la façade occidentale un nouveau portail, de style néo-gothique, en remplacement de celui de Blondel1. Il effaçait ainsi l'empreinte française et, en donnant à la statue du prophète Daniel les traits de Guillaume II, affirmait celle du nouveau pouvoir.

Conrad Wahn (1851-1927), architecte en chef de la Ville de Metz à partir de 1887, est avant tout l’auteur des plans de la nouvelle ville que désirait implanter l’Empereur. Toutefois, sa contribution à la transformation de Metz ne se limite pas à l'urbanisme. En tant qu’architecte, il travailla à l’église Sainte-Ségolène, sur la colline Sainte-Croix, qu’il restructura entièrement2, et construisit le Temple Neuf, sur l’île du Petit Saulcy. On lui doit aussi la Villa Wahn, avenue Foch, le château d'eau et des logements sociaux à Queuleu (1906), ainsi que des établissements scolaires : école de garçons du quartier Saint-Eucaire (1890-1891), école du boulevard Paixhans (1904-1907), lycée Georges de la Tour (1910) et lycée Louis Vincent (1913).

Jürgen Kröger (1856-1928) avait travaillé à Hambourg pour le ministère de la Guerre, puis à Berlin dans le cabinet d’architecture de Johannes Otzen3. Il s'était mis à son compte en 1888 et avait construit de nombreux édifices religieux. C’est à Metz qu’il réalisa son œuvre principale, la nouvelle gare, qu’il conçut en association avec les architectes Peter Jürgensen et Jürgen Bachmann. En 1908, peu après l'inauguration de ce prestigieux bâtiment, l’Empereur fit de Kröger son conseiller personnel en architecture (Kaiserlicher Baurat). Avec Ludwig Bettcher, Kröger retravailla les plans de l'architecte berlinois Ewald von Rechenberg pour l’Hôtel des Postes de Metz.

D'autres architectes sont intervenus à Metz durant cette période sur des projets plus ou moins importants.
Ludwig Becker (1855-1940), après une formation de tailleur de pierre et de sculpteur sur le chantier de la cathédrale de Cologne, fit des études d'architecte à Aix-la-Chapelle. À partir de 1884, il travailla comme architecte diocésain à Mayence, où il fut architecte en chef de la cathédrale de 1909 à la fin de sa vie. Il fut aussi un historien de l'architecture. Il réalisa de nombreux édifices religieux en Allemagne et en France : dans l'agglomération messine, on lui doit l'église Saint-Joseph de Montigny et la chapelle du Grand Séminaire, ainsi que la Villa Bleyler, construite avenue Foch dans un style qui mêle le néo-baroque et l'Art nouveau.

Robert Curjel (1859-1925) et Karl Coelestin Moser (1860-1936) avaient fondé en 1888 le cabinet d'architectes Curjel und Moser et réalisé des édifices religieux, des banques, des habitations et des édifices publics. À Metz, ils ont construit la Banque impériale, place Raymond Mondon, en style Louis XVI.

Johann Eduard Jacobsthal (1839-1902) fit ses études d'architecture à Berlin où il mena ensuite une brillante carrière de professeur universitaire. Cofondateur du Deutsche Bauzeitung, une publication technique d'architecture, il fut aussi membre de l'Académie des arts de Berlin. Il fut promu architecte national en 1872 et réalisa plusieurs gares dans la capitale allemande entre 1875 et 1882. On lui doit l'Ancienne Gare de Metz et celle de Strasbourg, mise en service en 1883.

Ludwig Levy (1854-1907) ouvrit son cabinet d'architecte en 1882 à Kaiserslautern et enseigna l'architecture à l'Institut de technologie de Karlsruhe. Il réalisa les plans de nombreux édifices religieux (synagogues, églises et temples protestants) : il a notamment travaillé aux synagogues de Thionville et de Strasbourg et au temple de Metz-Queuleu. La plupart de ses synagogues ont été détruites durant la Nuit de Cristal.

Gustav Oberthur (1872-1965) fit ses études à Munich et à Karlsruhe. Il fut l'architecte de nombreux édifices commerciaux et administratifs à Strasbourg au début du XXe s., dont la Kleine Metzig, rue de la Haute Montée, ainsi que de plusieurs villas. À Metz, il réalisa la Chambre des Métiers avec son adjoint Ernst Priedat.

Après des études à Karlsruhe, Wilhelm Rettig (1845-1920) travailla dans de plusieurs villes d'Allemagne. Il fut architecte municipal à Dresde, puis à Munich où il participa au nouveau plan d'urbanisme. On lui doit des bâtiments publics et des écoles. Entre 1875 et 1881, il édifia, en association avec l'architecte Buschmann, le temple de Garnison de Metz.

Joseph Runcio (1871-1937) est un cas particulier puisqu'il était d'origine italienne ; il s'établit à Metz en association avec Henri Schöner et prit la nationalité allemande. Il affectionnait l'Art nouveau, comme on peut le voir sur l'immeuble qu'il construisit avenue Foch. Il réalisa surtout l'ensemble de logements sociaux de la Richter Kolonie, au Sablon.

Ferdinand Schönhals (1842-1915), après des études à Cassel, travailla dans divers cabinet d'architectes, puis au ministère de la guerre. On lui doit des établissements scolaires, administratifs, militaires et religieux, dont l'église de Garnison de Dieuze et, à Metz, le Palais du Gouverneur, construit en association avec Max Stolterfoth entre 1902 et 1905.

Wilhelm Peter Schmitz (1864-1944) a travaillé sur de nombreux projets civils et religieux en Rhénanie et en Moselle. Dans le diocèse de Metz, il assista Paul Tornow dans la restauration de la cathédrale et dirigea celle de la cathédrale de Trèves. En 1906, il devint architecte de la cathédrale à Trèves et à Metz, où il tiendra ce poste jusqu'à son expulsion en 1919.

Et aussi : Alfred Hugger (État-major), Ph. Reb (Temple de Montigny) Ewald von Rechenberg, Richard Fleischer (logements sociaux à Queuleu), Ludwig Bettcher et Gustav Petrich (Hôtel des Postes), Eduard-Hermann Heppe, Jules Geoffroy Berninger et Karl Griebel (villas avenue Foch), Zirckler et Stoekicht (logements sociaux rue des Frères Lacretelle), et tant d'autres…


  • 1. Il a publié à ce sujet Denkschrift betreffend den Ausbau der Hauptfront des Domes zu Metz, Metz, 1891. Sur Tornow, cf. Gérard LEONARD, Paul Tornow, architecte de la Cathédrale de Metz et du Temple de Courcelles-Chaussy, Renaissance du Vieux Metz n° 153, octobre 2009, p. 2-12, et Alain Hilbord, Tornow : à propos d’une tombe, ibid. p. 13-16.
  • 2. Photos de l'église Ste-Ségolène sur le site des Religieuses de l'Assomption  http://www.assumpta.org/Metz que nous remercions ici pour la belle photo de l'ensemble de l'édifice.
  • 3. Johannes Otzen (1939-1911), architecte, urbaniste et théoricien de l’architecture de grande renommée, est surtout connu pour des églises et des temples protestants.