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Un précurseur : Leonhard Meurer.

Dans les années 1950-70, un prêtre allemand, Leonhard Meurer, fait plusieurs voyages en Afrique. C'est un grand connaisseur des poteries allemandes, et il est capable d'en indiquer la provenance et la date, comme il le montre dans un article qu'il va rédiger pour présenter ses découvertes. Il découvre avec surprise, en divers endroits d'Afrique de l'Ouest, des poteries en grès qui ont été fabriquées aux XVIIIe et XIXe siècles dans le Westerwald, région située sur la rive droite du Rhin, entre Coblence et Siegburg. Cette zone est célèbre pour ses ateliers de production de grès, près de Cologne1 et d'Aix-la-Chapelle2. Il observe des pots aux motifs bleu foncé sur fond gris vernissé dans les vitrines du musée d'Accra, puis un autre près de Kumassi (Ghana), qui servait de récipient à offrande dans le sanctuaire d'un fétiche3. Photo P. Trichet A partir de 1970, Meurer concentre ses recherches sur la Côte d'Ivoire. Avec l'aide du Père François Chaniac, il parcourt les villages et les campements autour de Bouaké, puis le long du Bandama, entre Tissalé et Grand-Lahou. Car, du XVIIe au XIXe siècle, le commerce entre les navires européens, qui mouillaient devant Grand-Lahou, et l'intérieur de la Côte d'Ivoire se faisait grâce aux pirogues qui naviguaient sur ce fleuve. Meurer rapporte :
J'ai vu et photographié à Tissalé et dans les villages avoisinants 24 pots du Westerwald. Parmi eux, j'ai vu des pièces magnifiques. Beaucoup de ces pots n'étaient plus utilisés, ou bien étaient endommagés. Même ainsi, ils restent le patrimoine de la famille, inaliénables. Les vendre, ce serait faire offense aux ancêtres4.

Sa recherche lui permettra d'observer environ 80 pots de grès provenant du Westerwald. Quelques uns portaient le monogramme GR. Meurer poursuit :
Ils avaient 40 et même 50 cm de hauteur, et plus. Plusieurs étaient de deux couleurs : le col était violet manganèse et les motifs qui ornaient la panse étaient bleu cobalt. En plus de ces poteries allemandes des XVIIIe-XIXe siècles, L. Meurer a trouvé des formes courantes en Angleterre : petits pots brun-jaune, grandes bouteilles, amphores rondes au col étroit, caractérisées par le sceau de fabrication de Bristol et de Liverpool. A une dizaine de kilomètres au sud de Tissalé, on trouve le dernier village baoulé, Ahua, où, le 27 décembre 1972, à l'occasion d'une forte pluie, toute une série de pots et de récipients enfouis ont été mis au jour. On a sorti de terre 18 récipients, la plupart étaient en bon état5.Après le passage de L. Meurer, deux missionnaires continuèrent ses recherches, à l'occasion de leurs tournées pastorales dans les villages. L. Meurer en rend compte :
Le Père Matteo Revelli, sma6, de Grand-Lahou, alla plusieurs fois sur la petite île de Lauzoua. Il trouva et photographia 8 autres pots du Westerwald, dont 3 avec le sigle GR. (...) Le plus grand pot GR avait été trouvé récemment par un homme de 60 ans qui creusait des fondations pour une nouvelle construction. Selon lui, il devait s'agir d'un objet accompagnant un de ses ancêtres dans sa tombe, mais il n'avait trouvé aucun de ces objets, tels que bijoux en or du trésor familial, que l'on mettait dans ces pots.
Ces longues citations de L. Meurer montrent l'intérêt de sa recherche, qu'il décrit avec beaucoup de précisions dans l'article publié dans la revue Keramos.

  • 1. A Frechen.
  • 2. A Raeren.
  • 3. Meurer, 1974, p. 33.
  • 4. Meurer, 1974, p. 36.
  • 5. Meurer a dû passer à Ahua peu de temps après ce 27 décembre 1972 : les gens se souviennent encore de la date exacte ou, du moins, ils ont pu la reconstituer grâce à des recoupements. Lorsque je me suis rendu à Ahua, le 23 janvier 1998, pour faire une enquête sur John Faye, ancien catéchiste de ce village, j'ai demandé qu'on me présente des pots d'autrefois. On n'a pu me montrer qu'un seul pot brun-jaune. Aucune trace des autres pots. Et personne ne se souvenait plus des nombreux pots découverts le 27 décembre 1972.
  • 6. Société des Missions Africaines.