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L'église Saint Georges et sa chapelle Saint Jacques.
Faute de reliques, l'église Saint-Georges n'était pas particulièrement attractive pour les pèlerins. Nous y trouvons cependant une chapelle dédiée à saint Jacques (sans sa coquille), de style gothique flamboyant. Attenante à l'église, elle fut commanditée en 1496 par Jacques de Fleckenstein comme chapelle funéraire pour son épouse Véronique d'Andlau. Là, nous voyons la croix rouge des Johannites mais aucune référence à Compostelle. Les Johannites1 ont administré la paroisse Saint-Georges de 1354 à 1535, et il paraît évident que l'ordre hospitalier de Saint-Jean aurait mal vu les dons des pèlerins aller vers Compostelle en Espagne plutôt que vers Jérusalem. Ils ne devaient donc pas spécialement favoriser saint Jacques, en quelque sorte concurrent2, malgré la vénération que le peuple lui vouait alors. Donc, pas de coquille à l'église Saint-Georges ! Il pourrait en aller de même à l'église Saint-Nicolas, où la raison d'être des Prémontrés était l'accueil des pèlerins sous l'autorité de saint Norbert, et non de saint Jacques. Il ne faut pas oublier qu'à ce moment, le culte des reliques était en plein essor3, et les pèlerins venaient principalement vénérer le trésor de l'Empire déposé épisodiquement dans la chapelle du château entre 1153 et 12154. Il rassemblait des reliques du Christ et de Charlemagne5 et, comme les chansons de gestes liaient la légende de Charlemagneà celle de Barberousse, ce trésor avait un pouvoir attractif exceptionnel. Encore après le départ des reliques, les pèlerins se recueillaient sur les lieux où elles avaient été déposées. Beaucoup de fidèles sont accourus les vénérer, et parmi eux des pèlerins en chemin vers Compostelle. Certains limitèrent peut-être leur périple à Haguenau en y laissant leurs dons. N'oublions pas que la construction de la première muraille de la ville par Frédéric Barberousse, entre 1152 et 11646 demandait aussi beaucoup d'argent à ce moment.
- 1. L'ordre de Saint-Jean.
- 2. On connaît d'autres cas de concurrence entre des ordres religieux. Par exemple dans les pays baltes, où une lutte armée opposait les chevaliers teutoniques à ceux de la Croix, les uns sous l'impulsion du Pape, les autres de l'évêque.
- 3. Le culte des reliques, lancé en 794 par le concile de Francfort, ordonne que l'on ne puisse vénérer ou invoquer aucun saint nouveau (...) mais seuls ceux qui furent choisis par l'autorité de leur passion ou par le mérite de leur vie.
En 801, puis à nouveau en 808, le pouvoir Franc remet en vigueur le canon Item placuit du V e concile de Carthage (410), qui exige de détruire tous les autels dépourvus de reliques. Dans le même temps, sous l'influence de la cour de Charlemagne, le rôle social des reliques allait se développer, notamment sur le plan juridique, où l'usage fut généralisé dans les prestations de serment.
L'importance du culte des reliques sur un plan sociopolitique ne peut se concevoir sans envisager les modes d'exercice du pouvoir pendant le Haut Moyen Âge. Dès 794, le pouvoir temporel généralise le recours aux reliques. Aussi bien sous la première que sous la seconde dynastie de nos rois, elles tiennent un rôle politique fondamental. En l'absence d'un pouvoir fort, puis devant l'émergence des aristocraties locales, les hommes d'Eglise comprennent bien vite que les reliques et le prestige qui s'y attache étaient un moyen de garantir autant la paix que la prospérité des fondations qui les abritaient.
Voir Recherches Médiévales n° 53, février 1997, et aussi J. Geary, le vol des reliques au Moyen Age, Aubier Histoires. - 4. Le trésor n'y était pas en permanence car il était parfois déposé au Trifels dans le Palatinat.
- 5. En 1125, peu avant sa mort, l'empereur Henri V confia les bijoux et les insignes du Saint Empire Romain Germanique au vicaire de l'empire, le duc Frédéric le Borgne, pour qu'il les garde au château de Trifels. Ce trésor comportait les grandes reliques (un clou de la Croix de Notre Seigneur, un fragment de la couronne d'épines, et la sainte lance qui perça le cœur de Jésus) et les insignes impériaux (l'épée de Charlemagne, le sceptre surmonté de la croix, le manteau impérial, les éperons d'or, les souliers décorés de pierres précieuses et le diadème de Charlemagne).
- 6. V.Guerber Histoire politique et religieuse de Haguenau I- 1876. P. 422. A.M. Burg Saisons d'Alsace N° 58 P. 32. La muraille existait probablement déjà en 1143.