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Le camp


Le camp de Vorbruck-Schirmeck se trouvait sur le ban de La Broque, au lieu-dit Prairie de La Broque1. L'endroit était bien choisi, à l'écart des habitations2 ; en 1939, les Français y avaient déjà construit des baraquements de bois pour loger des réfugiés. Les Allemands démontèrent ces constructions et les rebâtirent à leur convenance.
La décision d'établir ce camp revient au Gauleiter Robert Wagner, en accord avec le Führer Adolf Hitler ; il en confia la conception au Dr Scheel. Le camp fut ouvert le 2 août 1940, sous le nom de Sicherungslager Vorbruck, ou Sicherungshaft-Erziehungslager Vorbruck, selon la nouvelle dénomination des communes imposée par l'autorité allemande3 : c'était en effet un camp de travail, de rééducation et de sécurité et non un camp de concentration comme le Struthof.

Le train s'arrêta enfin. On entendit qu'on décrochait le wagon. On nous fit sortir. Sans doute nous conduisit-on à pied de la gare jusqu'au camp, à travers Schirmeck. C'est alors que je pus voir Jean. Au camp, on nous mit en ligne, les hommes derrière, les femmes devant. Il nous était interdit de parler. Partout, il y avait des militaires de la Gestapo et des SS. Un à un, les prisonniers durent se présenter au commandant Buck, dans son bureau. Cet officier avait une jambe de bois. Il me remit mon numéro et le tissu vert qui disait le motif de mon incarcération, en me disant :
- A partir de maintenant, vous n'êtes plus un être humain, vous n'êtes plus qu'un numéro. Lorsque vous sortirez d'ici, vous ne devrez rien dire de ce que vous y aurez vu, sous peine de revenir. Et ce sera bien pire alors .


Karl Buck était né à Stuttgart le 17 novembre 1893. Il fut lieutenant durant la Première Guerre Mondiale et travailla ensuite dans l'industrie du ciment, notamment au Portugal et au Chili. Il fut amputé de la jambe gauche en 1930, ce qui lui valut le surnom de commandant à la jambe de bois. Il entra dans la Gestapo en 33 et fut nommé à la direction du camp de Vorbruck en 40, poste qu'il tint jusqu'au 20 novembre 44 avec le grade de Lagerkommando SS Hauptsturmfüher. Il dirigea le camp d'une façon impitoyable, imposant aux prisonniers une détention avilissante car il ne dépensait pas la moitié de la somme qu'il touchait par détenu. Homme violent, soumis à des sautes d'humeur que lui infligeait son infirmité, il aimait frapper et humilier. Il s'était entouré d'un personnel sans scrupule, parmi lequel Marie-Louise Lehmann, une Alsacienne, qui tenait en main le camp des femmes.
Karl Buck fut fait prisonnier en 46 et condamné à mort par un tribunal britannique à Wupperthal. Les juges français confirmèrent cette peine en 1953 à Metz. Il fut détenu deux ans avant d'être remis en liberté en 1955.

On coupait souvent les cheveux des femmes. Mais le commandant inspecta les miens et put constater que j'étais une vraie blonde et, comme j'avais de plus les yeux bleus, cette humiliation me fut épargnée. J'avais en effet le type physique que les nazis recherchaient.

  • 1. Il ne faut pas le confondre avec celui du Struthof, qui est sur la commune de Natzwiller et avait une tout autre destination.
  • 2. On y accédait par la route départementale 362, qui mène au Donon. Le lotissement du Souvenir, ou lotissement du Framont, ocupe aujourd'hui l'emplacement du camp.
  • 3. Entre 40 et 44, les communes de La Broque, Rothau, Barembach et Schirmeck étaient réunies en une seule sous le nom de Grossschirmeck. Vorbruck était le nom allemand de La Broque.

Référence à citer

Marthe Klinger, Marthe Klinger. Camp de Vorbruck, Matricule 48, Bâtiment 14., archeographe, 2007. http://archeographe.net/Marthe-Klinger-Camp-de-Vorbruck