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Les 20 ans d'archeographe - le bilan

archeographe fête ses 20 ans !

C'est en effet en 2003 qu'archeographe publiait son premier article.

Créé par deux passionnés d'archéologie et d'informatique, il reste encore aujourd'hui l'un des seuls webzines français consacrés à ce domaine. Cela vient avant tout du choix que nous avons fait d'emblée de publier régulièrement de nouveaux articles et de veiller à ce qu'ils soit accessibles sans sacrifier le contenu scientifique. Et, bien sûr... sans doute aussi à nos poissons d'avril !

Vingt ans de labeur, de joie, et parfois de désillusion. L'heure est venue de dresser un bilan, avec comme objectif de pérenniser le site tout en le faisant évoluer.

Le don de soi
Nous sommes quelque uns à penser que nous devrions être sur Internet des « consommacteurs » : des êtres capables de recevoir et de créer en retour. Quand nous parlons de création, nous nous refusons à céder au narcissisme ambiant : les photos, les vidéos et les textes publiés sur des réseaux sociaux à seule fin d'auto-promotion n'apportent rien à personne, si ce n'est, et encore n'est-ce pas certain, à leur auteur1.

Évidemment, nous aussi faisons des recherches, et nous consommons de l'information. Internet est un outil extraordinaire pour cela. Mais ne devrions-nous pas prendre plus souvent la peine de savoir qui la publie ? Éviter de lire en diagonale, piochant ce qui nous intéresse et repartir sans un merci ? Qui serait assez naïf pour penser que cette manière de faire peut se poursuivre indéfiniment ? Il est essentiel de se poser la question. Nous militons pour une relation posée avec ce formidable média. Essayons de mieux connaître les acteurs d'Internet et, à notre tour, de leur apporter quelque chose.

Olivier Bobineau, dans son article consacré à La troisième modernité, ou « l'individualisme confinitaire »2, indique que

l'internaute est le consommateur d’institutions et de services à la carte selon l’agrégation de ses satisfactions. L’individu consomme si le produit le satisfait ; il zappe, l’use et le jette quand le produit se révèle moins satisfaisant.

C'est parfaitement exact, et nous voulons lutter contre cette attitude. Nous nous refusons à n'avoir qu'un rapport utilitariste aux choses. Nous nous opposons à ce braconnage stérile que décrit Michel de Certeau : une pratique culturelle qui consiste à

circuler sur les terres d’autrui et à ravir les biens d’autrui en toute impunité.

C'est une attitude de gamins immatures, mais adoptée par des adultes. Pierre Mounier dans son article « Internet 2012. Que reste-t-il de notre révolution ? »3, s'interroge ainsi :

Faut-il que la création artistique, scientifique et culturelle, qui nécessite effort et travail, soit protégée, récompensée et soutenue ? Oui, c’est évident, parce que c’est l’héritage que les Lumières nous ont laissé avec le droit d’auteur. Devons-nous permettre un libre accès à ces œuvres, un libre partage de l’information, une libre circulation de la connaissance ? Oui tout autant, car c’est la nouvelle frontière, la nouvelle promesse d’une ère numérique porteuse d’un renouvellement et d’un approfondissement de l’idéal qui nous vient là encore des Lumières. Comment réconcilier les Lumières avec elles-mêmes et sortir des contradictions qu’induisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication ? C’est le défi que nous devons relever aujourd’hui.

Les grands groupes de la culture et du divertissement ont dans leurs cartons des modèles économiques payants qui remplaceront avantageusement, pour eux en tout cas, le modèle fondé sur l'internet bénévole.

[Cette] forme de don, que l’on pourrait appeler le « don de soi » qui pourrait, si l’on n’y prend garde, s’estomper, voire disparaître faute de reconnaissance. Et ce don fait appel au partage4.

Résistons !

Pour survivre, archeographe a besoin d'évoluer au sein d'une communauté qui lui apporte un soutien humain et financier. Nous remercions vivement les auteurs qui ont permis à notre site de devenir ce qu'il est aujourd'hui. Nous éprouvons une grande satisfaction quand nous voyons qu'un article a été lu 200.000 fois, que nous sommes cités sur des blogs, des sites personnels et sur l'encyclopédie en ligne Wikipédia, quand des enseignants utilisent un article pour organiser une chasse au trésor ou illustrer leurs cours universitaires.

En même temps, force est de constater que tous les internautes n'ont pas de si bonnes intentions : archeographe est l'objet d'attaques quotidiennes de hackers ; des contenus sont repris sans autorisation... Et parlons un peu de l'espace de discussion que nous avions installé. Nous avions espéré qu'il ferait un excellent lieu d'échange, mais nous sommes tombés de haut. Il est rapidement devenu un terrain pour les trolleurs5, les spameurs et les pseudo-chercheurs nombrilistes. Est-ce la seule forme d'interactivité que nous méritions ? Assurément non !

Nous avons remplacé cet espace de discussion par des pages consacrées à archeographe sur twitter et facebook. Ces réseaux semblent avoir moins de succès auprès de nos lecteurs. Nous avons cependant quelques followers et abonnés que nous saluons au passage.

Prouvons qu'il est encore possible de nous mobiliser pour un internet libre et non marchand. Participez à la vie d'un site, celui de votre choix, et si l'archéologie est votre centre d'intérêt, n'hésitez pas à nous contacter sur facebook et à proposer votre aide. Nous recherchons des rédacteurs, des illustrateurs, des photographes, des traducteurs... Et aussi – c'était notre projet dès le début - des personnes prêtes à s'investir dans une association créée autour d'archeographe.

Le financement
Et - pourquoi pas ? il faut bien aborder ce sujet - des gens qui nous aident à financer archeographe, que ce soit à la façon de sponsors ou de mécènes.
Frederic Bezies pense que

l’internet gratuit n’est pas encore mort. Il bouge encore, même si ses mouvements sont encore faibles. Et il faut faire attention de ne pas enterrer une personne encore vivante6.

S'occuper d'un webzine nécessite un financement, du temps et de l'énergie. Le succès grandissant, nos frais d'hébergement ont augmenté. Nous étions heureux de l'intérêt des lecteurs mais en même temps nous sommes en face du grand paradoxe d'Internet : plus de succès = plus de frais mais pas plus de revenus. L'équation semble impossible à résoudre !

Nous avions introduit quelques encarts publicitaires. En 2008, les revenus générés comptaient alors pour moitié du financement du site. Mais les revenus publicitaires ont fondu depuis 2010. Nous n'aimions pas particulièrement la publicité, et ce d'autant moins qu'il était quasi impossible de la cibler. Elle ne rapporte plus rien, nous l'avons supprimée.

Nous avions proposé de faire un micro-don de 1 ou 2€ pour un article apprécié. La crise, des sollicitations trop nombreuses, comme le dit Frederic Bezies, ou d'autres raisons ont fait qu'aucune somme n'a été recueillie. À la trappe !

Nous avons essayé les partenariats : vous achetez par notre intermédiaire un livre dont on parle dans un article et nous touchons une petite commission. Là encore, les résultats sont décevants. Nous avions limité ce type de revenu à la rubrique « Bibliographie ». On enterrera prochainement le cadavre !

archeographe fonctionne, encore aujourd'hui, par auto-financement et par quelques dons privés. C'est insuffisant et cela limite notre capacité à nous développer. Quelle est la solution ?

Pour conclure...
Nous pouvons l'avouer, nous avons été tentés, devant ces difficultés, d'arrêter archeographe
Nous nous sommes toutefois fortement impliqués dans ce projet, et il nous tient à cœur de le mener aussi loin que nous le pourrons. L'intérêt que vous lui portez est pour nous un grand soutien : vous avez été si nombreux à visiter la première version du site que l'accès en a été bloqué longtemps et souvent. Aussi avons-nous construit un nouveau site sur lequel, tout en assurant de nouvelles publications, nous avons entrepris de transférer les articles déjà publiés. Cela ne s'est pas déroulé aussi bien que nous l'aurions souhaité, et mener deux fronts est au dessus de nos possibilités. Notre priorité est aujourd'hui de rendre les anciens articles accessibles. Notre appel au concours de nouveaux auteurs et de nouveaux articles en est d'autant plus pressant.

Voilà pourquoi notre mot de conclusion à ce bilan de nos vingt ans d'activité est celui-ci : À vos plumes, chers amis !

Emmanuel Pierrez et Marc Heilig