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Le fort du Bas Empire du Sponeck
Sur l'itinéraire qui nous conduit à Fribourg en Brisgau, arrêtons-nous d'abord pour une promenade dans la forêt de la rive droite du Rhin, afin de voir les ruines d'un fort du Bas-Empire. Elles sont malheureusement à l'intérieur de la propriété du château, et l'on ne peut les contempler que de loin.
Lorsque le limes céda aux incursions germaniques, dans la 2e moitié du IIIe s. ap. J.-C., la frontière de l'empire romain se reporta sur le Rhin, le lac de Constance, l'Iller et le Danube. Elle fut réorganisée après le milieu du IV e s. par la construction de tours de guet, de bourgs fortifiés et de forts. L'empereur Valentinien Ie (364-375) entreprit de fortifier ainsi tout le cours du Rhin. Le fort du Sponeck, construit vers 370, appartient à cette ligne de défense, de même que celui du Munsterberg à Breisach, où l'empereur résida en 369.
Malgré sa petite taille, le fort du Sponeck est une position solide qui devait servir de défense contre les Germains et protéger le passage du Rhin. Dès avant l'occupation romaine, en effet, deux routes se rejoignaient à cet endroit de part et d'autre du fleuve. Les Romains saisirent toute l'importance militaire du lieu, ce que souligne la forte concentration d'installations militaires dans un espace restreint : forts du Bas-Empire situés en aval sur la rive gauche, à Kunheim et à Horbourg, mais aussi la grande fortification du Munsterberg. Peu après son édification, le Sponeck fut au centre d'événements guerriers : ici ou vers Breisach, une horde d'Alamans franchit le Rhin en 378, avant d'être repoussée par l'empereur Gratien à Horbourg. Le fort fut peut-être pris et détruit à cette occasion, ce qu'indiquerait une couche d'incendie dans la tour quadrangulaire. Toutefois, l'occupation du fort est certaine jusqu'au retrait des troupes frontalières en 401, et peut-être même au delà. Il existait toujours au Ve s. car les Alamans, puis les Francs, s'en servirent pour défendre cet important passage. Cette fonction détermina aussi, des siècles plus tard, la construction d'un château fort dont les restes dominent encore l'enceinte du Bas-Empire. Le Sponeck et son rapport avec un passage du Rhin sont connus depuis longtemps. En 1973, on découvrit dans le glacis du château médiéval des restes de murs visiblement plus anciens. L'années suivante, des fouilles confirmèrent cette hypothèse et permirent la découverte de murs et de tours encore en place appartenant à un fort du Bas-Empire. On explora aussi les aménagements intérieurs, pour autant qu'ils n'aient pas été détruits par les interventions ultérieures, comme les profonds fossés du château fort.
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L'éperon rocheux, de 25 m de hauteur environ, était entouré par le fleuve (A) sur 3 cotés (la rectification du cours du Rhin au XIXe s. a considérablement modifié cette disposition). Le mur d'enceinte s'adapte à la configuration du terrain dont il utilise les avantages pour rendre l'approche difficile. L'attaque n'était possible que par l'Est : là, le mur, large d'1 m 60, s'avance comme un verrou avec deux tours au devant du rocher (B, C). Une petite tour circulaire (D), placée directement sur l'arête, défendait peut-être une porte donnant sur le fleuve et un point d'accostage. L'enceinte est presque exclusivement construite avec la roche volcanique qu'on trouve sur place ; on a utilisé un grès rouge bigarré pour les seuils et les angles. L'aménagement intérieur, qui couvre une superficie de 40 x 50 m environ, comprend des murs de terre. Vraisemblablement, une tour se dressait aussi à l'endroit le plus élevé de l'éperon (E), qui se trouve dans la fortification ; de là, on pouvait apercevoir le Munsterberg et les points de défense de la rive gauche. Les monnaies confirment la présence des troupes romaines entre 370 et 400 environ. La céramique apporte d'autres informations. De petites officines d'Argonne ont fourni des récipients en sigillée ; des pots à cuire et des cruches proviennent de l'Eiffel. Très différente, une céramique façonnée sans tour renvoie aux influences germaniques ; elle atteste la présence de mercenaires ou d'éléments auxiliaires étrangers dans l'armée du Bas-Empire. Les armes sont surtout représentées par des pointes de flèches et des billes de fronde. A l'équipement des soldats appartiennent fibules de bronze et garnitures de ceinturons. Il faut signaler quelques restes de vaisselle de bronze, ainsi que de peignes en os joliment ornés. La majeure partie des trouvailles est exposée au Musée de la Préhistoire et de la Protohistoire de Fribourg. Dans le mur qui borde la propriété, on trouve aussi l'inscription en remploi qui provient du fort romain.