Vous êtes ici

Situation de Caricin Grad par rapport aux routes.

Fig.1 : Situation de Caricin Grad par rapport aux limites provinciales et aux routes.Cette question a été abordée à diverses reprises, notamment par F. Barisic en 1963 et J.-M. Spieser en 1988. Il faut noter d'abord que Caricin Grad se trouve presque à égale distance (30 et 40 km respectivement) entre deux routes mettant en communication Naissus (Nis) et Scupi (Skopje) ou, au-delà de ces villes, le limes danubien et la Macédoine (fig.1).La première correspond à la grande route moderne Belgrade-Thessalonique : elle remontait au Sud de Nis la vallée de la Morava du Sud, passait par le défilé (klisura) de Grdelica, gagnait Vranje (Aquae) et au-delà atteignait la vallée du Vardar un peu à l'Est de Scupi.La seconde route était moins directe : de Nis, elle se dirigeait d'abord vers l'Ouest, rejoignait à Prokuplje (Hammeum) la vallée de la Toplica, puis à partir de Kursumlija (Ad Fines) descendait plein Sud à travers la Dardanie jusqu'à Ulpiana (Justiniana Secunda), traversait la plaine du Kosovo et gagnait Scupi par la vallée du Lepenac, affluent de la rive gauche du Vardar.De ces deux routes Naissus-Scupi, M. Mirkovic (1960) et J.-M. Spieser (1988) ont montré que, selon toute vraisemblance, la plus importante aux époques romaine et byzantine a toujours été la seconde, d'ailleurs mieux attestée. La route suivant la Morava, bien que plus courte, était en effet parsemée d'obstacles, notamment des zones marécageuses, et elle était particulièrement exposée aux endroits où la vallée se resserre, même si un diverticule empruntant la vallée de la Veternica pouvait permettre de contourner par l'Ouest le passage le plus dangereux, la klisura de Grdelica.Si l'on considère maintenant les itinéraires secondaires, on remarque que deux routes, reliant les deux grands axes dont nous venons de parler, passaient non à Caricin Grad, mais à proximité (5 à 7 km). Toutes deux devaient se raccorder à la route de la Morava dans la plaine où se trouve la ville actuelle de Leskovac. La première de ces transversales se dirigeait vers l'Ouest, rejoignait la vallée de la Pusta Reka, la remontait jusqu'à Bojnik et Zlata, où subsistent d'importants vestiges protobyzantins1, et pouvait de là rejoindre à Prokuplje-Hammeum la route d'Ulpiana.La seconde transversale remontait vers le Sud-Ouest la vallée de la Jablanica, passait par les bourgades actuelles de Lebane, puis de Medvedja2, et franchissait un col à 1 020 m d'altitude, entre les Monts Majdan et Koznica, avant de redescendre sur Ulpiana.Il est donc clair que Caricin Grad, contrairement à ce qui est souvent avancé ou suggéré3, n'était nullement un carrefour : nettement à l'écart des itinéraires les plus fréquentés, la ville était néanmoins assez commodément accessible à partir de deux voies secondaires qui n'étaient guère, au départ, que des dessertes locales. Ce qui a pourtant été moins remarqué et qu'il importe de souligner, c'est que les prospections de terrain effectuées dans les années 1976-19854 ont montré que la haute vallée de la Jablanica était jalonnée de petits sites fortifiés certainement occupés au VIe siècle (fig.2). Ils sont plus nombreux sur la rive droite (Radinovac, Lapastica, Tupale, Sijarina, Vrapce) que sur la rive gauche (Mrkonje, Medevce), et sont généralement placés un peu en retrait de la rivière (entre 1 et 4 km), en position dominante par rapport à l'un des ruisseaux qui s'y jettent. Fig.2 : Les sites fortifiés secondaires dans la vallée de la Jablanica. Quelques-uns de ces fortins ont été l'objet de fouilles de sauvetage, mais aucun n'a été systématiquement exploré. Il est donc difficile de dire lesquels étaient occupés avant Caricin Grad et lesquels sont postérieurs à la fondation de cette ville. Il est quasi certain que la route de la Jablanica était fréquentée dès le Haut Empire, ne serait-ce que parce qu'elle seule donne accès aux mines d'argent et de plomb de Lece. En tant qu'itinéraire vers Ulpiana et moyen de liaison entre Dacie méditerranéenne et Dardanie, elle dut gagner de l'importance au plus tard au Ve siècle. C'est en effet le moment où le processus d'occupation des sites de hauteurs prit une réelle ampleur, et où les grandes routes traversant les plaines tendirent à décliner au profit des routes secondaires, qui empruntaient des tracés plus difficiles mais plus sûrs, et qui finirent par drainer une part importante du trafic. Dans le cas qui nous occupe, cette redistribution des circulations a-t-elle facilité la fondation de Caricin Grad ? A-t-elle au contraire été stimulée et amplifiée par cette dernière ? La réponse à ces questions ne pourrait venir que d'une campagne régionale de sondages systématiques, qui permettrait d'affiner la chronologie des différents sites.

  • 1. Une basilique et un grand barrage.
  • 2. Où ont été trouvés des vestiges romains.
  • 3. Kondic et Popovic 1977, p.10-11. 302.
  • 4. Ercegovic-Pavlovic et Kostic 1988.