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De la physiognomonie
1. La physiognomonie traite du rapport entre les qualités intérieures et la figure extérieure. Tout l'extérieur est l'expression de l'intérieur. Chaque qualité intérieure a son expression extérieure. Toutes les propriétés spirituelles avec toutes leurs nuances s'expriment dans les nuances des figurations corporelles, de sorte que le corps est modelé sur l'âme.
C'est une étude immensément vaste à cause de l'immense différence qui se trouve en tout ce qui nous entoure.
Dans tous les temps il y a eu des personnes qui plus que d'autres se sont appliquées à l'étude de cette science, principalement parmi les anciens grecs et romains. Nous en avons les preuves dans ces nombreuses sculptures, qui nous restent encore de ces temps reculés, des chefs d'œuvre qui expriment d'une manière si parlante les passions, dont devaient être animés ceux qu'ils voulaient représenter.
Pour essayer d'en tracer un tout petit ABC, un premier essai :
1 - Toutes les qualités de l'Âme et de l'Esprit s'expriment par quelques traits au dehors.
2 - A mesure qu'un homme devient meilleur, plus posé, plus raisonnable, plus doux, plus humble, il se fait insensiblement des petits changements sur les parties molles de son visage, quoique le fond de sa figure reste.
3 - Mais il arrive la même chose à celui qui se corrompt davantage et devient plus méchant, orgueilleux, voluptueux ou présomptueux, de même qu'à celui qui affecte les vertus qu'il n'a pas ou à l'hypocrite.
4 - On peut donc appliquer ici aussi le principe que le Seigneur a donné à ses disciples sur un autre sujet, en disant : « une seule chose est nécessaire » : c'est à dire : veux-tu rendre ta physionomie meilleure, plus intéressante, plus agréable, plus respectable, poursuis la seule chose pour laquelle tu es ici, ta sanctification. Ainsi oublie ta figure et tâche de devenir vraiment meilleur intérieurement, plus humble, plus serviable, plus indulgent, plus modeste, plus loyal, franc et véridique, plus fidèle, plus sobre, plus modéré, plus charitable. Si tu fais cela, tes efforts et tes progrès ne peuvent que s'exprimer par des traits analogues, et ton visage deviendra de soi-même insensiblement plus aimable et plus intéressant.
5- Toute partie saillante décèle une promptitude, un empressement à se montrer, à s'avancer, dans la propriété de l'âme qui est analogue à ce membre ou qui par lui est représenté. Par exemple :
- On ne voit guère que les mentons saillants ou avançant en deçà de la bouche se cachent ou se retirent et évitent d'être vus, comme le font les mentons retirés ou reculés.
- Les fronts avancés sont opiniâtres et entêtés. Les fronts perpendiculaires et hauts le sont aussi mais d'une autre manière.
- Et rarement les hommes à grands nez restent-ils en dette pour une réponse et les nez à bossette pour des saillies.
6 - Ordinairement le défaut d'une qualité est compensé par une autre qualité. Par exemple le défaut de courage est compensé par la ruse, et la ruse accompagne ordinairement la timidité. De même la violence du caractère est ordinairement accompagnée de la générosité et magnanimité. Tout comme l'opiniâtreté l'est ordinairement par la sensibilité.
7 - Il y a en nous un mélange singulier de qualités, souvent même de très contradictoires. Supposez par exemple un homme qui ait le menton retiré, il aura donc de la timidité et une portion de ruse, sa compagne. Mais le même homme aurait l'œil très perçant et l'os des sourcils fort saillant ; le voilà fort rassuré par sa pénétration. Supposez lui encore une poitrine et des épaules fort larges, cela décèlerait du calme, du courage et de la force. Voilà donc un homme timide et courageux en même temps, avec tous les accessoires de l'une et l'autre de ces deux qualités.
Selon les circonstances où il se trouve sa timidité pourra l'engager quelque fois à déguiser la vérité, il pourra être tenté de devenir un peu hypocrite et faux, tandis que son courage, sa pénétration et son calme le font véridique et franc.
Pour le combat, il ne l'aimera pas d'abord, il l'évitera. Mais lorsqu'on le pousse à bout, il ne craint plus, il ne cède pas, il se dresse et combat vaillamment – tel le lion.
8 - Tous n'ont pas les qualités, au moins dans un degré éminent, pour lesquelles ils ont reçu une disposition naturelle. Par exemple : tel, dont la conformation de la bouche semblable à celle des poissons semble n'indiquer que le désir de recevoir et d'amasser, fait dix fois plus de bien que tel autre, dont la tournure et la conformation de la bouche semble être celle de la bienfaisance même.
Mais le premier a peut-être reçu une éducation par laquelle la charité active a obtenu la première place entre ses passions. Et l'autre en a peut-être reçu une diamétralement opposée, de façon qu'étant bon naturellement et enclin à la bienfaisance, il est si occupé par les besoins de sa propre personne et peut-être en même temps commode, léger et nonchalant qu'il ne lui reste rien ou guère pour les autres.
Il n'en est pas moins vrai, que la bouche du premier peut être celle de l'avarice et la bouche du second celle de la bonté et bienfaisance ; parce que le fond de la première conformation est resté, quoique d'autres traits qui depuis sont survenus décèlent les changements qui se sont faits peu à peu dans les deux caractères.
9 – D'après tout cela il est aisé à présumer quelle est la physionomie et la figure des personnes qui par la mort ont déposé ce corps terrestre. C'est plus précisément l'expression de l'intérieur. Là rien ne peut être caché, aucun mouvement du cœur, aucun penchant à la vertu, ou au vice. Déjà ce corps terrestre, quoiqu'il soit une masse de chair compacte et d'ossements fermes et durs, ne peut pas empêcher les mouvements de haine, de colère, les épanchements de l'amitié etc. à peser à nos yeux. Mais le corps spirituel étant fait d'une étoffe infiniment plus déliée et plus subtile cède tout autrement promptement, et se laisse modifier par tous les moindres changements et mouvements qui se font dans l'intérieur. Par conséquent, les vertueux deviennent toujours plus beaux et les méchants plus laids à mesure qu'ils avancent les uns dans l'abandon à leurs passions et les autres dans le combat contre elles.
Le front
Le front exprime le plus ou le moins d'esprit, de génie et de volonté. A mesure que le front avance ou recule davantage, l'homme sera plus ou moins cédant et traitable ou opiniâtre et entêté. Les peuples qui n'ont pas l'usage de rompre la volonté de leurs enfants ont le front ou le haut de profil plus avancé que les peuples où on fait mieux cultiver le cœur des enfants et les dresser à la docilité.
Les fronts des femmes sont plus petits que ceux des hommes. Ces derniers ont plus de jugement que les premières ; de là vient l'expression : un jugement mâle ; mais les femmes ont plus d'imagination et de génie.
NB. On parle toujours en général, car il y a un grand nombre d'exceptions de toutes espèces.
Les fronts qui s'élèvent rapidement comme des rochers ou les fronts perpendiculaires ne cèdent guère et retiennent tenacement les idées qu'elles ont une fois adoptées. De pareilles personnes ont ordinairement quelqu'autre part une expression de docilité. Par exemple un nez échancré, ou des lèvres charnues ou le menton retiré. Sans cela elles seraient très difficiles à traiter.
Le nez
Le nez exprime la perception, le goût. On dit de quelqu'un qu'il a le nez bon ou fin, quand il devine aisément ce qu'on veut dire, ou ce qui va arriver.
Un nez échancré écoute et réfléchit plus aisément que le nez raidement droit, ou surmonté d'un monticule, d'une saillie. Ces derniers seront plus vifs dans les réparties, il y aura plus de sel dans leurs réponses, ils seront plus riches en saillies que les nez échancrés.
Les personnes à grand et gros nez seront plus promptes et plus impérieuses que les personnes à petits nez.
Les nez effilés vers la pointe ont plus de talents pour le subtil et plus de patience pour limer finement ce qu'ils écrivent et produisent, mais ils ont moins de force, de courage et de fermeté. Tel est celui de Cicéron.
La promptitude à la colère s'expriment dans les gros nez et les nez à coin ou angulaires ou retroussés. On dit de ces derniers qu'ils sont liés ou retroussés courts, c'est à dire très susceptibles, très irritables. Un mot, une mine, un ton les met de mauvaise humeur. Où il y a du corps, il y a de l'ombre, et toute disposition naturelle a son bon et mauvais côté et tend vers le vice ou la vertu suivant qu'elle est dirigée et conduite.
Des bêtes
Les bêtes ont aussi leur physionomie.
Le chat n'a guère d'odorat, aussi n'a-t-il qu'un très petit nez. Le chien a l'odorat excellent et son nez est très allongé. Le chat avec son petit nez n'a guère de perception et on ne le peut presque pas dresser du tout. Le chien avec son long nez est tout autrement susceptible de dressement. Mais le plus intelligent de tous les animaux est l'éléphant dont le nez est allongé en une longue trompe. Il a autant de perception qu'aux Indes on a coutume de dire qu'il ne manque à l'éléphant que la parole.
Le chat a des manières et la voix très douces, et son poil aussi est très doux. Cependant il est cruel et ignoble, aussi n'a-t-il guère de poitrine et beaucoup de ventre. Le lion au contraire a la poitrine très large, le sang y peut circuler à son aise. Aussi est-il fort calme, tranquille, noble, courageux et reconnaissant. Son ventre est très mince. Il ne mange que pour subsister.
Le cochon semble être le contraire du lion. Il a le ventre extrêmement gros, et la poitrine très resserrée. Aussi est-il peut-être le plus ignoble de tous animaux. Il ne veut que manger et se reposer. En même temps il est très opiniâtre, aussi a-t-il la nuque très large.
Des plantes
Quand tu entendrais dire que les plantes ont leur physionomie, tu en rirais peut-être. Mais avec raison, ou tort ? Qu'est-ce que la physionomie, si ce n'est l'expression extérieure et visible des qualités intérieures et cachées ?
Or les plantes ont des qualités, des vertus, des propriétés cachées au dedans d'elles ; et au dehors elles ont une figure visible et palpable, sans laquelle nous ne pourrions ni les voir ni les toucher. Or si cet extérieur a un rapport fidèle avec l'intérieur, avec les propriétés cachées, il en est donc l'expression, et les plantes ont leur physionomie. Comparez par exemple une plante aromatique avec une plante émolliente. La première aura des fibres serrées et vides, qui font d'abord naître l'idée de la forme ; la seconde au contraire aura des fibres relâchées, molles et gonflées.
Les aromatiques sont celles qui ont un goût plus ou moins fort, irritant et brûlant. On y compte l'anis, le fenouil, le coriandre, l'armoise, le calamun, le persil, la mélisse, la menthe, l'origan, le basilic, la marjolaine, la sauge, le serpolet…
Les émollientes et relâchantes n'ont presque point de goût et elles remédient à la trop grande raideur des fibres, telles sont : les semences de chanvre et de lin, les choux, les fruits doux, la joubarbe, la mauve et guimauve, le bouillon blanc, la tussilage…
Le Dr Würtz de Strasbourg a écrit là-dessus un traité très instructif pour les candidats en médecine et botanique. Son exemple montre qu'un œil exercé à cette étude peut parvenir à découvrir par la simple vue, dans quelle classe il faille ranger une plante, si c'est parmi les fortifiantes ou émollientes, les amères ou les douces, les astringentes irritantes
- 1. Archives de Strasbourg, Manuscrit 77 Z 55