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Deux vestiges de colonnes de Jupiter en Alsace
A Woerth et à Surbourg, dans le Bas-Rhin, on peut encore voir deux éléments de ces colonnes de Jupiter qui, à l'époque gallo-romaine, furent un type de monument commun dans l'Est de la France et l'Allemegne limitrophe.
Les stèles à quatre dieux sont fréquentes dans les musées alsaciens. Le musée archéologique de Strasbourg en possède plusieurs. La plus célèbre
est celle qui fut trouvée place Kléber. Œuvre d'un véritable artiste, elle représente Junon, Mercure, Minerve et Hercule. D'autres sont d'un travail moins soigné, comme celle de la Grand'Rue, à Strasbourg encore, ou de Ehl, qui reprennent la même série de dieux. Bien que ces divinités soient les plus fréquemment représentées, le choix peut être différent : la stèle de Butzel (Moselle), elle aussi à Strasbourg, associe Junon, Mercure et Apollon (le quatrième personnage a disparu). Toute ces stèles datent du début du IIIe s. Le musée de Haguenau présente un beau Jupiter cavalier terrassant le géant, le groupe qui surmontait ce type de monument.
Ces colonnes devaient être un élément commun du paysage à l'époque gallo-romaine. A Woerth et à Surbourg, des vestiges en sont encore
visibles en plein air. La stèle aux quatre dieux de Woerth, qui agrémente aujourd'hui un petit jardin public près de la rivière, fut découverte en 1577. Il ne faut prendre en compte que la pierre sculptée car les éléments qui la surmontent semblent assez hétéroclites. Woerth a peut-être une origine gallo-romaine, mais on n'a découvert jusqu'à présent aucune trace d'habitat qui l'affirme.
La stèle de Woerth est taillée dans un seul bloc de grès. Les quatre faces offrent la suite ordinaire de Mercure, Junon, Minerve et Hercule. Mercure est vêtu d'une chlamyde attachée sur l'épaule gauche, qui couvre l'épaule droite et laisse nu tout le reste du corps. Il a le bras droit replié sur le torse et tient une bourse; l'autre devait tenir le caducée.
Junon est mieux conservée. Drapée dans une longue robe serrée sous la poitrine, elle tend une patère vers un autel situé à ses pieds du côté gauche. Au dessus de son épaule gauche est représenté le paon, son emblème. Le bras droit a disparu. Ce qui reste de l'épaule laisse toutefois penser que la déesse tenait une longue torche, comme c'est souvent le cas, en particulier sur la stèle de la place Kléber.
Casquée et vêtue d'une longue robe flottante attachée aux épaules par des fibules, Minerve tient de la main droite le bord de son bouclier posé verticalement sur le sol et sa lance de la main gauche.
Hercule, enfin, est représenté nu. Il s'appuie de la main gauche sur sa massue. Le côté gauche est très abîmé, mais la dépouille du lion couvrait sans doute l'épaule du dieu.
Comme toujours dans ces représentations officielles, les attributs des divinités se conforment aux stéréotypes. La sculpture, quoique sans grande
originalité, est pourtant d'assez bonne facture et témoigne de l'assimilation de l'art hellénistique par l'art romain jusqu'au fond des provinces. Junon et Hercule sont particulièrement réussis. En choisissant un canon équilibré et des postures harmonieuses, le sculpteur a fort bien rendu la puissance sereine d'Hercule et la dignité de Junon. Mercure et Minerve sont d'un canon plus étiré ; leurs attitudes et leurs proportions, loin d'avoir l'aisance des deux autres figures, accusent une certaine maladresse. Il se pourrait bien qu'ils soient d'une autre main.
A Surbourg, un autre élément d'une colonne de Jupiter est remployé, près de l'entrée du côté nord, dans la maçonnerie de l'église abbatiale qui fut construite entre 1050 et 1060. Ce tronçon de colonne est orné d'écailles, comme souvent sur ces monuments.