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Les roches gravées de Montravail

À la différence de la plupart des sites du même type, dans les Petites Antilles, les roches gravées de Montravail ne sont associées ni au littoral, ni à un cours d’eau. Elles sont localisées à 3,5 km de côte, au sommet d’une colline, à environ 200 m d’altitude. Ce secteur offre une vue spectaculaire sur la mer des Caraïbes, le Rocher du Diamant (l’îlet le plus emblématique de la Martinique) et le Morne Larcher (un volcan éteint, populairement appelé « la femme couchée »).

L’art rupestre de Montravail a été signalé au Musée départemental d’archéologie de la Martinique en 1970, par l’universitaire Jean Crusol. Il a été publié pour la première fois en 1973, par Mario Mattioni, qui dirigeait alors le musée. Par la suite, il a motivé diverses études archéologiques, notamment celles de Henry Petitjean Roget (1975a et b), Cornelis N. Dubelaar (1995), Sofia Jönsson Marquet (2002) et Fabrice Casagrande (2008, 2014). Ce dernier pratiqua des sondages sur le site, en 2007, dans le cadre d’une mission de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP).

Les pétroglyphes ont été réalisés par piquetage-bouchardage, sur cinq rochers d’andésite, répartis sur une surface de 18 x 12 m. Ils représentent 16 visages humains très simplifiés, figurant les yeux, généralement la bouche et parfois le nez ; certains sont surmontés de motifs difficilement interprétables. La roche principale, qui mesure approximativement 1,50 x 1,70 m, réunit à elle seule douze visages ; onze d’entre eux occupent une grande surface lisse produite par le détachement naturel d’un bloc.

Ce genre de visage stylisé est un thème récurrent dans l’art rupestre des Petites Antilles.  De fait, la composition visible sur la roche principale de Montravail évoque plusieurs autres sites de la région, tels que ceux de Trois-Rivières et de la Rivière du Plessis, en Guadeloupe, de Stone Fort River à Saint-Kitts, ou encore de Yambou, à Saint-Vincent; mais les comparaisons pourraient être étendues à l’Amérique du Sud, voire à l’Amérique Centrale. Si l’on entre dans les détails, on relève qu’un motif buccal en forme de trident, du répertoire iconographique de Montravail, se retrouve parmi les pétroglyphes du Galion.

La zone archéologique de Montravail comporte, en outre, trois rochers pourvus de cupules de différentes tailles. Ces curieuses dépressions artificielles accompagnent souvent l’art rupestre des Antilles. Elles sont traditionnellement interprétées comme étant des polissoirs, servant à la finition de lames, de haches et d’objets en coquillage, mais elles ont également pu être utilisées comme meules, mortiers ou réceptacles pour des substances diverses.

La céramique découverte par Casagrande en 2007, et des analogies entre l’iconographie des pétroglyphes et celle de certains vases, semblent indiquer que le site de Montravail a été occupé pendant la phase Saladoïde Cedrosan Moyen/Récent (fin du IVème – début du VIIIème siècle après J.-C.). Il constituerait donc un témoignage de la culture saladoïde, qui se développa dans le bassin de l’Orénoque (Venezuela) et sur la côte nord de l’Amérique du Sud, avant de se diffuser dans l’archipel antillais, à partir du Vème siècle avant J.-C. Les porteurs de cette culture avaient une organisation sociale égalitaire, dont le cadre se limitait au village ; leur subsistance reposait, notamment, sur l’agriculture. Mais la nature de l’occupation du site précolombien de Montravail demeure mystérieuse, en l’absence de traditions ou de témoignages connus, se rapportant aux vestiges. Toutefois, nous pouvons raisonnablement supposer que les gravures rupestres étaient liées à des pratiques rituelles.



Référence à citer

Sébastien Perrot-Minnot, Les roches gravées de Montravail (Martinique) et leur valorisation, archeographe, 2014. https://archeographe.net/roches-gravees-de-montravail