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La seconde Libération.

Le contexte historique.

Après la première libération de Haguenau, le 11 décembre 1944, les troupes américaines poussent leur avance jusqu'à la frontière nord du Bas-Rhin.

Le 31 décembre, Hitler déclenche l'opération Nordwind par laquelle il espère encercler la 7e Armée américaine et reconquérir Strasbourg. Les Américains se replient et établissent la ligne de front sur la Moder, en passant par Haguenau.Jeudi le 25 janvier 1945, les Allemands attaquent et franchissent la Moder en face du quartier du Château Fiat en passant par l'écluse de l'usine Pickering1. Les combats les plus durs se déroulent dans la soirée, notamment dans les premières maisons des Quatre-Vents. L'attaque est bloquée à la route de Bischwiller. Le soir, Hitler abandonne l'opération Nordwind, y compris la tête de pont sur la Moder. Mais les combats ne cessent pas pour autant.
Vendredi 26 janvier, dès le matin, les Américains reprennent l'usine Pickering par un combat en corps à corps.A partir de ce moment, le front reste stable jusqu'à la libération finale du 15 mars 1945.

L'attaque du 25 janvier 1945.

La 36e Division durant la Seconde Guerre Mondiale. Le franchissement de la Moder.

Au front nord, les 1e et 9e Armées américaines ont atteint le Rhin. Profitant d'une maladresse fatale allemande, les Alliés le traversent la première fois le 7 mars au pont Ludendorff près de Remagen. Après l'établissement d'une tête de pont, le Feld-maréchal Albert Kesselring, remplaçant de Von Rundstedt en tant que commandant supérieur de l'armée allemande au front de l'ouest, dirige la suite des opérations vers d'autres secteurs.

Début mars, la 3e armée américaine avance vers le sud et encercle un grand nombre d'Allemands.Le 15 mars, les 3e et 7e Armées américaines déclenchent une attaque dans le but de détruire définitivement les forces allemandes à l'ouest du Rhin, en Sarre et dans le Palatinat. La 36e Division, une partie du VIe Corps, est placée au flanc de l'armée dans le secteur de Haguenau. Sur sa droite, entre celle-ci et le Rhin, on trouve la 3e Division algérienne française et à gauche la 103e Division "Cactus".Deux objectifs sont données au 36e : briser la ligne de la défense de l'ennemi le long de la Moder pour permettre à la 14e Division Blindée d'avancer ; ouvrir une brèche dans la ligne Siegfried ; puis saisir Bergzabern et flanquer du côté droit la partie de la Ligne Siegfried face aux forces françaises.Les Allemands ont établi une ligne de défense le long de la Moder depuis début février. La Division de Haguenau se trouve face à la grande forêt au nord de la ville. Pour que la 14e Blindée puisse avancer, il faut y tailler une vraie brèche, franchir trois rivières, la Moder, la Zinsel et la Sauer, et y jeter des ponts.La route de Haguenau à Soultz doit être dégagée car elle sera l'axe principal d'approvisionnement du Corps. Comme elle traverse la grande forêt de Haguenau sur des kilomètres2, la progression par là aurait été trop lente. L'effort principal de la Division est donc orienté vers la zone dégagée à l'ouest, au-delà de la forêt.Sans aucune préparation d'artillerie, le 15 mars, à 1 h du matin, le 3e bataillon attaque par surprise. La Compagnie K du Lieutenant O'Dean Cox avance sur un terrain sans aucune possibilité de dissimulation ni de couverture, et fortement semé de mines antipersonnelles.La route est dégagée et le village de Bitschoffen pris tôt le matin. Repoussée trois fois, la compagnie se reforme et reprend le village, bien qu'un tiers de ses hommes soient tués ou blessés. La compagnie K reçoit la citation présidentielle pour cet acte de bravoure et le commandant de la Division dira plus tard en la remettant : "A ma connaissance, aucune unité n'a jamais autant mérité cette citation..Sur l'extrême droite de la Division, la 141e a comme tâche de dégager Haguenau, puis d'ouvrir la route vers Soultz. Le 13 mars, quelques tentatives préliminaires sont faites pour traverser la Moder à Haguenau dans le but d'établir la tête de pont et d'y lancer un pont. À 3 h, les 1e et 15e bataillons avancent au delà de Haguenau tandis que le 2e dégage le reste de la ville. Le 3e est tenu en réserve et couvre le flanc gauche, tandis que la 36e troupe de reconnaissance garde le contact avec les Français du côté droit.Cependant l'avance est lente. Haguenau n'est entièrement dégagée, et les lignes de défenses allemandes le long de la forêt ne sont anéanties que le 15. Par la suite, le 3e bataillon est rattaché au 16e pour dégager la route. C'était surtout un travail pour des engins mécaniques, difficile en raison des mines.Tôt le matin, les 1e et 17e bataillons sont embarqués sur des camions et quittent Haguenau ; ils passent par Mertzwiller pour contourner la forêt et attaquer la dernière résistance sur le flanc et à revers. La Sauer est traversée la nuit et Surbourg est pris. La route principale vers Soultz est ainsi ouverte.Pfc. Silvestre S. Herrera du 142e CMH a perdu les deux pieds, arrachés par une mine allemande en forêt de Haguenau. Alors que sa compagnie a cherché à se protéger du feu ennemi, Herrera a tiré vers un point d'appui allemand et l'a détruit avec des grenades et un fusil mitrailleur M-1.

Après la bataille3.

Le lendemain de la Libération, les civils circulent partout librement à la recherche de parents et amis, et surtout de ravitaillement. Les Américains ont tout abandonné en quittant leurs tranchées. Au Schloessel, le ramassage est fructueux pour le premier arrivé car on y trouve des boîtes de "rations" non entamées, des couvertures en laine, des pièces d'uniformes, des toiles de tente et même des armes et des munitions. Les tranchées sont jonchées de petit mobilier, de tapis et de literie, matériel prélevé par les soldats dans les maisons voisines pour améliorer leur confort. Mais ce n'est pas sans danger car de nombreux endroits sont minés et on déplore de nombreux accidents parmi les civils.Les cadavres font partie du paysage. Ceux des soldats américains sont enlevés mais il reste encore ceux des Allemands. Etant donnée l'accoutumance au danger et à la mort après ces terribles semaines, leur présence passe presque inaperçue dans ce paysage chaotique semé de décombres de toutes natures..Celui d'un jeune soldat allemand, sur la route du Château Fiat, est desséché et presque momifié, et d'autres sont dans les champs. Tout le long de la vallée de la Moder on voit des taches blanches : les cadavres de l'attaque du 25 janvier 1945 poussée dans la neige jusqu'à la route de Bischwiller par la SS Panzerdivision, en tenue de camouflage blanche.
Celui d'un sous-officier parachutiste allemand tué le lendemain lors de la contre attaque américaine mené au corps à corps dans la cuisine de la maison Pickering. Il est couché sur le dos, veste déboutonnée, le portefeuille ouvert et des photos de famille traînant par terre à côté. Visiblement, un pilleur de cadavre est passé par là.
Dans le secteur de Haguenau seul, cette attaque du 25 janvier avait coûté 958 morts ou blessés, 304 prisonniers, soit 1 262 victimes4.
Route de Soufflenheim, on peut voir des cadavres de soldats allemands tués lors de la Libération en mars, notamment au coin de la rue Sachsenhausen, le fusil encore à la main.

  • 1. Cette usine textile était à l'emplacement de la station d'épuration des eaux usées.
  • 2. Des photographies aériennes y ont montré de nombreux barrages.
  • 3. Voir A. Wagner, La guerre 1939-1945. Les événements à Haguenau et quelques souvenirs personnels.
  • 4. Voir Opération Nordwind - Janvier 1945 - Alsace Nord, édition Heimdal, p. 93.