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Les autres bassins.

Le port principal de Délos comprenait encore cinq autres bassins. Ils étaient loin d’avoir les qualités de celui que nous venons d’étudier. Moins vastes, peu profonds, mal abrités, ils ne comportaient pas, du côté de la terre, d’importants dégagements comparables à ceux du premier bassin. Quatre bassins se succèdent du nord au sud ; au fond du dernier s’ouvre un autre bassin ; les premiers, entièrement artificiels, ont été créés de toutes pièces, le long d’une côte sans anfractuosité notable.

Quatre môles très larges1, perpendiculaires au rivage, séparent les bassins. Lorsqu’ils étaient intacts, ils en protégeaient un peu l’intérieur contre le vent ; ils constituaient une avancée de la terre, sur laquelle des édifices et des quais pouvaient se fonder ; ils permettaient l’accostage à certains navires, que la faible profondeur des bassins empêchait d’aller plus loin. Il n’en reste plus aujourd’hui que les fondations. Encore sont-elles le plus souvent incomplètes et ne permettent-elles pas toujours d’en déterminer exactement les dimensions ni l’appareil2.

Les môles 4 et 5 sont rectangulaires, enracinés à la terre par un des longs côtés. La longueur du premier est d’environ 30m ; la largeur est inconnue, car on n’a pu trouver sa limite au nord3. Le second est long de 15m, large de 42m. Du môle 6, il ne reste qu’une partie de la racine. Le môle 9, le dernier, est beaucoup plus grand et de forme irrégulière ; sa longueur est de 60m, sa largeur n’est pas inférieure à 110m. Le bord septentrional, qui limite au sud le 6e bassin, est rectiligne ; le bord ouest et sud-ouest, qui fait face à la pleine mer, s’incurve au contraire progressivement pour se rattacher au rivage sans brusque changement de direction.

Tous ces môles sont entièrement artificiels, faits d’un remblai pierreux4, parfois peut-être bétonné, protégé du côté de l’eau par un mur de mer, en gros blocs (fig. 27). Il semble qu’au moins l’un d’eux soit soutenu par une sorte d’armature interne, qui a pu permettre de le construire par compartiments séparés : quelques murs traversent le môle 5 de part et d’autre (fig. 8) ; leur grande épaisseur5 et leur disposition ne permettent pas d’y voir les fondations de bâtiments élevés à la surface. Nulle part ailleurs, on n’observe rien de pareil ; nous n’interprétons qu’avec réserve cet exemple isolé.

Entre ces môles, quatre bassins grossièrement rectangulaires s’ouvrent largement sur le chenal entre le Rhématiaris sud et Délos ; ce sont les 2e, 3e, 4e et 5e du port principal. Le deuxième est compris entre le petit môle du premier bassin (môle 3) et le môle 4. L’existence en est assurée ; mais nulle part on n’en a reconnu les bords, et les dimensions n’en peuvent être exactement fixées. La longueur des égouts qui traversent le quai en arrière prouve que la largeur du bassin ne dépassait pas 30m6 ; elle pouvait être plus faible7 ; sa longueur devait être comprise entre 125m et 150m. Le troisième, entre les môles 4 et 5, a environ 20m sur 140m. Le quatrième s’étend du môle 5 au môle 6 ; sa largeur est de 25m, sa longueur au fond, de 125m8. Le cinquième enfin, entre le môle 6 et le môle 9, atteignait une largeur de près de 90m ; sa longueur ne peut être fixée qu’approximativement, car le bord sud du môle 6 a disparu ; elle ne devrait guère être inférieure à 75m9. On peut donc attribuer à l’ensemble de ces quatre bassins un périmètre total de 700m à 800m et une superficie de près de 1 hectare et demi, soit la place nécessaire pour 100 à 150 vaisseaux.

Un sixième bassin s’ouvrait au fond du cinquième ; le passage de l’un à l’autre, entre deux môles courts et étroits10, enracinés à la terre, était divisé en deux par une sorte de digue. La plus grande longueur de ce bassin était d’à peu près 70m11 ; sa plus grande largeur, de 45m ; le contour semble en avoir été irrégulier12. Bien protégé, il devait avoir des eaux très calmes. Il est possible qu’il y ait eu là des établissements de radoub. Au nord-est, le quai semble en effet s’interrompre, pour faire place à une pente douce, comme celles sur lesquelles aujourd’hui encore, dans les ports voisins, on hale les navires pour les réparer (fig. 9). C’est, à Délos, le seul vestige d’une installation de ce genre, indispensable et qu’on ne pourrait guère placer à un autre endroit13.

Tous ces bassins, sauf le dernier, sont très largement ouverts. Il n’y a pas trace de digue de protection dans le chenal14. L’abri du grand môle ne pouvait s’étendre jusque là. Le Rhématiaris sud gardait peut-être les bassins des vents de l’ouest et du sud-ouest, mais ne les abritait guère contre ceux du nord, beaucoup plus fréquents. Les môles qui les séparaient n’assuraient qu’une protection insuffisante. La profondeur de l’eau y était assez faible ; elle ne devait pas dépasser 1m à 2m. Ces bassins étaient donc de valeur médiocre et ne pouvaient être utilisés par des vaisseaux de dimensions tant soit peu considérables.

Planche I-IV : Les installations portuaires sur la côte ouest de Délos (utiliser la molette de la souris pour zoomer et la main pour vous déplacer sur la carte).

Légendes des illustrations :
Fig. 8 : Plan du môle 5 au 1/1000e, d'après Bringuier. 
Fig. 9 : Partie du port de Mykopnos affectée au radoub.
Fig. 11 : Ruines du quai, au fond du quatrième bassin. (AB : façade définitive des magasins ; C, D, E : bornes d'amarrage. On voit encore en place une partie des enrochements qui constituaient le quai). 
Fig. 14 : Restes du quai au nord du premier bassin. (Au fond, la falaise qui limite au nord les établissements maritimes. En A et B, roche en place affleurant le niveau de l'ancien quai).
Fig. 27 : Profil du quai ouest du môle 4 (au 1/200e).

  • 1. Ce sont les môles 4, 5, 6 et 9.
  • 2. On trouve des môles analogues à Larymna (Georgiadès, op. cit., p. 8) et à Gytheion (Curtius, Peloponnesos, II, pl. XII).
  • 3. Nous entendons par longueur la dimension perpendiculaire au rivage, par largeur la dimension parallèle.
  • 4. C’est la constitution des quais voisins, également artificiels.
  • 5. L’un d’eux est épais de plus de 2m.
  • 6. Nous entendons ici par largeur la plus petite dimension, perpendiculaire au rivage.
  • 7. Il n’est pas certain, en effet, que nous ayons l’extrémité des égouts.
  • 8. La longueur est un peu supérieure en avant du bassin.
  • 9. En attribuant au môle 6 une largeur égale à celle du môle 5.
  • 10. Môles 7 et 8 sur la planche I-IV. Ce sont des amas d’enrochements.
  • 11. Le bord septentrional n’a pu être déterminé exactement.
  • 12. Au nord, la roche en place se rapproche progressivement de la mer, ce qui a contraint à diminuer de ce côté la largeur du bassin.
  • 13. Georgiadès (op. cit., p. 8) assigne un rôle analogue à un bassin du port de Larymna, également pourvu d’une double entrée.
  • 14. Le fond du chenal est de sable ; on n’observe aucun vestige de l’entassement de blocs nécessaire pour asseoir une digue.