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Les maîtres bâtisseurs

Intéressons-nous à présent au registre inférieur du porche. Sous l’égide de ce programme religieux en est représenté un autre, qui s’adresse à l’apprenti bâtisseur : dans des écoinçons, une suite de figures symbolise les étapes de l’initiation qui lui ouvriront les portes de la confrérie.
Ces artisans se déplaçaient de ville en ville, selon le travail qu'on leur offrait. Pierre Perrat travailla ainsi à la cathédrale de Metz, mais aussi à celles de Toul et de Verdun. Ils disposaient sur chaque chantier de loges, où ils pouvaient entreposer leurs outils, préparer leur travail et se réunir. Le nouvel arrivant était ainsi sûr de trouver un point de chute et une communauté accueillante. Soudée par un idéal de solidarité et de fraternité, leur confrérie était régie par des règles qui avaient pour but de respecter les normes de qualité et de morale et de préserver les secrets du métier.
L'art de bâtir a de tout temps fait figure d'œuvre sacrée. Les bâtisseurs des cathédrales, reprenant cette conception à leur compte, avaient élaboré une mystique ésotérique qui, semble-t-il, faisait une synthèse des sagesses de l'Antiquité. Ils complétaient l'hermétisme, qui unissait les pensée grecque et égyptienne, par le christianisme et ses racines de l’Ancien Testament. Ils se référaient à leurs illustres prédécesseurs, et avant tout à Hiram Abi, l'architecte du temple de Salomon dont parle la Bible1.
En même temps qu'il faisait son apprentissage auprès de différents maîtres2, le postulant devait suivre une initiation dont les phases nous sont présentées ici sous la forme d'images symboliques. Certaines sont connues par ailleurs, mais la cathédrale Saint-Etienne est la seule où ce cycle apparaisse au complet3. Il n’est pas anodin que ce soit dans un édifice où l’architecture ait une telle importance. D'autre part, nous sommes dans un édifice majeur de la religion chrétienne, aussi ce cursus laïc doit-il rester en relation avec le programme religieux dans lequel il s'insère. Au Moyen-Age, les deux domaines sont étroitement liés. Cette progression dans la Sagesse constitue pourtant une règle de vie qui peut s’appliquer à toute évolution spirituelle. Quant au postulant bâtisseur, les maîtres d'œuvre pouvaient le refuser s'ils constataient qu'il ne s'y conformait pas. Dans le contexte économique médiéval, cela devait avoir pour lui de fâcheuses conséquences.


  • 1. Cf I Rois 7, 13 et II Chroniques, 2.
  • 2. Cet apprentissage formait des artisans très compétents. On le retrouve de nos jours chez les Compagnons du Tour de France, à qui l’on fait appel pour restaurer les monuments prestigieux.
  • 3. Ce parcours initiatique a été décrit en détail par Christian Jacq dans Le Voyage initiatique ou les trente-trois degrés de la sagesse. L’auteur y suit, l’une après l’autre, chacune des figures du Portail de la Vierge.

Référence à citer

Marc Heilig, De l'arbre sec à l'arbre fleuri, archeographe, 2012. https://archeographe.net/arbre-sec-arbre-fleuri