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De l'arbre sec à l'arbre fleuri

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Saint-Etienne de Metz est comme l’aboutissement de l’architecture gothique, avant qu'elle ne s’égare dans les fioritures du flamboyant. Tout ici magnifie l’élan vertical, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur1. L’édifice ne garde que l’indispensable – supports, voûtes en croisées d'ogives et arcs-boutants2 – et se débarrasse autant que possible des murs au profit de vastes verrières3. Cette prouesse d’architecture, savant point d’équilibre, est due, entre autres, au Maître d’œuvre Pierre Perrat, qui éleva les voûtes4.

On a donc volontairement renoncé à la parure de sculptures dont s’ornent d’autres cathédrales pour laisser toute la place à l’architecture, à la clarté et à l’élévation5. Cette sobriété dans l’ornement ne fait qu’une exception, le Portail de la Vierge, ancienne entrée de N-D La Ronde. C’est aussi l’entrée actuelle de la cathédrale.


  • 1. Après Amiens, les voûtes de Metz sont les plus hautes de France dans une cathédrale achevée.
  • 2. Ce sont en effet les principaux éléments de l'architecture gothique, qui se résume ainsi à un jeu subtil de poussées et de contre-poussées.
  • 3. Elles ont donné à la cathédrale son surnom de Lanterne de Dieu. Aucune construction gothique n'est plus ajourée : ses verrières sont les plus vastes d'Europe. Les plus grands maîtres verriers ont travaillé, depuis le XIIIe s, à les orner de vitraux magnifiques : Hermann de Münster, au XIVe, pour la verrière occidentale et la grande rosace, Théobald de Lixheim et Valentin Bousch, au XVIe, pour les verrières du transept. Après la Seconde Guerre Mondiale, on fit appel à des artistes contemporains pour remplacer les vitraux détruits pendant le conflit : Jacques Villon, Marc Chagall, Roger Bussière...
  • 4. Pierre Perrat est mort en 1400. La cathédrale de Metz reste son chef-d'œuvre, mais il travailla aussi aux cathédrales de Toul et de Verdun. Il fut le maître de l'architecte Thierry de Sierck. Celui-ci réalisa, dans la nef de la cathédrale de Metz, le tombeau où l'architecte messin reposa jusqu'à la Révolution.

    Une légende court sur Pierre Perrat, relatée par E.-A. Bénin. Alors qu'il élaborait l'audacieux projet de ces voûtes et que rien ne le satisfaisait, un petit homme approcha qui lui donna la solution parfaite. Il n'accepta cependant d'en livrer le dessin qu'à la condition qu'une fois en terre, l'âme et le corps de l'architecte lui appartiendraient. Pierre Perrat signa le contrat et put achever son œuvre magnifique. Son génie lui valut d'être distingué comme le maître des maîtres. Se repentant toutefois d'avoir passé cet accord inconsidéré, il rédigea son testament de façon à sauver son âme. A sa mort, saint Michel, sous l'aspect d'un chevalier radieux, se chargea d'éconduire le Diable, car c'était bien lui, lorsqu'il vint réclamer son dû : il n'avait plus aucun droit, en effet, puisque l'illustre architecte n'avait pas été enterré, mais déposé dans un tombeau scellé, selon ses dernières volontés.

  • 5. Le principal reproche qu'on puisse faire à la restauration de Paul Tornow, à la fin du XIXe s., est précisément d'avoir ajouté des éléments sculptés superflus.
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Référence à citer

Marc Heilig, De l'arbre sec à l'arbre fleuri, archeographe, 2012. https://archeographe.net/arbre-sec-arbre-fleuri