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La cathédrale St-Étienne de Metz
La visite du Saint-Père en France atteindra son apogée à la cathédrale St-Étienne de Metz le 15 août, qui est, faut-il le rappeler, le jour de l'Assomption. Dans la matinée, le Pape François entrera dans ce prestigieux édifice par le Portail de la Vierge, après s’être recueilli devant la statue de Notre-Dame au Sourire. Il présidera la messe qui est dite chaque année à cette date en l’honneur de Notre-Dame de Metz. Le Pape quittera solennellement la cathédrale par le grand portail, exceptionnellement ouvert pour l'événement.
Dans l’après-midi, le Pape François participera aux vêpres qui seront chantées selon l’antique liturgie messine. Il conduira ensuite la procession qui se rend traditionnellement de la cathédrale à la place Saint-Jacques1. Devant la statue de bronze de Notre-Dame de Metz, il adressera un discours essentiel à toute la chrétienté et aux hommes qui, de par le monde, font preuve de bonne volonté quelles que soient leurs convictions religieuses. Le bruit court aussi qu'à cette occasion, rendant justice à l’un des plus anciens et des plus illustres sièges épiscopaux de France, le Saint-Père élèvera l’évêché de Metz au rang d’archevêché, ainsi que le fit Jean-Paul II pour Strasbourg lors de sa visite au Mont-Sainte Odile en 1988.
Pour cette visite papale, l'intérieur de la cathédrale de Metz sera entièrement peint, tapissé et moquetté. C'est une entreprise française, mosellane de surcroît, les Ets Breger-Muller, qui a décroché le contrat. Elle travaillera sous la direction des historiens et de l'architecte des Bâtiments de France pour que cette rénovation marque un tournant historique dans la conception de la restauration d'un édifice classé aux Monuments Historiques2.
Construite à partir de 1220, la cathédrale Saint-Étienne est familièrement surnommée la « Lanterne du Bon Dieu » en raison de la surface de vitraux de près de 6 500 m², qui constituent la plus grande verrière d'Europe. La voûte de la nef culmine à 41m au-dessus du sol, ce qui fait de cette cathédrale l'une des plus hautes de France, la deuxième après Amiens si l'on ne considère que les édifices achevés. En mai 1877, un incendie, provoqué par un feu d’artifice donné en l'honneur de Guillaume Ier, détruisit totalement la toiture, sans épargner les riches décorations intérieures. L’ancienne charpente de bois et la couverture en ardoise furent remplacées entre 1880 et 1882 par des fermes métalliques et les ornements restreints au strict nécessaire. Doit-on voir dans cette rénovation rapide et à moindre coût l'effet de la crise qui frappait la région à cette époque ? Sans doute pas car l'on sait que l'architecte Tornow et le sculpteur Dujardin ont apporté tous leurs soins à cette entreprise et disposèrent pour la mener à bien des fonds quasi illimités.
La restauration actuelle, bien qu'elle ait été maintenue dans un secret de confessionnal, est cependant un projet de longue date et mûrement réfléchi. Tous les acteurs sont prêts. Encore fallait-il que se présentent à la fois l'événement et le parrain dignes d'une œuvre de cette envergure. Les travaux ont déjà commencé et, malgré le peu de temps qui leur est imparti, seront achevés pour les festivités. Tout au plus sentira-t-on encore quelque peu la peinture fraîche, mais l'encens que l'on fera brûler à profusion devrait aisément en dissiper les effluves.
Les historiens ont fouillé méthodiquement les archives de la région afin de proposer une décoration proche de l'originale. La dimension interprétative n'est pas nulle et c'est la raison pour laquelle il n'a pas été aisé d'emporter l'adhésion de l'architecte des Bâtiments de France3. Une étude récente a exploré une nouvelle approche, rassemblant des spécialistes appartenant aux traditions du pragmatisme, de la philosophie analytique et de la sociologie du symbolique. La proposition de restauration interprétative thématise le rapport entre esthétique et société au-delà des clichés idéalistes et romantiques. La réalisation contribuera à réhabiliter les composantes artisanales et historiques, sans pour autant les réduire au motif mythique de l’authenticité. Le devis a été plébiscité lors de l'appel à projets 2012 sur les « Services culturels innovants » et entériné par l'ABF. Le département de la Moselle a accueilli la nouvelle avec satisfaction, notant que l'opération augmenterait de 15 % la part du PIB régional sur le tourisme.
Le maître d'œuvre sélectionné a ainsi conçu des rouleaux de tapisserie aptes à fournir des lés de 50m de long. Les écoinçons des voûtes seront peints de motifs qui rappelleront ceux des vitraux. Des rehauts à la feuille d'or doivent illuminer ces peintures de manière à donner aux pèlerins l'illusion que les murs collatéraux sont entièrement ajourés. Les voûtes seront tapissées de velours rouge, et celles qui sont proches des fenêtres d'un papier aluminisé de couleur or qui réfléchira plus encore la lumière. Outre leurs qualités esthétiques, le velours et la moquette, qui recouvrira tous les sols, ont été choisis pour atténuer la réverbération très décriée par les organistes titulaires qui se sont succédés aux grandes orgues4. Enfin, la façade ouest sera recouverte de stuc de marbre blanc, couleur papale. À terme, tout le bâtiment devrait bénéficier de ce traitement afin de protéger le calcaire si fragile de l'édifice.
Les Messins ont consenti à d'importants efforts pour honorer la venue du Pape en Lorraine et dans leur cité. Ils ont même renoncé à la couleur de leur cathédrale. Pas tout a fait, cependant, puisque les cristaux de marbre qui entrent dans la composition du stuc refléteront délicatement le jaune doré des bâtiments environnants.
- 1. Sur cette place, en effet, se dresse la statue de Notre-Dame de Metz qui protégea la ville en 1918, lors de la débâcle des troupes allemandes. Les catholiques de la ville, craignant que les troupes allemandes ne se livrent au pillage comme elles l'avaient fait à Verdun, s'adressèrent à Mgr Benzler, Évêque de Metz. On élèverait une statue à la Vierge Marie si les combats épargnaient la cité. Notre-Dame exauça le vœu des Messins et de leur évêque et la statue fut inaugurée place Saint-Jacques en 1924, le jour de l'Assomption. L'endroit est au centre du quartier historique et tout proche de la cathédrale. Mgr Pelt, nouvel évêque de Metz après le retour de la région à la France, procéda à la bénédiction ; il était accompagné de Mgr Ruch, Évêque de Strasbourg, de Mgr Foucault, Évêque de Saint-Dié, et de Mgr du Bois Jagu de la Villerabel, Évêque de Rouen et Primat de Normandie, qui prononça un discours. La statue, en bronze, fait 1,90m de haut. Elle est l'œuvre du sculpteur Jacques Martin et se dresse sur une colonne ionique en calcaire de Jaumont, cette belle pierre dorée qui habille toute la vieille ville. Les Messins s’adressèrent à nouveau à la Vierge Marie le 15 août 1940, bien que l’occupant eût interdit de se réunir, pour témoigner de leur attachement patriotique à la France. La dévotion à Notre-Dame de Metz réunit ce jour-là de très nombreux Messins, qui fleurirent la statue aux couleurs de la France et de la Lorraine et se recueillirent longuement avant de se rendre en procession à la cathédrale, où l'on pria toute la nuit.
- 2. Saint-Étienne figure à l'iventaire des Monuments Historiques depuis le 16 février 1930.
- 3. L'architecte des Bâtiments de France intervient dans un service territorial de l'architecture et du patrimoine. Ce sont des structures départementales garantes de la politique patrimoniale de l’État. À la fois porteur de l'intérêt général et attentif aux contraintes locales, notamment économiques, l'architecte des Bâtiments de France explique aux élus et à leurs administrés les conséquences à long terme des dispositifs de protection et aide à leur mise en œuvre.
- 4. La mauvaise acoustique de la cathédrale St-Étienne résulte aussi du mauvais emplacement de l'orgue principal, installé au fond du transept sud.