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Les ex-votos vodous

Les adeptes du vodou se servent de divers objets utilisés dans différentes pratiques rituelles et on se concentrera ici sur ceux que les Fons du Bénin appellent « bo » (« maléfice ») et que les Ewés du Togo appellent plutôt « dzoca » («fétiche») pour désigner cette famille d’objets personnels, réalisés pour apaiser une souffrance. En effet, l’une des qualités de la collection Arbogast est qu’elle est composée en majorité d’objets personnels, confectionnés dans des buts bien précis, qui touchent tous à la protection et/ou à la résolution de malheurs et d’infortunes diverses.

Ce type d’objets ne sert pas directement au culte des divinités vodoues mais il en contient le principe actif, au sens où l’on associe un vodou à l’objet, de la même manière que l’on dédie une prière à un saint. On ne les trouve donc pas sur les autels des temples, mais plutôt chez les gens ou en « pension » chez un charlatan1 ; ce dernier en prendra soin de manière convenable, en réalisant les libations requises. Si ces objets savaient parler, c'est-à-dire si l’on en retrouvait les commanditaires, ils évoqueraient les aléas d’une vie sociale mouvementée, entre espoirs fous et désillusions tragiques, dont la somme dresserait la chronique d’une époque complexe.
Ainsi, à la manière d’un ex-voto2 envisagé comme une offrande faite à un dieu en demande d'une grâce ou en remerciement d'une grâce obtenue, les bo ou dzoca tentent d’invoquer les forces divines, de leur demander leur aide ou de les remercier de leur intervention. Chargé d’une mission, dont la teneur en parole est tenue par des ficelles, des pieux ou des cadenas, chargé d’espoir, repu de matières sacrificielles, l’objet s’élabore dans un étonnant dialogue entre les hommes et les dieux, permettant aux uns d’agir sur les autres, liant fatalement leurs destins.

Collectés dans la deuxième moitié du siècle dernier, ces objets sont en réalité très difficiles à dater car leur fabrication répond à un double principe d’accumulation et de recyclage. Un objet collecté récemment peut donc contenir une « souche » qui, elle, remonte à plusieurs générations. Pour autant, le vodou n’appartient pas au passé. Les objets auxquels il donne naissance sont hétéroclites, parfaitement à l’image des histoires de vie des gens qui les ont fabriqués : les personnes évoluent aujourd’hui dans des espaces sociaux de plus en plus changeants, dans des univers culturels de plus en plus cosmopolites où se côtoient plusieurs langues, religions et mondes sociaux.
Il apparaît ainsi que le vodou s’est modifié avec les hommes au point d’assimiler des pratiques chrétiennes, juives, musulmanes ou même hindouistes ! Alors qu’il s’agissait d’abord de pratiques rurales préoccupées par les aléas de la nature, le vodou a su intégrer les préoccupations modernes des populations urbaines d’aujourd’hui. Ainsi, par exemple, dans une société de plus en plus concurrentielle, le culte des ancêtres réputés en milieu rural tend à être occulté par des pratiques magiques dont l’objectif est de s’allier le sort afin de mettre de son côté toutes les chances de réussite. On parlera alors davantage de « sorcellerie », bien que ce terme doive être utilisé avec précaution.


  • 1. Ce terme n’est pas utilisé ici dans son acception péjorative.
  • 2. Bien qu’elle la considérât comme d’origine païenne, l’Eglise intégra la pratique des ex-votos aux manifestations cultuelles et aux pèlerinages de la religion populaire. Le Général Pau (1848-1932) offrit ainsi à la ville de Reichshoffen une Vierge qu’il avait fait couler avec le plomb des obus du champ de bataille de Froeschwiller-Woerth, où il avait perdu la main droite en 1870. Il avait fait ce don dans l’espoir qu’il n’y aurait plus jamais de guerres mais il fut pourtant rappelé par Joffre en 1914.