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Répertoire et interprétation

L’iconographie rupestre montre des formes variées : des animaux terrestres et marins, des êtres humains et surnaturels, des mains, des bateaux, des étoiles, des motifs géométriques et abstraits, des trous et des marques indistinctes. Les motifs les plus récurrents incluent les cétacés, le saumon, les figures anthropomorphes schématiques, les visages et masques, les canoës, le soleil, les points, les cercles et les lignes simples. Dans le Sud-Est, des peintures représentent des voiliers et des ancres européens, et sur un site de la même région, des inscriptions en caractères latins accompagnent des pictogrammes. Les relations entre les pictogrammes sont souvent difficiles à saisir, mais des petites scènes sont observables, comme la composition très soignée qui associe des mammifères marins et terrestres à Sadie Cove (baie de Kachemak).

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Scène peinte de Sadie Cove (baie de Kachemak, péninsule de Kenai). Image améliorée avec le plugin DStretch du logiciel ImageJ : Sébastien Perrot-Minnot.

Bien entendu, ce vaste répertoire graphique rupestre affiche plusieurs styles. Si des relations peuvent être aisément établies entre les styles du sud et de l’intérieur de l’Alaska, la tradition géométrique et abstraite des pétroglyphes de la Chaîne de Brooks, dans l’Arctique, est très particulière.

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Pétroglyphes d’un site de la Chaîne de Brooks. Images : Eric S. Carlson / National Park Service.

Concernant la contextualisation et l’interprétation de l’art rupestre natif de l’Alaska, elles demeurent problématiques. Pour l’heure, aucun échantillon de peinture n’a jamais fait l’objet d’une datation absolue. Cependant, les manifestations rupestres indiquent que les peuples autochtones ont orné les roches avant et après l’arrivée des premiers Européens en Alaska, avec Vitus Béring, en 1741. En outre, même si l’art rupestre apparaît généralement à l’écart de l’habitat autochtone ancien, il a été découvert, sur certains sites, à proximité de vestiges archéologiques : des restes d’établissements, des dépôts divers, des sépultures, des cales pour la mise à l’eau des canoës et des pièges à poissons, notamment. Si ce voisinage n’implique pas forcément une relation chrono-culturelle, il peut au moins fournir des indices sur le contexte de l’art rupestre. Ainsi, lesdits vestiges ont donné des dates allant du premier millénaire avant J.-C. au XXe siècle de notre ère, et ont été attribués aux Alutiiq, aux Chugach, aux Aléoutes et aux Iñupiat, qui sont des Eskimo ou Inuits, et aux Athabascans, aux Tlingits, aux Haïdas et aux Tsimshians, qui sont des Amérindiens.

Par ailleurs, l’iconographie, l’archéologie, les récits historiques et les sources ethnographiques alimentent des réflexions sur la fonction et la signification de l’art rupestre. Ce mode d’expression ancestral semble avoir eu, avant tout, une fonction rituelle liée au chamanisme. De nombreuses représentations, figurant des animaux, des hommes et des embarcations, ont été hypothétiquement expliquées par des rituels de chasse ou de pêche. Mais les manifestations graphiques ont aussi pu être utilisées pour affirmer un statut personnel ou communautaire, marquer des territoires, commémorer, évoquer des rêves et des mythes, ou avertir de dangers.



Référence à citer

Sébastien Perrot-Minnot, L’art rupestre natif de l’Alaska, archeographe, 2020. https://archeographe.net/art_rupestre_natif_alaska