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Les guerres au temps de Vauban.
Pour comprendre les événements qui ont marqué cette époque troublée par des conflits incessants en Europe, il parait indispensable de planter le décor et d'y placer les principaux acteurs.
1 – Les protagonistes en France.
Au XVIIe siècle, le royaume de France est un ensemble qui résulte d'héritages. Ses frontières ne sont pas nettes : leur tracé multiplie saillants et rentrants, les enclaves sont nombreuses. A ce moment, Louis XIV pratique une politique d'expansion, tandis que Vauban, dès 1673, lui recommande de se recentrer et d'édifier un système de défense cohérent, avec une double ligne de places fortes destinées à verrouiller les passages les plus vulnérables. C'est ce qu'il nomme le pré carré. Louis XIV (1638 1715), fils de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, est né à Saint-Germain-en-Laye. A la mort de Louis XIII, il n'a que cinq ans, aussi la reine-mère obtient-elle la régence du pays. Elle choisit pour Premier Ministre le Cardinal de Mazarin, un de ses intimes, qui se charge de l'éducation du jeune roi. Toutefois, celui-ci ne se montre pas un élève très assidu. Il préfère des activités plus légères telles que la danse, l'art ou la chasse. Il s'intéresse aussi à la stratégie militaire, domaine dans lequel il a Turenne pour maître. De 1648 à 1653, le parlement et la haute noblesse, puis le prince de Condé, se révoltent contre le pouvoir. C'est la Fronde.
Sacré roi en 1654, Louis XIV laisse les rênes du royaume entre les mains de Mazarin. Lorsque le Cardinal meurt, en 1661, le roi décide de régner seul. Il s'entoure de personnages compétents, comme Colbert pour les finances. Les parlementaires perdent leur pouvoir d'autrefois. Poursuivant cette politique de centralisation, Louis XIV prive les états provinciaux de leur autorité. Aidé de Colbert, il s'applique à valoriser l'art, la culture et l'architecture.
Le roi ne conçoit pas son règne sans conquêtes. Tout commence avec la modernisation de l'armée française sous la responsabilité de Louvois. De plus, en 1685, lorsqu'il révoque l'édit de Nantes, il se met à dos l'Allemagne et les puissances protestantes. Après plus d'un demi-siècle de rayonnement, le royaume sombre peu à peu. C'est finalement son arrière-petit-fils de cinq ans, le duc d'Anjou, qui accède au trône, sous la régence du duc d'Orléans.
Le cardinal Jules Mazarin (1602 – 1661), d'abord officier dans l'armée du Pape, avait été recommandé par Richelieu à Louis XIII, qui le nomma Premier Ministre. Dès lors, il défendit les intérêts de la France auprès du souverain pontife. Nommé représentant du pape en Avignon, puis nonce à Paris bien qu'il ne soit pas prêtre, il sait se faire apprécier du roi et se fait naturaliser Français en 1639.
Mazarin conserve ses fonctions sous la régence d'Anne d'Autriche, puis sous Louis XIV. Il est alors, et jusqu'à sa mort, le maître absolu du royaume. C'est un travailleur infatigable, un homme habile, raffiné et rusé, d'une très grande intelligence, mais il est détesté du peuple. Il brise les rebellions provinciales, envoie Condé et Turenne combattre en Allemagne et impose son point de vue au traité de Westphalie en 1648. Jean-Baptiste Colbert (1619- 1683) est l'homme de confiance de Mazarin. Pendant 22 ans, il collabore étroitement avec Louis XIV. Ensemble, ils vont renforcer les pouvoirs de l'Etat et faire rayonner la France dans l'Europe entière. En 1661, le roi le nomme Surintendant des Finances, puis Contrôleur Général des Finances en 1665. D'une énorme capacité de travail, Colbert obtiendra tous les postes importants de l'administration publique. Il développe l'industrie et le commerce par des mesures protectionnistes, réorganise la marine et les Eaux et Forêts. Il encourage aussi les arts et les lettres, notamment en faisant venir des artisans étrangers.
Son influence décline cependant à partir de 1671 car il cherche à modérer les goûts fastueux du roi. Il s'est d'autre part fait un adversaire de Louvois et le peuple voit en lui le responsable de la hausse des impôts à cause des guerres incessantes du souverain. Il est alors si impopulaire que ses funérailles doivent se faire de nuit.
François Michel Le Tellier, marquis de Louvois (1638 – 1691), Secrétaire d'Etat à la guerre, réorganise l'armée française, poursuivant ainsi l'œuvre de son père. Il accéde au poste de ministre des Affaires Etrangères en 1672 et à celui de Surintendant des bâtiments, arts et manufactures en 1683. Tout-puissant, il pousse Louis XIV à une politique de force et d'intimidation. C'est un travailleur infatigable, mais il se montre souvent brutal, voire cruel. Il porte en effet la responsabilité de la dévastation du Palatinat et des dragonnades contre les protestants. Ce caractère emporté lui crée de nombreux ennemis et le roi lui-même, dont il avait tenté d'empêcher le mariage avec Mme de Maintenon, lui devient hostile.
Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne (1611-1675), passe au service de Louis XIII et de Richelieu en 1630. Durant la Fronde, il est d'abord dans le parti opposé à Mazarin, avant de se rallier au roi. Au cours de la Guerre de Trente Ans, il participe à des opérations en Alsace. En 1635 il est nommé maréchal de camp. Mazarin l'éloigne pourtant en Allemagne pour réorganiser des armées en piteux état. Bien qu'il ne le fasse pas entrer au Conseil, Louis XIV ne manque jamais de prendre l'avis de Turenne et le laisse toujours diriger campagnes et batailles comme il l'entend.
Turenne bat les Bavarois en 1644, mais est vaincu en 1645. Avec Condé, il prend sa revanche sur les Impériaux en gagnant la même année la bataille de Nördlingen. Il dirige l'armée française pendant la guerre de Dévolution et s'illustre lors de la guerre de Hollande en conquérant l'Alsace (1672) et en la défendant. Il bat les Impériaux à Turckheim en 1675 et, sur le point d'engager une nouvelle bataille, il est tué par un boulet de canon le 17 juillet 1765 près de Sasbach, en Pays de Bade, en face de Haguenau. Sébastien Le Prestre, seigneur de Vauban (1633 – 1707), trop jeune pour participer à la guerre de Trente Ans, débute sa longue carrière dans le camp des frondeurs avec le prince de Condé. Mazarin le remarque et le convainc de passer au service du Roi en 1654. Vauban reçoit le brevet d'ingénieur ordinaire du Roi en 1655 et, en 1667, supervise l'ensemble des travaux de fortification du royaume. Avant de concevoir des places fortes, il en a déjà assiégé près d'une cinquantaine.
Dans ses réalisations, le bâtisseur du Roi Soleil applique l'esprit de la méthode du Siècle des Lumières à l'art de la guerre. Il a le souci du coût de ses réalisations : les constructions reviennent fort cher, l'équipement et l'entretien des armées également. Début 1703, il est élevé à la dignité de Maréchal de France, puis il quitte le service actif en fin d'année.
Vauban a marqué le XVIIe siècle et quinze de ses places fortes seront inscrites au patrimoine de l'UNESCO en 2007. Il est le quatrième à intervenir, directement ou par ses ingénieurs, sur les fortifications de Haguenau.
2 – Les protagonistes de l'Empire.
Le Saint Empire Romain Germanique1, celui des Habsbourg, encercle la France. Il s'étend des Pays-Bas à l'Espagne, en passant par l'Autriche, la Hongrie, la Bohême et le sud de l'Italie.
Frédéric V (1596-1632), électeur palatin du Rhin2, est élu roi de Bohême en 1619, chef de l'Union Evangélique, le parti protestant de Bohème et d'Allemagne.
Léopold Ie de Habsbourg (1640-1705), archiduc d'Autriche, Roi de Hongrie et de Bohème, devient Empereur germanique en 1658.
Gustave Adolphe (1778-1837), roi de Suède, allié aux Autrichiens, se bat pour sa foi luthérienne. Son armée est mobile et dotée d'une grande puissance de feu.
Ernst de Mansfeld est un général de Frédéric V. A la solde des Protestants, il envahit avec ses mercenaires la région de Wissembourg, Saverne et Haguenau, dévastant et pillant. Devant la faiblesse de Léopold et les dissensions des Princes, Mansfeld songe à créer une principauté indépendante avec Haguenau comme capitale. Un de ses officiers, Von Obentraut, attaque Haguenau en 1622, puis pousse en Haute-Alsace, ravageant les villages catholiques et protestants.
- 1. En allemand Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation, en latin Sacrum Romanorum Imperium Nationis Germanicae.
- 2. Membre du collège, constitué, en 1138, par trois archevêques et quatre ducs nationaux pour proposer à la diète germanique un candidat à l'Empire. Modifié au cours du Moyen âge, porté à huit au XVIIe siècle, le collège cessa d'influencer le choix de l'Empereur à partir de 1438, la couronne étant désormais monopolisée par les Habsbourg.