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La tactique d'attaque des villes de Vauban appliquée à Haguenau.

Entre 1652 et 1703, Vauban participe à 46 (ou 53) sièges ou défenses de places fortes. Il a même dû en reconquérir certaines qu'il avait fortifiées auparavant, notamment Landau et Haguenau. Il améliore l'art des sièges en utilisant des tranchées parallèles pour permettre aux assaillants d'avancer avec le maximum de protection ; autant il est avare de la vie de ses soldats, autant il s'emploie à causer le plus de pertes possible à l'ennemi, tout en cherchant à réduire celles des populations civiles. Schéma d'attaque d'une place entourée d'une vieille enceinte Il fait creuser une première tranchée parallèle au front de fortification, hors de portée de canon des ennemis ; à partir de là, les travaux se déroulent de nuit. Plusieurs boyaux, tracés dans l'axe des bastions et en zigzag pour éviter les tirs d'enfilade, avancent et sont alors réunis par une seconde «parallèle». Des batteries de canon y sont installées. De nouveau, des tranchées en zigzag s'avancent pour déboucher sur la troisième parallèle au contact du chemin couvert de la place qui est la première ligne de défense de l'assiégé. De là les troupes de l'assaillant une fois réunies s'élancent à l'assaut. Descendues dans le fossé, elles peuvent s'engouffrer dans la brèche créée par l'action des canons ou de la mine. Pland de 1709. Durant la guerre de Succession d'Espagne, la ville de Haguenau est assiégée deux fois. Bien qu'à des dates différentes, ces deux sièges sont représentés sur une même gravure1. Les troupes impériales assiègent Haguenau en 1705. Elles attaquent la ville par l'est en deux endroits différents, du côté de Saint Nicolas et en face de l'ouvrage couronné de la Schanz, en venant par la ligne de la Moder. Les Français s'en échappent par ruse la nuit, sans combat2. L'année suivante, en 1706, ils reviennent pour reprendre la ville3. On reconnaît la méthode de Vauban dans l'attaque des places fortes : les forces sont concentrées et procèdent selon un rituel bien établi, contrairement aux Impériaux, éparpillées de part et d'autre de la Moder sans unité d'action.
Ces deux attaques montrent la clairvoyance de Vauban : le choix des attaques ne sera jamais au pouvoir des ennemis mais à celuy de la place, qui par sa propre situation et par l'excellente disposition de ses ouvrages, le contraindra d'attaquer par l'endroit où elle est le mieux fortifiée4.

Dans les deux cas, en 1705 comme en 1706, l'attaque sur Haguenau a été dirigée vers la Redoute, construite selon ses principes. Le marquis de Pery, qui a d'abord défendu la ville et l'a attaquée par la suite, écrit : Depuis le 13 du mois dernier (...) je n'ai eu d'autre attention que celle de mettre Haguenau en état de défense et, pour cet effet, j'ai fait construire quatre nouveaux ouvrages aux quatre parties de le place les plus défectueuses, que nous avions le temps de finir avant l'investissement de la place ; et justement je ne me suis pas trompé dans le jugement que j'en avais fait, puisque précisément nos deux attaques se sont portées aux deux endroits où j'avais fait travailler de préférence. La vue à long terme de Vauban a été démontrée une dernière fois en 1870 ; à son époque, il avait prévu une place forte près de Gunstett, qui ne fut jamais été réalisée. Si tel avait été le cas, la bataille de Froeschwiller aurait peut-être eu une autre issue.

  • 1. Kriegsarchiv, Vienne. A.C. Haguenau Pleaf. 1.
  • 2. On trouvera des détails sur ce siège dans l'Annuaire du Ried, p. 173 à 176.
  • 3. Idem, p. 194.
  • 4. Situation de Strasbourg, ses défauts et avantages, texte écrit de la main de Vauban.