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Haguenau bénéficie des derniers progrès en matière de défense.

Vers 1692, après avoir poussé à la perfection l'art de construire des fortifications, Vauban ajoute un développement supplémentaire à ses ouvrages : une méthode efficace et économique de mettre les places à l'abri d'un siège consiste à établir devant elles un camp retranché qu'une armée viendrait occuper en cas de danger, interdisant ainsi à l'ennemi d'investir la place. Un homme retranché vaut six qui ne le sont pas. Pour cela, Vauban soutient avec force qu'il convient de faire des camps retranchés partout où le terrain est favorable. Il développe aussi l'idée qu'il est moins coûteux d'agrandir une place à l'aide de fortifications en terre que d'en construire une nouvelle. Il recommande encore l'usage des camps retranchés pour renforcer les places fortes les plus exposées qui sont comme les têtes du pays. Haguenau se trouve précisément dans cette situation : on y construira un camp retranché sous forme d'ouvrage couronné sur le plateau de la Redoute, au sud de la ville. Il protègera la ville en empêchant l'ennemi d'y installer son artillerie. Le cas échéant, ce camp pourrait accueillir une armée en retraite ou amasser des forces en préparation d'une offensive.

En 1696, dans le Mémoire sur les sièges que l'ennemi peut entreprendre la campagne prochaine, Vauban développe la thèse qu'il faut se préparer à une guerre défensive, en tenant en état et en munissant les places de première ligne, sans pour autant négliger celles de deuxième ligne. Mais on doit éviter que l'ennemi ne mette le siège devant l'une de ces places et gagne pied sur nous.Le plan Maréchal. Le plan Maréchal1, montre l'enceinte complètement bouclée et le camp retranché terminé. Les vestiges d'une passerelle trouvés lors de travaux en novembre 2004, en face de l'ancienne porte de Strasbourg, datés dans la fourchette de 1700 à 17032 prouvent qu'à cette date les travaux étaient pratiquement achevés.
La défense de la ville est devenue un ensemble cohérent, où chaque ouvrage a son sens en relation avec les autres, en remplacement de l'accumulation d'ouvrages défensifs du passé, imaginés séparément par les corps de métiers, chacun apportant son savoir faire. La fortification de la place de Haguenau était donc achevée en 1707, à la mort de Vauban dont on retrouve les principes : l'ouvrage couronné, et les vastes bastions prévus pour accueillir les fantassins, la distance entre deux bastions étant calculée en fonction de la portée de tir des mousquets, soit environ 120 toises3. Porte de service du mur d'enceinte de la citadelle de Bellecroix à Metz. Dans un mémoire de 1705, Vauban dresse la liste de l'ensemble des fortifications du royaume encore en usage à cette date. Sur les 297 places fortes, citadelles, forts, redoutes et châteaux dénombrés, il réclame le démantèlement ou au moins l'abandon de 110 ouvrages. Suite à cette analyse, en 17064, il est question de supprimer l'ouvrage couronné de la Schanz, puis en 17085, la place de Haguenau étant jugée inutile, cet ouvrage est rasé6. Cependant son tracé en est encore lisible sur le plan du cadastre napoléonien7 de 1804 ; on ne le voit plus sur ceux de 1827-28, mais son spectre apparaît aujourd'hui encore nettement en vue aérienne. La pointe formée par les rues Ohmetfeld et du Vignoble, ainsi que celle des rues Kapsmatt et de la Ferme Falk, dessinent les limites de l'ouvrage qui a donné son nom à la rue de la Redoute.

  • 1. Jacques Philippe Eléonore Maréchal (1689-1778) dessina l'Atlas des Places Fortes de France.
  • 2. Aménagement du parking. Archéolabs ARC05/R3102D p. 7.
  • 3. 240 mètres.
  • 4. Mémoire sur Haguenau proposant de raser après la campagne l'ouvrage couronné. Archives du Génie.
  • 5. Lettres relatives à l'abandon de Haguenau et à la démolition de l'ouvrage couronné. Archives du Génie.
  • 6. Annuaire du Ried, p. 241.
  • 7. 1804/1812