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Colonnes indicatives du Premier Empire dans le Bas-Rhin

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Entre 1810 et 1814, le Préfet Adrien Lezay-Marnésia poursuivit une importante entreprise de réfection et d'aménagements des routes du Bas-Rhin. Il reste aujourd'hui de nombreux bancs reposoirs, des fontaines, mais aussi quelques colonnes routières.

Le préfet Adrien Lezay-Marnésia

Adrien-Paul-François-Marie de Lezay-Marnésia naquit le 9 août 1769 à Moutonne, dans le Jura, d'une famille de noblesse espagnole. Il fit ses études à l'école du couvent de Belley, au «Collegium Carolinum» de Brunswick et à l'Université de Goettingen. Pendant la Terreur, alors qu'il vivait caché à Forges-les-Eaux en Normandie, il rencontra son épouse, Françoise de Briqueville, de vieille noblesse normande. Sous le Directoire, la chasse aux émigrés le contraignit à s'expatrier en Suisse jusqu'en 1801. En avril 1802, le Premier Consul confia à Lezay-Marnésia une mission diplomatique en Hongrie, puis le nomma ministre de France à Salzbourg en mai 1803. En mai 1806, Lezay-Marnésia fut muté à Coblence pour administrer le nouveau département de Rhin-et-Moselle. Un décret impérial du 12 février 1810 l'affecta ensuite à Strasbourg comme préfet du Bas-Rhin. Il avait alors 40 ans. Il garda ce poste jusqu'à sa mort, en 1814.
Les idées novatrices de Lezay-Marnésia ont fortement marqué les Strasbourgeois. Avec l'appui des notables locaux, il remit au travail les sous-préfets, combattit la corruption et empêcha les poursuites contre les jeunes gens réfractaires à la mobilisation. Son administration protégea les houblonnières et introduisit la culture du tabac en Alsace. Ami du pasteur Oberlin, il ouvrit des soupes populaires, réduisit la mendicité et créa des écoles, comme le lycée impérial Fustel de Coulanges à Strasbourg. La grande entreprise de ce préfet exceptionnel, qui nous intéresse plus particulièrement ici, fut de restaurer et de restructurer le réseau routier.
Lezay-Marnésia mourut le 9 octobre 1814. Après l'abdication de l'Empereur à Fontainebleau, il s'était rangé sous la bannière du roi Louis XVIII. Le 5 octobre, il rencontrait à Landau le duc de Berry qui avait été nommé gouverneur de la France de l'Est. Il voulut ensuite le précéder à Strasbourg pour le recevoir avec tous les honneurs. A la sortie de Haguenau, les chevaux de son cabriolet s'emballèrent et, dans l'accident, son épée d'apparat lui entra dans le ventre. On le transporta néanmoins à Strasbourg, où il régla les affaires d'urgence, lucide et conscient de sa mort imminente. Le comte de Kergariou lui succéda le 23 octobre 18141.

Dès sa nomination, le nouveau préfet du Bas-Rhin se préoccupa de remettre en état un réseau routier que la guerre avait fortement endommagé. Il aménagea les routes et en ouvrit de nouvelles2. Les principales routes furent reclassées par un document administratif au Conseil Général du Bas-Rhin daté du 16 juin 18123.

 

 

Lezay-Marnésia voulait aussi que les voies soient agréables et commodes4 : il les agrémenta de bancs, d'arbres, de « places » du Roi de Rome5, de fontaines comme la Fontaine Alsace, en haut du col de Saverne...

 

La fontaine Alsace

 

Par dessus tout, il mit en place un système de signalisation aux principaux carrefours, sous la forme de bornes6 et de colonnes indicatives7. Les communes furent invitées à participer activement à ces aménagements8. Entre 1810 et 1814, cette vaste entreprise employa plus de 10 000 hommes et 20 000 chevaux. Lezay-Marnésia y gagna le surnom de « Préfet des routes ».Il ne reste plus aujourd'hui qu'une dizaine de colonnes indicatives du programme de Lezay-Marnésia. Nous les mentionnons et les décrivons ci-dessous9.

 

 

Colonnes indicatives du Bas-Rhin : a-f : colonnes du château de Saverne ; 1-5 : autres colonnes (sauf Goetzenbruck).

  • 1. Cf Notices nécrologiques parues en 1817 dans les Annales des mines concernant des ingénieurs des mines décédés. E. Sitzmann donne une notice légèrement différente, surtout en ce qui concerne la jeunesse de Lezay-Marnésia. Cf. SITZMANN Edouard, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l'Alsace, 1910, T. 2, p. 154-156.
  • 2. Certaines ne furent achevées qu'après 1815.
  • 3. Archives Départementales du Bas-Rhin.
  • 4. L'ouvrage de référence en ce qui concerne les bancs et les colonnes est :
    BONNEL Yves, Bornes et colonnes indicatives du Ie Empire dans le département du Bas-Rhin, Strasbourg, 1982.
    La partie de cette étude qui traite des colonnes fut reprise avec le même titre dans Revue d'Alsace n° 110, 1984.
    Un résumé des colonnes des environs de Strasbourg figure dans :
    BONNEL Yves et ULRICH Gérard, Monuments et sites napoléoniens De Strasbourg et environs, 1988, p. 40-41.
  • 5. A Wissembourg, par exemple.
  • 6. Il semble que l'installation de bornes ne fut pas entièrement réalisée.
  • 7. Les Romains avaient déjà employé un système d'indications routières. On peut voir au Musée Archéologique de Strasbourg plusieurs milliaires trouvés dans la région. Cette pratique se poursuivit en France jusqu'au Moyen-Age : Louis XI en particulier, lorsqu'il créa la poste aux chevaux, fit placer des bornes routières à distances régulières.
  • 8. C'était d'ailleurs tout à leur avantage. Dans une circulaire du 31 décembre 1812, le préfet leur proposait des modèles de colonnes, de bancs et de bornes. Ce document donnait aussi le détail des coûts.
  • 9. Le projet de Lezay-Marnésia était d'intérêt public. C'est pourquoi nous avons retiré de notre étude l'obélisque que Schulmeister fit élever à la Meinau pour indiquer la direction de son château. On en trouvera une description dans l'ouvrage de Yves Bonnel.

Référence à citer

Marc Heilig, Colonnes indicatives du Premier Empire dans le Bas-Rhin, archeographe, 2018. https://archeographe.net/Colonnes-indicatives-du-Ie-Empire