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Historique des recherches

Au XVIIIe siècle, le prince Ludwig de Nassau-Sarrebruck fit construire sur le Halberg le petit château de Monplaisir. La grotte, selon le goût du temps, constituait un élément du parc ; elle fut vidée et arrangée dans le style rococo. Le jardinier de la cour Friedrich Köllner rapporte qu'à cette occasion furent trouvées diverses antiquités1. Il remarque aussi que le sol du centre de la grotte suivait une déclivité qui conduisait à un passage. On supposa que les druides avaient utilisé la grotte pour un oracle.
Au XIXe siècle, ces découvertes conduisirent à penser que la Grotte des Païens avait été dédiée à Mithra. Les fouilles du conservateur Karl Klein, en 1921, étayèrent cette hypothèse : il trouva un abondant matériel d'époque romaine, mais aussi de la fin du Moyen Âge et de l'époque baroque.
En 1963, M. Mail, intendant du Staatliches Konservatoramt de Sarrebruck, entreprit de nouvelles fouilles2. Son travail porta surtout sur l'entrée de la grotte. Il détermina ainsi que la Heidenkapelle avait été occupée à trois reprises : aux IIIe-IVe s. ap. J.-C. par un mithraeum ; au XVe s. comme pèlerinage chrétien ; et au XVIIIe s. par les aménagements du château de Monplaisir.
Le site fut alors remis en valeur. Il est aujourd'hui protégé par une grille, qui empêche malheureusement de visiter l'intérieur. On plaça cinq colonnes de grès, de style toscan, pour redonner l'aspect tripartite du sanctuaire à l'époque du Bas Empire. En décembre 1988, à la suggestion de la Saarlandisches Rundfunk, une image de Mithra en faible relief prit place dans la niche rectangulaire du fond de la grotte.

Le mithraeum

Plan du mithraeum Pour la conformer aux nécessités de leur culte, les adeptes de Mithra durent élargir la cavité naturelle et lui donner plus de profondeur. Ils en firent un espace à trois nefs, entièrement taillé dans la roche. Celle du milieu était voûtée et faisait 3,90 m de haut (A sur le plan) ; les deux latérales, moins hautes, avaient une couverture en plafond (B). De part et d'autre de l'espace central, on consolida la voûte par des colonnes toscanes3. Cette tripartition se retrouvait au sol : la nef centrale avait été recreusée sur 30 cm de profondeur afin de donner aux nefs latérales l'aspect de podiums. Les parois du sanctuaire étaient verticales, sans niches. Détail de la voûte La voûte naturelle s'effondra et l'on tailla celle que l'on voit de nos jours. Au dessus des parois supérieures de la nef centrale, désormais surélevées, on plaça une solide architrave, qui fut fortement détériorée lors d'effondrements ultérieurs.4. Des trous, creusés dans le rocher au dessus de l'architrave, servaient à caler des poutres de soutènement. Il semble ainsi qu'on doive restituer un étage au dessus de la partie centrale de l'édifice5.Une pièce devait précéder les salles cultuelles, et sa façade masquait les deux niveaux. Aucune trace ne subsiste de cette avancée6, mais tous les mithraea comprennent un vestibule. Aujourd'hui, une large surface plane, composée d'humus et de décombres, s'étend devant la grotte. À l'époque romaine, au contraire, le sol s'inclinait vers l'entrée du sanctuaire, auquel on accédait par deux degrés taillées dans le rocher (C)7. Immédiatement au nord de ces marches se trouve une grande cavité, également taillée dans le grès (D). Elle est profonde de la hauteur d'un homme et fait entre 5 et 6m de diamètre. Une partie en est retaillée pour obtenir une plus grande profondeur. Un canal d'écoulement déversait le surplus d'eau vers l'ouest. Ces aménagements servaient peut-être aux ablutions et les bains qu'imposait le rituel8.Il subsiste peu de traces de la décoration du sanctuaire car il fut saccagé dès la fin de l'époque romaine, sans doute par les chrétiens de la région9. Les vestiges se réduisent à des éléments de sculptures de grès qui portent des traces de destruction délibérée10. Deux têtes11, au visage fracassé, appartiennent à des statues isolées, peut-être celles des porteurs de torches Cautes et Cautopates12. Comme dans tous les mithraea, le relief cultuel représentait le dieu solaire égorgeant un taureau ; il devait se dresser sur un socle, devant le mur du fond de la nef centrale. Il n'en reste que les parties génitales de l'animal. Parmi les objets retrouvés, rares sont ceux qui se rapportent directement au culte : deux lampes à huile, quatre petites écuelles à bec en terre cuite et, peut-être, un tesson de sigillée muni d'un anneau, qui a pu servir de chandelier. La céramique, par ailleurs, comprend aussi des assiettes, des coupes et des plats13. Certains vases sont de bonne facture : sigillée décorée à la barbotine, au poinçon ou à la roulette, récipients en terre noire vernissée à décor figuré. Les formes appartiennent au Bas-Empire. Parmi les trouvailles, il faut encore citer une plaquette de plomb munie d'anneaux. Elle pouvait ainsi être accrochée à un support ou à une pièce de vêtement. Elle est ornée d'un buste en bas-relief aux traits orientaux et coiffé d'un bonnet phrygien, qui pourrait être Attis14.Si rien ne permet de dater les salles, la stratigraphie assure que l'occupation romaine du site se divise en deux périodes. Les monnaies confortent la datation que donne la céramique. On en a trouvé de Dioclétien, de Constantin, de Magnence, de Valentinien et de Gratien, qui attestent que la grotte fut occupée de la deuxième moitié du IIIe siècle jusqu'à la fin du IVe siècle. On a longtemps pensé que le culte de Mithra avait été implanté sur le Halberg par les légionnaires du castrum de Vicus Saravus dans la seconde moitié du IVe siècle, après Magnence. Or la plus ancienne trouvaille dans la grotte remonte à la seconde moitié du IIIe siècle. Il faudrait donc envisager que des nouveaux venus dans le bourg, des marchands par exemple, auraient fondé la société mithraïque du Halberg dès cette époque.

  • 1. Parmi celles-ci, F. Köllner mentionne 10 piliers carrés, ornés d'inscriptions et de figures en bas-relief. La reconstitution actuelle, avec raison semble-t-il, a dressé des colonnes toscanes. Que doit-on penser de ces supports carrés ?
  • 2. Avec l'aide financière de la station de radio Saarlandischen Werbefunks.
  • 3. Bases et chapiteaux furent taillés dans les blocs de grès qui provenaient des travaux d'agrandissement.
  • 4. Ces fragments de rochers, parfois considérables, et aux indices de taille aisément reconnaissables, se trouvaient ensevelis parmi les débris datant de l'époque romaine.
  • 5. Toutefois, on ne peut exclure que cet étage soit un ajout postérieur.
  • 6. À moins d'attribuer à cet élément les nombreux fragments de tuiles romaines et de plaques d'ardoise retrouvés. Il est également possible que certains creusements, à l'entrée de la grotte, aient reçu les poteaux du mur du pignon.
  • 7. À une vingtaine de mètre à l'ouest de ces marches, le rocher descend en pente raide vers la Sarre.
  • 8. Le remplissage de terre de la cavité contenait des déchets romains.
  • 9. C'est un destin qu'ont partagé de nombreux mithraea.
  • 10. Mêlés à des restes d'époque romaine, ils furent retrouvés dispersés à l'intérieur et dans les couches archéologiques au devant de la grotte.
  • 11. Elles sont de moitié de la taille réelle.
  • 12. Parmi les autres morceaux de sculptures, on remarque une griffe d'oiseau, une lune d'un travail assez fruste, et une inscription illisible.
  • 13. Cette vaisselle ordinaire devait servir lors des repas rituels qui accompagnaient les fêtes mithraïques.
  • 14. Au plus fort de la pénétration des cultes orientaux en Occident, il n'est pas surprenant de rencontrer une image mystique étrangère au culte pratiqué dans le sanctuaire.

Référence à citer

, Le mithraeum du Halberg, à Sarrebruck, archeographe, 2004. https://archeographe.net/Le-mithraeum-du-Halberg-a