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Le mithraeum du Halberg dans le cadre régional

La destruction de la fin de l'époque romaine, et la réutilisation de la grotte aux XVe et XVIIIe siècles, ont fait disparaître l'architecture du sanctuaire et son ornementation. Les vestiges insignifiants ne nous offrent plus qu'une image très imparfaite de son aspect originel. La comparaison avec d'autres mithraea nous permet pourtant de savoir qu'il se conformait aux exigences habituelles de ce genre d'édifices : la salle de culte avait trois nefs ; le sol de celle du milieu était plus bas que celui des deux autres, qui formaient des podiums où les adeptes s'étendaient pour leurs repas rituel.

D'ordinaire, les mithraea sont des bâtiments isolés. Ils recréaient l'environnement d'une grotte car rochers et caverne font partie du mythe de Mithra1. Les sanctuaires installés dans une véritable grotte, comme à Sarrebruck, sont assez rares. La région nous en donne pourtant un autre exemple, à Schwarzerden (canton de Saint Wendel), et peut-être un deuxième à Mackwiller, dans le Bas-Rhin, au lieu-dit Siltzberg2.Au fond de l'allée centrale se dressait l'image du culte. Elle a disparu, mais tous ces bas-reliefs répondaient d'une iconographie commune. Nous pouvons prendre l'exemple de Schwarzerden. Le relief cultuel y est taillé dans le rocher du fond de la grotte et nous est exceptionnellement parvenu intact. L'ensemble fait 2m sur 2. Sous un arc semi-circulaire, qui symbolise la grotte originelle, Mithra est à genoux sur le taureau qu'il immole. Le vent s'engouffre dans le manteau du dieu, qui saisit les naseaux de l'animal de la main gauche et lui enfonce un poignard dans le flanc de la droite. À ses côtés se tiennent les deux porteurs de flambeaux Cautes et Cautopates. Tous deux portent des torches, l'un vers le haut en symbole de l'aube, l'autre vers le bas pour le crépuscule. Dans l'angle supérieur gauche est figuré le Soleil ; la Lune occupe le coin droit. Sous le taureau, un scorpion, un serpent et un chien s'abreuvent de son sang. D'autres êtres symboliques mal conservés sont placés autour de la scène principale. Ces reliefs étaient peints de couleurs vives et déclinés de diverses façons dans les temples3.Ce sacrifice du taureau est représenté sur tous les bas-reliefs mithraïques. Toutefois, beaucoup des images cultuelles que nous connaissons présentent aussi, en frises latérales et supérieures, des scènes de la légende du dieu. À Aquincum4, on trouve ainsi Mithra nu assis dans une grotte, sa naissance de la pierre, la chasse au taureau, la rencontre, le combat, la réconciliation et le banquet de Mithra avec Sol, et d'autres épisodes encore ; la frise supérieure représente la paradis des dieux, avec Mercure, Hercule, Jupiter, Vulcain, Neptune et Bacchus. Le bas-relief de Sarrebourg5 offre une disposition semblable.Le mithriacisme6 entreprit assez tôt son expansion vers l'ouest. Mackwiller représente un exemple significatif. Là, le mithraeum se superposa au IIe siècle à un sanctuaire des eaux de l'époque gauloise ; incendié au IIIe siècle, il fit place à un nouvel édifice cultuel de type gallo-romain. Rien ne peut mieux éclairer les relations religieuses que cette suite d'événements. Elle montre que le mithriacisme fut à peine compris des populations locales de la Gaule romanisée, trop profondément enracinées dans le monde divin du substrat celte. Nous assistons ainsi, durant les IIe et IIIe siècles, au retour de cultes indigènes, avec des divinités qui se sont imprégnées de la culture romaine pour leur nom et leur représentation. Une semblable séquence d'occupation s'est peut-être produite à Vicus Saravus.

  • 1. Mithra, dieu de la lumière, ne pouvait être vénéré que dans des espaces obscurs car, selon la légende, il serait né d'un rocher. Les écrivains antiques trouvaient contradictoire qu'un dieu de la lumière soit honoré dans des grottes ou dans des salles qui en recréaient l'environnement.
  • 2. J.-J. Hatt, qui fouilla ce mithraeum en 1955 et 1956, ne pensait pas avoir trouvé autre chose que le vestibules du sanctuaire. Il n'excluait pas la possibilité que la cella ait occupé une cavité du massif. Cf. HATT J.-J, Découverte à Mackwiller d'un sanctuaire de Mithra, in CAAAH 1957, p. 51-suiv., et plus particulièrement p. 66. Nous envisageons de consacrer prochainement un article sur les vestiges romains de ce site.
  • 3. La reconstitution du relief de Koenigshoffen, au Musée Archéologique de Stasbourg, en donne une image assez proche de la réalité.
  • 4. Budapest.
  • 5. Au Musée de Metz.
  • 6. En entrant dans une communauté mithraïque, dans laquelle seuls les hommes étaient admis, l'adepte parcourait sept grades pour son admission. Les croyants s'appelaient frères (frater) ; ils se rencontraient sous l'égide du plus haut gradé, le père (pater), pour des services divins réguliers. Les cérémonies comportaient un repas cultuel, au cours duquel on consommait le pain et le vin, symboles de la chair et du sang du taureau. Consécrations et repas mystiques rapprochaient la communauté du dieu, en vue de la résurrection et de l'immortalité. Le mythe de la naissance de Mithra était fêté chaque année. Il incitait les fidèles à combattre le Mal et à aider le Bien à vaincre.

Référence à citer

, Le mithraeum du Halberg, à Sarrebruck, archeographe, 2004. https://archeographe.net/Le-mithraeum-du-Halberg-a