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Histoire

Mme Pax, de la SHA de Sarreguemines, dirigea les fouilles entre 1966 et 1982 ; les objets découverts ont été déposés au musée de Sarreguemines qui, malheureusement, a considérablement réduit ses présentations archéologiques. Un nouveau musée, consacré aux découvertes de la région, devrait le remplacer.
Le site du Grosswald était déjà occupé pendant La Tène, comme le confirme la céramique des niveaux des plus anciens et du Ie siècle ap. J.-C.1 ; il s'agissait sans doute déjà d'un domaine agricole. La villa gallo-romaine a tout naturellement repris cet emplacement favorable. Le bâtiment que l'on visite est la partie habitée de l'exploitation dans sa plus grande extension. La partie sud-ouest de la villa La première villa, édifiée vers le milieu du Ie siècle ap. J.-C, fut incendiée en 70. Entre 70 et 100, un potier, qui produisait une céramique commune, y établit son four. On rebâtit un bâtiment plus grand au début du IIe siècle. L'intérieur en fut alors aménagé avec plus de luxe : peintures murales dans la salle 7, garniture de marbre de l'escalier E2, construction la galerie de façade 1 et transformation des thermes. L'exploitation agricole se poursuivit jusqu'à un grave incendie en 180. Au IIIe siècle, des artisans s'installèrent à nouveau en 10 et 11a : un forgeron, un serrurier et un bronzier. Un nouvel incendie détruisit l'édifice en 280. Il servit alors de carrière : au début du IVe siècle, on en calcinait les pierres calcaires et le marbre dans un four à chaux en 11a-b. L'endroit fut abandonné au milieu du IVe siècle. La villa présente, à sa période la plus florissante, un plan proche du carré avec façade à [#colonnade], qui utilise en trois niveaux la déclivité du plateau. Selon les fouilleurs, la façade principale, à l'ouest, ne comporterait pas les tours d'angles si fréquentes : ses extrémités sont occupées par des thermes (3) au nord et par une pièce carrée (4) au sud. Cette affirmation peut être discutée. La salle 4, qui est carrée, serait la tour du sud ; l'ensemble thermal, d'abord plus petit et aligné sur le mur entre 7 et 8 et sur ceux du portique 2, formerait le carré de la tour nord. A l'origine, la façade de la villa devait se conformer au modèle habituel, avec deux tours d'angles et une colonnade, qui n'apparaît plus après le remaniement de l'ensemble thermal et l'édification de la galerie.

Explorons le bâtiment, de l'extérieur vers l'intérieur, comme il se doit. La galerie 1 date des embellissements du début du IIe siècle. Elle avait des supports de bois, longeait toute la façade à partir de la salle 42, et faisait un retour au nord, jusqu'au mur est des thermes (3), couvrant ainsi le praefurnium P1. Elle donne sur le portique 2. Celui-ci, avec un rideau de colonnes dont on à retrouvé les bases, constituait la façade originelle. Lorsque la galerie 1 fut construite, il se peut que des supports de bois sur un muret aient remplacé ce dispositif. L'entrée du portique est aujourd'hui décentrée vers le sud, mais, au Ie siècle, l'entrecolonnement central était certainement au milieu de la façade. Du portique 2 on accède à l'ensemble thermal 3. Il est construit avec soin : les murs sont en petit appareil avec joints repris au fer et peints en rouge. Nous ne connaissons pas le premier aménagement, mais les transformations du début du IIe siècle donnent un exemple complet et bien préservé de thermes domestiques. En 3a, l'apodyterium servait de vestibule et sans doute aussi de vestiaire. La baignoire du frigidarium Le frigidarium, bain d'eau froide, lui est contigu (3b). C'est une baignoire carrée, dans laquelle on descend par quelques marches ; le fond est carrelé de dalles de terre cuite et les parois sont soigneusement rendues étanches3. Le tepidarium Le tépidarium, où l'on jouissait d'une température agréable, est assez grand (3c). La chaleur était bien plus élevée dans la petite salle carrée du caldarium (3d). Tépidarium et caldarium sont chauffés par hypocauste. L'ensemble est fort bien conservé, avec ses piles de plaques rondes ou carrées soutenant les dalles de la suspensura. Tubuli du tepidarium On remarquera en particulier les tubuli, qui évacuaient gaz et fumées par les murs tout en les chauffant. Le praefurnium (P1), où l'on faisait le feu, est à l'extérieur et forme une excroissance sur le côté nord du plan.De la galerie 2, on passe au second niveau, où se trouve la véritable zone d'habitat. On pénètre dans un grand ensemble subdivisé en trois. En réalité, seules 6a et 6b sont tributaires de la galerie 24. La grande pièce 6a avait un foyer central en dalles de terre cuite ; un escalier de bois (E1) permetait de gagner le niveau inférieur du bâtiment. De 6a on passe en 6b, plus vaste encore, qui a une entrée sur la façade sud et commande la pièce 4.
Cette pièce très soignée a livré de nombreux fragments de peinture murale. Elle est chauffée par hypocauste dont le dispositif fut retrouvé intact, avec piles et dalles de suspensura. Aux quatre coins de la salle, des tubuli rectangulaires sont disposés en biais et isolés des murs et de la salle par un revêtement de mortier5. Un quart-de-rond de mortier borde le sol de terrazzo le long des murs. Le praefurnium (P2) est dans la galerie 2 ; sa fosse communique avec l'hypocauste de la salle par un petit arc de briques6. Sur ce même niveau intermédiaire, le long du côté nord de la villa, des locaux mal conservés ont pu servir de communs, voire de cuisines (8). Ils donnent sur la pièce allongée 7, l'une des plus luxueuses de la villa avec son décor floral peint. Un passage fut ouvert par la suite entre 7 et le vestibule des thermes. De 7, on gagne le niveau inférieur du bâtiment par l'escalier E2.
Toujours sur ce niveau, la façade sud est moins claire encore car elle fut largement modifiée aux IIIe et IVe siècles. Deux salles sont accolées à la façade du Ie siècle (5 et 9), sur laquelle elles font saillie de part et d'autre de la porte de 6b. On a trouvé dans la salle 4 des éléments de suspensura qui n'appartiennent pas à son système de chauffage : la pièce voisine 5 était peut-être aussi pourvue d'un hypocauste qui dépendait de l'installation de 4, mais il n'en reste aucune trace. La salle 9 date du IIe siècle. La salle 9 De l'intérieur, on gagne le niveau inférieur par deux escaliers adjacents. L'escalier E1, qui descend de 6a, était en bois ; l'autre, qui vient de 7, avait un revêtement de marbre (E2). L'escalier E2 Ce niveau est occupé sur toute la façade est par une cave barlongue (10 et 11) divisée en plusieurs salles. Dans la pièce 10, pourvue d'un soupirail, furent découverts, au pied de la cage d'escalier, de très nombreux objets en fer, qui semblent avoir été rangés le long des murs7. La salle 11a communiquait avec 10 par une porte bouchée par la suite8. L'espace 11b-c communiquait avec l'extérieur par un passage muré ultérieurement ; il fut aussi subdivisé9. Aucun objet n'y fut découvert. Au IVe siècle, le mur de séparation entre 11a et 11b et le mur extérieur furent partiellement détruits pour établir la grande fosse appareillée d'un four à chaux. Le four à chaux La circulation des eaux dans la villa était très élaborée. L'eau venait du sud, par une canalisation qui longeait le portique ; deux autres la rejoignaient, venant de l'ouest. Elle alimentait la baignoire des thermes, dont l'évacuation se faisait par un conduit qui passe sous l'apodyterium, traverse les communs et reçoit les eaux de ruissellement. L'eau, après avoir vidangé une installation mal conservée (12), peut-être des latrines, se déversait dans le ruisseau qui coule en contrebas. Une autre canalisation drainait les eaux du toit ; elle longe la façade nord et court vers le ruisseau. Un tronçon joignait ces deux longs égouts. Tous ces conduits étaient en bois, joints par des frettes de fer et recouverts de pierres plates.

  • 1. Céramiques non tournée et sigillée des époques d'Auguste à Claude.
  • 2. La salle 5 n'existait pas encore.
  • 3. Le mortier appliqué sur les moellons du mur est recouvert de plaques de terre cuite. Celles-ci sont enduites d'un mortier plus fin et lissé. Un quart-de-rond de mortier assure l'étanchéité du joint entre fond et parois.
  • 4. La pièce 7 est séparée de cet ensemble. C'est un des problèmes que pose le plan. Voir ci-après.
  • 5. La bonne conservation a permis de faire des essais de chauffage : 1 kg de bois de hêtre par heure produit une chaleur de 18° par une température extérieur de - 15°.
  • 6. Au dessus, un arc plus large est composé de larges claveaux de tuf calcaire ; son extrados est souligné par un bandeau de pierres plates alternant avec des fragments de tuiles ; des assises de briques remplissent l'espace entre les deux arcs.
  • 7. Marteau, enclume portative, couperets, pinces, tarières, lame de rabot, éléments de serrures (dont une serrure entière avec sa clef), mors de cheval, clochettes ; une grande épée damassée a été trouvée dans la cage d'escalier.
  • 8. On y retrouva des fragments d'une table circulaire à pied, en grès rose (diam. : 0,92 m).
  • 9. Les fouilleurs y voient une bergerie ou une porcherie, à cause de l'usure des moellons des passages sur une hauteur de 0,30 à 0,80 m.

Référence à citer

Marc Heilig, Sarreinsming, la villa du Grosswald, Un site dévasté, archeographe, 2003. https://archeographe.net/Sarreinsming-la-villa-du