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Le Rocher de Diane à Roppeviller

A la sortie du village de Roppeviller, un chemin pavé reprend peut-être le cours d'une voie romaine qui menait à Eppenbrunn et Pirmassens. Le soin apporté au pavage en montre l'importance. Non loin de là, Le Rocher de Diane était ainsi un lieu de dévotion pour les voyageurs qui s'engageaient dans la forêt.

La voie, avant son entrée dans la forêt, Photo Marc Heilig

Le bas-relief est sculpté sur la paroi d'un massif de grès, le Lauersteinerwald. Espérandieu1 le place dans la forêt d'Eppenbrunn, près de St-Ingbert, et en donne un dessin et une description légèrement erronés. Ces inexactitudes s'expliquent par le trouble politique de l'époque : Espérandieu laisse entendre dans l'introduction de son volume qu'il eut beaucoup de peine à visiter la région. Les renseignements qu'il a récoltés sont parfois de seconde main, comme c'est le cas pour ce relief rupestre. Lutz reprend sa description2, mais ni l'un ni l'autre ne dit explicitement que la voie est romaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le rocher de Diane fait 1,50 m. de haut et 2 m de large. Le bas-relief représente trois personnages de face et debout : Diane au centre, accompagnée d'un dieu masculin de part et d'autre. Le grès est très érodé, surtout dans la partie inférieure.
Si l'identification de la déesse est assurée, on a beaucoup discuté de celle des dieux : Espérandieu et Lutz parlent d'une suite Hercule-Diane-Mars, mais Forrer préfère Dieu inconnu-Diane-Sucellus3.
Le dieu de gauche est nu. Il tient une lance de la main droite et porte sur l'épaule gauche un manteau qui retombe sur le bras.
Diane est vêtue d'une tunique à manches qui lui couvre la poitrine et s'arrête au dessus des genoux. Elle tourne le visage vers la droite et, le bras droit replié, prend une flèche dans le carquois qu'elle porte en bandoulière. Elle tient un arc de l'autre main.
Le dieu de droite porte un manteau dont le plissé passe sur son bras gauche. Il tient une lance à droite.
A ces divinités il faut ajouter deux chiens. L'un apparaît encore parfaitement, assis aux pieds de Diane, entre la déesse et Mars, vers qui il tend le museau. L'autre a entièrement disparu aujourd'hui. Il était debout, entre Diane et le dieu de gauche ; son corps passait derrière les jambes de la déesse. La bibliographie ne mentionne pas ce chien, mais il est bien visible sur des photos anciennes du bas-relief4.

Les deux dieux sont difficiles à identifier. Hercule est ordinairement représenté avec une massue et la peau du lion. Ce que nous prenons pour un manteau pourrait aussi bien être cette dépouille, tant le relief est abîmé à cet endroit. D'autre part, l'effigie de Roppeviller n'a pas le corps puissant qui caractérise Hercule, ni sa barbe.
La lance du dieu de droite ne saurait passer pour le maillet à long manche de Sucellus. L'association Diane-Sucellus est d'ailleurs fort rare5. Le dieu n'a pas non plus ici le casque et le bouclier, qui sont les attributs habituels de Mars.
Pourtant, il n'y aurait pas à s'étonner de voir Hercule et Mars accompagner Diane. A Deneuvre (Meuthe-et-Moselle), Hercule est le maître d'un sanctuaire d'eaux curatives. Mars perd en Gaule une partie de son caractère guerrier pour devenir parfois un dieu guérisseur. Les représentations de Diane sont fréquentes dans la région. Protectrice des forêts et de la chasse, elle est bien à sa place à cet endroit, près d'une voie qui traverse une région boisée. Dans la Gaule romanisée, Diane protège aussi les sources, en particulier celles dont les eaux sont curatives6. Elle se substitue parfois dans nos régions à la déesse locale Sirona. Or il n'est pas exclu que le relief de Roppeviller ait un rapport avec trois sources des environs7.

En reprenant le chemin Helmut-Kohl dans la direction d'Eppenbrunn, on pourra faire une fort belle randonnée sur l'Altschlossfelsen (voir Lien en fin d'article).

  • 1. Emile ESPERANDIEU, Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, Paris,1913, V, 4474.
  • 2. Marcel LUTZ, La Moselle gallo-romaine, SHAL, section de Strasbourg, 1991, p. 251.
  • 3. Robert FORRER, Diane et Sirone, déesses des sources curatives, Haguenau, 1935, p. 36.
  • 4. Cf. Hans-Joachim KÖLSCH-BRAUCH, Eppenbrunn, das Tor zum Wasgau, Eppenbrun, 1992. L'auteur y publie une photographie prise dans la 1e moitié du XXe s.
  • 5. Il semble même que le musée de Mayence en possède l'unique représentation. Cf. Paul-Marie DUVAL, Les dieux de la Gaule, Paris, éd. augmentée, 1993, p. 89.
  • 6. Nous en donnons plus bas un autre exemple à Lemberg, où elle est clairement associée à une source.
  • 7. Une de ces sources est en territoire allemand. Les deux autres, la Josephsbrunne et la Hirschbrinnel, sont dans l'emprise du camp militaire de Bitche.

Référence à citer

Marc Heilig, Reliefs rupestres gallo-romains de la région de Bitche, archeographe, 2003. https://archeographe.net/Reliefs-rupestres-gallo-romains-de