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Dernière partie du pèlerinage

Le chemin longe ensuite un petit cimetière et débouche sur l’esplanade herbeuse où se dresse la chapelle Ste Catherine qui marque la fin de notre pèlerinage. Devant celle-ci et de part et d'autre de son portail se trouvent les dernières statues : celles de St Blaise, St Érasme et St Gilles, mais aussi de St Antoine de Padoue.

 

St Blaise († 316, fête le 3 février) était médecin lorsqu’il fut choisi comme évêque de Sébaste, en Arménie. Il vivait dans une caverne et guérissait les hommes et les bêtes sauvages. C’est ainsi que le gouverneur de Cappadoce, en quête de fauves pou les jeux du cirque, le remarqua et le fit arrêter. On voulut noyer Blaise dans un étang mais il marcha sur l’eau. Il fut décapité, en 316. Auparavant, il avait libéré un enfant d’une arête de poisson dans la gorge.

 

En mémoire de ce miracle, St Blaise est invoqué contre les affections de la gorge. Notre effigie le représente tenant deux cierges allumés et croisés, selon l'ancienne coutume des « cierges de St Blaise », que l'on bénit le 3 février. Ce jour-là, l’église St Eucaire, à Metz, célèbre le saint par un pèlerinage : le prêtre met les cierges en croix et en touche le cou du croyant en priant St Blaise d’éloigner cette sorte de maux. De nombreux fidèles viennent vénérer ses reliques, qui sont exceptionnellement exposées ce jour-là, et faire bénir des petits pains qu’on ne fait qu’à cette occasion.

 

St Érasme († 301, fête le 2 juin) menait une vie ascétique et solitaire à Antioche. Il se mit à annoncer l’Évangile sous l’inspiration divine. Cela le conduisit à Ohrid, en Macédoine, où il subit le martyre, revêtu d’une cuirasse de bronze incandescente. Une autre légende, qui est retenue ici, dit qu’il fut éviscéré mais qu’un Ange le sauva et le déposa sur un navire.

 

Patron des veuves et des orphelins, St Érasme est invoqué contre la douleur, surtout celle des maux de ventre. Les marins implorent son aide pendant les tempêtes. Notre sculpteur a conservé le principal de ses attributs, très simplifié il est vrai : un treuil avec les intestins enroulés autour.

 

St Gilles († 720, fête le 1er septembre), le seul des Quatorze Saints Auxiliaires qui ne fut pas martyr, avait distribué ses biens aux pauvres et s’était retiré dans une grotte du sud de la Gaule, près de Narbonne ou de Nîmes, pour vivre dans la contemplation. Une biche le nourrissait de son lait. Le roi des Goths Flavius lui fit construire un monastère à St-Gilles-du-Gard dont il resta l’abbé jusqu’à sa mort. C’est là que se trouvent ses reliques et son tombeau. Situé sur le chemin de Compostelle, l’endroit fut très fréquenté dès le Moyen Âge.

 

St Gilles est le protecteur des pauvres. On l’invoque contre la panique, l’épilepsie, la folie et les frayeurs nocturnes, mais aussi contre la fausse honte en confession car, parmi les œuvres qu’on lui reconnaît, il avait su mener Charles Martel à une confession entière et à se libérer ainsi d’un péché grave. On représente St Gilles, comme ici, en habit de moine, une biche blottie en toute confiance contre lui.

 

St Guy († 303, fête le 15 juin), dont il faut espérer que l’on retrouve un jour l’effigie, était originaire de Sicile. Sa vie connaît plusieurs variantes de détails. Il avait été baptisé par sa nourrice Crescence et son précepteur Modeste à l’insu de son père. Celui-ci, l’ayant livré au juge pour être frappé de verges, perdit la vue mais fut guéri par les prières de son fils. Cela ne le poussa pourtant pas à se convertir.

On dit aussi que, dénoncé à l’époque de la persécution de Dioclétien, St Guy était resté constant dans sa foi malgré les supplications de son père et les menaces du juge. Il devait subir le fouet, mais les bourreaux ne purent exécuter la sentence car ils furent soudain paralysés. St Guy les libéra au nom du Christ et, devant ce prodige, fut rendu à sa famille. Son père chercha dès lors, sans y parvenir, à le circonvenir par tous les moyens. Plus encore, ayant surpris son fils dans une pièce inondée de la clarté divine, ce père indigne en perdit la vue ; et, bien que St Guy la lui eût fait recouvrer par miracle, il persista dans sa méchanceté.

C’est alors que, guidés par un Ange, Modeste et Crescence parvinrent à soustraire le jeune homme à ses persécuteurs et le conduisirent en Italie. Il y aurait accompli de nombreux miracles, guérissant les malades et les aveugles et convertissant bien des païens aux vertus chrétiennes. Ses œuvres merveilleuses attirèrent l’attention de l’empereur Dioclétien, qui le fit venir afin qu’il libère son fils d’un démon dont il était possédé. St Guy, par l’imposition des mains au nom du Christ, chassa cet esprit satanique qui, dit-on, disparut avec un bruit horrible. Le jeune prince fit cependant preuve d’ingratitude car, une fois guéri, il chercha à faire revenir St Guy dans le culte païen et, n’y parvenant pas, le fit arrêter avec Modeste et Crescence. Des Anges et Jésus lui-même vinrent leur apporter consolation dans leur cachot.

Leur martyre fut d’une rigueur extrême. La volonté divine, toutefois, veilla toujours sur eux. Ils furent abord plongés dans un bassin de plomb fondu et de résine brûlante, mais ils n’en ressentirent aucune souffrance. Livrés ensuite aux fauves dans l’arène, un lion vint leur lécher les pieds. Puis, alors qu’on les avait attachés sur un chevalet pour les écarteler, la foudre s’abattit sur les temples païens et les renversa. Enfin, par leurs prières, les martyrs obtinrent de Dieu qu’il mette fin à ces supplices. Ils succombèrent le 15 juin 303, lors de la grande persécution de Dioclétien, sous le régime de la tétrarchie, 1.

 

Au IXe s., des moines bénédictins apportèrent des reliques de St Guy à St-Denis et à Corwey, en Westphalie, et d’autres, au Xe s., à Prague, à la demande du duc de Bohême St Venceslas2. Le culte de St Guy s’est largement répandu en Europe, notamment dans le nord de la France et en Belgique3. Il eût été étrange de ne pas le retrouver dans une région où il est particulièrement vénéré : St Guy a son propre pèlerinage sur les hauteurs de Phalsbourg, à la chapelle de la grotte St Vit, l’autre nom sous lequel il est connu.

 

Au XIVe s., St Guy fut invoqué lors d’une grave épidémie de crises d’épilepsie. Le seigle que l’on cultivait alors était souvent corrompu par un champignon, l’ergot de seigle, qui causait des crises de démence lorsqu’on le consommait. C’était un mal très répandu. On pensait au Moyen Âge qu’un démon possédait les gens qui en étaient atteints ; aussi les condamnait-on au bûcher comme des sorciers. C’est pourquoi l’on parle de « la danse de St Guy » pour ces dérèglements, car le saint guérit les malades qui lui demandent protection.

 

St Antoine de Padoue († 1231, fête le 13 juin) est notre… 15e saint. Sa présence ici s’explique par la dévotion que lui voue tout l’Est de la France. Né à Lisbonne dans une famille noble de tradition militaire, il s’appelait Fernando. Il entra, jeune encore, chez les chanoines de St Augustin à Coïmbra, où il fut ordonné prêtre. En 1220, lorsqu’on rapporta au Portugal les restes des premiers martyrs franciscains du Maroc, il entra chez les Frères Mineurs et prit le nom d’Antoine. Il désirait lui aussi mourir martyr en Afrique, mais telle ne devait pas être sa vocation car il tomba malade en voyage et dut rentrer en Europe. Ses frères en religion, ayant découvert ses talents de prédicateur et de théologien, l’envoyèrent prêcher à Bologne, Toulouse, Montpellier, Limoges… En 1229, il fut élu Provincial de l’Italie du Nord. Il y mourut d’épuisement deux ans plus tard, à 36 ans.

 

A Brive-la-Gaillarde, où il s’était retiré dans une grotte pour méditer, St Antoine avait miraculeusement retrouvé un manuscrit : on fait donc appel à lui lorsqu’on a perdu quelque chose. Il est généralement représenté vêtu de la bure, les reins ceints d’une corde, couvert du manteau à capuchon et tenant un livre sur lequel repose l’Enfant Jésus. C’est ainsi que l’a figuré le tailleur de Hombourg.

 

Outre St Antoine de Padoue, notre ensemble offre une particularité supplémentaire avec une seconde effigie de Ste Barbe. La sainte est cette fois coiffée d’une couronne et porte une tour et une branche de palmier. Ce sont les mineurs et les sapeurs-pompiers de Hombourg qui ont dédicacé en 1952 cette statue de leur patronne sur la petite place devant le cimetière Ste Catherine. Toute proche de son image du pèlerinage, Ste Barbe est ainsi particulièrement honorée dans ce pays de mineurs.

 Les Quatorze Saints Auxiliaires sont donc bien présents, et plus encore. On devait pouvoir les reconnaître aisément, aussi leurs représentations obéissent-elles à des stéréotypes dont les attributs sont connus de tous les fidèles4. Le sculpteur s’est conformé à ces modèles et, s’il s’est parfois autorisé quelques libertés, chacun des saints pouvait être immédiatement identifié. 




 

  • 1. En 293, Dioclétien avait renforcé la division du pouvoir, qu’il partageait avec Maximien, en y associant deux collaborateurs. L’Empire devint alors une tétrarchie : deux Augustes, Dioclétien et Maximien, chargés l’un de l’Asie et de l’Égypte, l’autre de l’Italie, de l’Afrique et de l’Hispanie ; et deux Césars, Galère et Constance Chlore, responsables d’un part de l’Illyrie et des régions danubiennes, et de la Bretagne et de la Gaule d’autre part.
  • 2. Les reliques de St Guy, St Modeste et Ste Crescence sont conservées en l’église Ste-Marie du Rosaire, à Venise.
  • 3. Les cathédrales de Prague et de Rijeka lui sont dédiées, ainsi que l’église principale de Naarden. La Saint-Guy est fête nationale en Serbie.
  • 4. Il en allait déjà ainsi pour les divinités romaines : les attributs de leurs images, en particulier dans la sculpture gallo-romaine, les rendaient immédiatement reconnaissables.