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« Au Poilu Libérateur »

Les deux statues du Poilu se ressemblent beaucoup, ce qui ne saurait surprendre puisque celle de Maizières-les-Metz est l'ébauche de celle de Metz1. Comme attendu aussi, l'œuvre définitive présente de nombreux détails et un meilleur rendu de la matière qui ne sont qu'esquissés sur la statue de Maizières. Peut-être le poilu de la première a-t-il les traits d'un homme un peu plus jeune, mais tous deux portent la moustache et sont rasés de près. De leur barda, ils ont gardé l’essentiel.

La grande différence entre la maquette et l'œuvre finale, révèle cependant l'intention ultime de Henri Bouchard. Par terre, derrière le Poilu de Metz, le sculpteur a représenté divers éléments de l'équipement du soldat ennemi. On y voit un ceinturon, des cartouchières et trois casques. Il s'agit bien du casque de soldat allemand, dont la forme est fort différente de son équivalent français, notamment le protège-nuque. On remarquera qu'il n'est pas muni de la pointe caractéristique que l'imagerie populaire française a retenue pour représenter le casque de l'ennemi : en réalité, seuls les officiers de l'armée allemande portaient le casque à pointe2. Ces trophées, toutefois, sont peut-être déjà présents sur le modèle de Maizières, où la masse ronde, derrière la crosse du fusil, n'a pas trouvé d'explication jusqu'ici. Elle pourrait fort bien suggérer la forme d'un casque allemand, le sculpteur se réservant d'en préciser les détails sur l'œuvre achevée, ainsi qu'il l'a fait pour le havresac. Dans ce cas, ce que l'on pouvait prendre pour des grenades VB seraient plutôt des cartouchières ennemies, comme on le voit à Metz. Cette hypothèse se trouvera largement confortée si l'on considère que ces éléments sont placés au même endroit sur la statue définitive.

Ainsi, ce n'est pas le poilu en campagne que Bouchard a voulu représenter, mais le poilu libérateur. Tel est d'ailleurs le titre que porte l'inscription de la statue de Metz : Au Poilu Libérateur. Comme son frère d'armes de Maizières, le poilu de Metz, avec les trophées ennemis à ses pieds, en est l'image parfaite. Le moment n’est plus à la fureur des batailles. Ici, le poilu campe sur ses positions, sans oublier ses compagnons tombés au combat. La victoire lui a rendu la sérénité.



  • 1. Il faut garder à l'esprit que la statue de Maizières n'est que le modèle préparatoire de celle de Metz.
  • 2. Je m'y suis d'ailleurs aussi laissé prendre dans la version de cette article publiée dans le Messager Boiteux de Strasbourg 2020. C'est en visitant la citadelle souterraine de Verdun, où l'on présente des casques de simples soldats allemands, que j'ai pu corriger mon erreur.

Référence à citer

Marc Heilig, Frères d'armes, archeographe, 2020. https://archeographe.net/freres-d-armes