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À chacun son bagage

L’objectif du Musée du Bagage est de nous faire découvrir ce dont se munissaient les voyageurs. À commencer par l’élément essentiel : la malle. On la confond souvent avec le coffre1mais son usage est tout différent. Comme elle ne fait pas partie du mobilier d’intérieur, on devait pouvoir la manipuler facilement, ce qui se faisait parfois sans ménagement. Sa conception répondait à ces exigences : construite en bois souple et léger, elle était renforcée de ferrures ; à l’intérieur, un capitonnage amortissait les chocs. Et l’on verra, au fil des vitrines, que des trésors d’imagination ont été déployés pour concevoir des bagages qui ménagent à la fois le commode et le confortable.

Les voyageurs sont nombreux aux XIXe et XXe siècles, plus encore que précédemment ; ils sont de toutes conditions, et beaucoup ont des bagages en rapport avec leurs occupations. On pense à ces artistes, des peintres surtout, qui entreprenaient le « Grand Tour » en Italie2. Le coffret à peinture qu’ils emportaient dans leurs randonnées contenait ce dont ils avaient besoin pour exercer leur art en plein air3. Ils pouvaient ainsi répondre à la demande des visiteurs fortunés, qui aimaient avoir chez eux une évocation des paysages qu’ils avaient appréciés. Les écrivains ne sont pas en reste : la malle-bureau de Conan Doyle comprend une table pliante, des tiroirs, des classeurs et une machine à écrire. La mode était alors au récit de voyage et aux lettres, qu’on rédigeait pour partager ses impressions. Il convenait donc d’emporter un nécessaire à écrire, dans lequel étaient rangés encrier, plumes, stylos, écritoire… Les malles des explorateurs, une activité en plein essor au XIXe s., étaient adaptées aux rudes conditions de leurs expéditions : bois de camphrier contre les termites, revêtement intérieur métallique contre l’humidité… On s’équipait de ce qui pourrait s’avérer utile, en gardant un certain standing cependant : lampes tempête, cantines, pharmacie, service à thé, etc.

On se déplace aussi pour raisons professionnelles. À chaque métier son bagage. Les ouvriers ont leur boîte-à-outils, les voyageurs de commerce leur « marmotte » conçue pour les échantillons qu’ils proposent. Le musée en expose plusieurs, de représentants en chocolat, en horlogerie, en bijouterie, en pharmacie… L’une d’elles est composée d’éléments de cuisine en miniature. Même les grands hommes d’Église disposent de leur « chapelle » de voyage.  

L’équipement militaire se renouvelle car ces temps traversent des conflits acharnés. Dans les musettes et le havresac, porté en sac à dos, le soldat serre vêtements, couverture, objets de toilette, papiers administratifs, vivres… mais aussi des objets plus personnels qui adoucissent quelque peu sa condition en campagne, tels qu’un instrument de musique ou de quoi écrire à la famille, voire tenir un journal. L’armée se préoccupe d’ergonomie avec un sens pratique assuré et le bagage se plie à la fonction. Les infirmiers y casent une pharmacie d’urgence ou du matériel d’amputation, les malles-cantines rassemblent l’indispensable pour la cuisine et les repas : casseroles, plats, couverts, vaisselle… sans oublier le moulin à café et la cafetière.

Autre élément incontournable, le « nécessaire de voyage » contient accessoires de toilette, outils de travail ou ustensiles destinés à la collation. Son usage se développe à la fin du XVIIIe s. Aucun personnage important ne saurait s’en passer. Le musée présente la valise de toilette d’Alphonse Daudet mais certaines sont mieux équipées encore et bien plus luxueuses : flacons de cristal à bouchon en argent, limes, rasoirs, ciseaux, peignes, brosses, chausse-pied et nécessaire à chaussures, et même de la vaisselle de qualité…



  • 1. La serrure du coffre de Nuremberg présenté ici est un leurre. L'ouverture se fait grâce à un mécanisme à neuf pênes disposé sous le couvercle et que l'on actionne d'un seul tour de clef. Ces coffres étaient conçus pour contenir des valeurs.
  • 2. Le « Grand Tour » avait pour objet de découvrir les paysages lumineux de l’Italie, ses ruines antiques et ses œuvres d’art.
  • 3. Entre autre des tubes de couleurs, qui sont une innovation de la seconde moitié du XIXe s.

Référence à citer

Marc Heilig, Le Musée du Bagage de Haguenau, archeographe, 2023. https://archeographe.net/musee_bagage_haguenau