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Les métiers du bagage

Si l’organisation du voyage a fait naître des métiers distinctifs tels que le courrier, la profession de malletier-layetier s’est consacrée à la conception des malles et des bagages ; elle est à l’origine de leurs transformations et de leurs améliorations1. Le Musée du Bagage a reconstitué un atelier de malletier, avec son établi et ses outils spécifiques, ainsi qu’un tableau qui réunit des éléments de « bijouterie », comme on appelait les ferrures qui renforçaient les points faibles de la malle.

Cet artisanat réalisait du sur-mesure et répondait à toute demande, quelle qu’elle puisse être. Des fabricants réputés s’y sont illustrés avec des malles exceptionnelles commandées par des célébrités du temps. Ils ont aussi créé leurs propres toiles de revêtement, afin de rompre avec la couleur « gris Trianon »2, qui s’était largement répandue dans le domaine du bagage au cours du XIXe s. A partir de 1872, Louis Vuitton lance une toile à rayures rouges, brunes ou beiges. La firme modifia plusieurs fois son décor : en 1887 apparaît un motif à damier puis, en 1896, la toile « Monogram », avec les initiales LV entrelacées. Enfin, en 1904, Georges Vuitton sortit la « Vuittonite », imperméable et résistante. D’autres établissements de luxe suivirent l’exemple de cette grande maison : Moynat, par exemple, choisit à partir de 1880 un décor à damier et, trente ans plus tard, un motif en « M » ; Goyard créa vers 1900 la « Goyardine », une toile noire ornée d’un chevron. Rapidement imités eux aussi, ils durent se protéger des contrefaçons par des brevets.

Dans une certaine mesure, la révolution industrielle mit le luxe à la portée de tous. La mécanisation et la standardisation réduisirent les coûts de fabrication et les prix de vente, le bagage devint plus abordable. Face à cette concurrence, les malletiers misèrent sur la qualité et le fait-main pour conserver leur image. Le succès de ces bagages raffinés ne se démentit pas car il existait désormais des clients pour les deux marchés. Certaines innovations restèrent pourtant sans lendemain, comme la malle-automobile. Placée à l’arrière du véhicule et réalisée selon le modèle, elle connut d’abord une certaine vogue mais la production en série, en uniformisant les formes, cantonna cet aménagement aux voitures de luxe : il disparut, supplanté par le coffre intégré à la carrosserie. Dans le bagage comme ailleurs, l’industrialisation nivelait les choix mais les offrait à une clientèle plus étendue.  



  • 1. Sous l’Ancien Régime, le layetier réalisait les caisses qui servaient à transporter les biens des gens aisés lors de leurs déplacements. De ce métier vient celui de malletier, auquel il a transmis outils  et savoir-faire.
  • 2. Le « gris Trianon » fut inventé pour le mobilier de Marie-Antoinette au Petit Trianon ; il a été repris en 1947 par la maison Dior, qui en a fait sa couleur emblématique : le « Gris Dior » est aujourd’hui breveté.

Référence à citer

Marc Heilig, Le Musée du Bagage de Haguenau, archeographe, 2023. https://archeographe.net/musee_bagage_haguenau