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Des occupations du Pléistocène Supérieur

Aujourd’hui, les occupations humaines les plus anciennes du continent américain, parmi celles dont la datation est largement acceptée par la communauté scientifique, ont entre 15 000 et 16 000 ans d’âge ; elles ont été mises en évidence aux Etats-Unis, sur des sites tels que Meadowcroft, en Pennsylvanie, et Debra L. Friedkin, au Texas1. Des occupations antérieures ont été proposées en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, par exemple, sur le même site de Meadowcroft (19 000 ans), à Tlapacoya, au Mexique (24 000 ans), à Old Crow, au Canada (25 000 ans) et à Pedra Furada, au Brésil (50 000 ans) ; mais elles suscitent bien des controverses, au sujet de la fiabilité de leurs contextes et datations, et/ou du caractère anthropique des « vestiges archéologiques » concernés2. Quoi qu’il en soit, l’arrivée de l’homme dans le Nouveau Monde marque le début de la période paléoindienne, qui dure jusque vers 7500 avant J.-C., et voit la colonisation du continent, de l’Alaska à la Terre de Feu, et du Pacifique à l’Atlantique.

En Sibérie nord-orientale, la présence humaine la plus ancienne connue a été mise en évidence à Yana Rhinoceros Horn Site (ou « Yana RHS »), en Yakoutie arctique ; elle remonte à 31 800 cal BP. Il s’ensuit, dans le registre archéologique, un long hiatus qui prend fin avec l’occupation de la grotte de Dyuktai, dans la partie centrale de la Yakoutie, vers 16 000 cal BP. Le site de Berelekh, en Yakoutie arctique, fut habité peu de temps après, vers 15 900 cal BP. Comme en Amérique, cependant, la chronologie des débuts de l’occupation humaine fait l’objet de débats animés. Ainsi, pour la grotte de Dyuktai, des datations allant jusqu’à 40 000 cal BP ont été avancées, mais elles sont aujourd’hui réfutées par la plupart des chercheurs3.

En tout cas, la colonisation initiale de la Sibérie nord-orientale et celle de l’Amérique ont été le fait de l’Homo Sapiens, l’« homme moderne ». Elles se sont opérées au Pléistocène Supérieur, au cours de la dernière glaciation, qui porte le nom de « glaciation du Wisconsin » en Amérique du Nord (80 000-11 000 cal BP). Les températures étaient alors beaucoup plus basses qu’elles ne le sont aujourd’hui, mais les précipitations étaient aussi plus réduites dans certaines régions, et plus abondantes dans d’autres, alors que les concentrations de CO² dans l’atmosphère étaient globalement plus faibles, limitant le développement de la végétation. Les conditions glaciaires atteignirent leur paroxysme il y a quelque 21 000 ans, au Dernier Maximum Glaciaire. Le niveau des mers du globe était alors plus bas de 120 mètres, en moyenne, par rapport au niveau actuel.

Lors de cet Âge de Glace, un isthme, le « pont terrestre de la Béringie », a uni la Sibérie et l’Alaska à plusieurs reprises, notamment entre 25 000 et 11 000 cal BP. Il a vraisemblablement favorisé la venue des premiers hommes en Amérique, ces migrants ayant pu franchir l’isthme à pied et/ou en longer les côtes en bateau. Mais naturellement, la glaciation a aussi posé de formidables obstacles aux migrations humaines. Plusieurs chercheurs estiment qu’autour du Dernier Maximum Glaciaire, une grande partie de la Sibérie s’est dépeuplée4 ; cela expliquerait, au moins en partie, le hiatus mentionné plus haut, entre les occupations de Yana RHS et de la grotte de Dyuktai. En outre, la glaciation du Wisconsin recouvrit l’Amérique du Nord d’immenses inlandsis, qui n’ont libéré les côtes du Pacifique que vers 17 000 cal BP. Avant cette date, dans l’état actuel de nos connaissances, une expansion des groupes humains au sud de l’Alaska est difficilement concevable.

Fig. 1 : Le « pont terrestre de la Béringie » (« Bering land bridge », en anglais), et l’extension des terres émergées et des glaciers des régions voisines, au Dernier Maximum Glaciaire, il y a quelque 21 000 ans. Carte : Hoffecker et Elias 2003 (fig. 1).



  • 1. Waters et al. 2011.
  • 2. Voir, à ce sujet, Meltzer 2009.
  • 3. Vasil’ev et al. 2002, Slobodin 2011.
  • 4. Goebel 2002, Hoffecker et Elias 2003.