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D’autres hypothèses sur le peuplement de l’Amérique
Sans exclure la venue de groupes asiatiques par la Béringie, certains chercheurs proposent l’existence d’autres migrations, pour expliquer le peuplement de l’Amérique au Pléistocène. Dès les années 1930, des archéologues ont rapproché des artefacts paléoindiens de l’industrie lithique de la culture solutréenne, qui se développa en France, en Espagne et au Portugal, entre 22 000 et 17 000 BP. Depuis les années 1990, la « connexion solutréenne » est défendue, en particulier, par Dennis Stanford et Bruce Bradley ; ceux-ci lui ont récemment consacré un livre : Across Atlantic Ice : The Origin of America’s Clovis Culture1. En se basant essentiellement sur des caractéristiques technologiques des pointes, des bifaces, des grandes lames et des grattoirs, Stanford et Bradley établissent une relation historique entre les traditions Clovis et pré-Clovis d’un côté, et la culture solutréenne, de l’autre. D’après eux, des navigateurs solutréens se seraient rendus en Amérique, en longeant la banquise qui fermait l’Atlantique au nord, lors de la dernière glaciation.
Ces considération ont été durement critiquées, non sans raison2. En dehors de la question de la faisabilité d’un voyage transatlantique en plein Âge de Glace, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, on ne connaît pas, à l’heure actuelle, de vestiges solutréens dans les îles britanniques, qui auraient été des étapes obligées sur la route du Nouveau Monde. Ensuite, on n’a pas encore rigoureusement démontré l’existence d’occupations contemporaines de la culture solutréenne en Amérique. Ajoutons à cela que les supposées analogies relevées entre certaines industries paléoindiennes et la production lithique solutréenne sont loin d’être concluantes ; de surcroît, des aspects importants de l’entité paléolithique européenne, tels que sa fameuse pointe en « feuille de laurier » et ses formes d’expression artistiques, ne se retrouvent pas en Amérique. Enfin, malgré les spéculations autour du type prétendument « caucasoïde » du crâne de l’Homme de Kennewick et de l’identification, dans le bagage génétique amérindien, de l’haplogroupe X, également présent en Europe, on ne dispose pas, actuellement, de preuves biologiques d’une immigration européenne dans l’Amérique du Pléistocène. Et David Meltzer3 de remarquer, ironiquement : « If Solutrean boats made landfall in America, they must have suffered instant and almost total cultural amnesia – and, for that matter, genetic, dental, linguistic, and skeletal amnesia as well. Perhaps it was the stress of the voyage ? »
Fig. 1 : Pointe solutréenne en forme de feuille de laurier. Dessin : José-Manuel Benito Alvarez.
Mais une hypothèse plus discutable encore a été formulée par Niède Guidon, qui n’hésite pas à évoquer la venue d’Africains en Amérique du Sud à la fin du Pléistocène Moyen… Dans une interview réalisée par Yuri Leveratto, et publiée sur Internet en 20124, Guidon déclarait, à propos des premiers habitants de la zone de la Serra de Capivara (Etat du Piaui, Brésil) : « They were archaic Homo Sapiens, and came directly from Africa. The theory of human colonization across Beringia, about 14 000 years ago, is not to be discarded but is complementary to other theories. It is unthinkable that the American continent, extending thousands of kilometers from north to south, had been colonized only through the north. In my opinion Homo Sapiens came out of Africa 130 thousand years ago. As is known, the Asian continent was already colonized by Homo Erectus, but Homo Sapiens supplanted them and colonized the entire planet. Some of them made their way to Asia and Europe, while others, probably fishermen, were carried off by the currents and arrived in South America, driven by winds ».
Dans la même interview, Guidon précisait qu’elle fondait cette hypothèse sur la découverte, dans la Serra da Capivara, de crânes « de type australoïde-négroïde », qu’elle attribue à des « Homo Sapiens archaïques »… Cette archéologue est devenue célèbre en soutenant l’existence d’une occupation humaine de 50 000 ans d’âge sur le site de Pedra Furada, localisé dans le parc national de la Serra da Capivara ; mais le caractère anthropique des « artefacts » et « foyers » des niveaux inférieurs de Pedra Furada est contesté par un grand nombre de chercheurs5.