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Le dépôt d'armes votives
Certes, le dépôt d'armes votives représente le fait le plus remarquable du sanctuaire du Flavier ; il n'en concerne pourtant que la première période, soit entre 40/20 av. J.-C. et le milieu ou la seconde moitié du Ie siècle. C'est en Gaule une période de transition et de profondes mutations, qui voit la culture gauloise se romaniser peu à peu et former un amalgame culturel original, la civilisation gallo-romaine ; de nouveaux usages apparaissent alors que des traditions indigènes ont encore cours1. Ce processus est rapide et touche tous les domaines de la vie quotidienne, religieuse et administrative.
Les Celtes avaient coutume d'offrir à leurs dieux les armes de combattants valeureux ou d'ennemis vaincus ; elles étaient souvent déformées lors de ce rituel. Cette tradition disparut après la conquête romaine ou, devrait-on dire, fut remplacée par des dépôts d'armes en réduction, comme on l'observe au sanctuaire du Flavier2 où cela s'est poursuivi jusqu'au milieu du Ie s. ap. J.-C. Certains de ces objets sont des armes véritables : fragments de boucliers, de cottes de mailles ou de cuirasses, lance, mors de chevaux et éléments de harnachement, ainsi qu'un trait de catapulte, ce qui est plutôt rare. Les armes miniatures sont toutefois la caractéristique majeure de ce sanctuaire3 : près d'un millier y ont été retrouvées, épées, boucliers, lances, haches, couteaux... Elles sont accompagnées de monnaies et de céramiques. Les principales aires de dépôts sont situés aux angles et à l'avant de la façade du temple oriental, mais il en existe aussi près des autres édifices cultuels.
Les épées, avec 476 exemplaires, sont les plus nombreuses4 et toutes sont des miniatures. Réalisées par découpe au ciseau d'une feuille de métal et par martelage, ce sont des objets plats, qui ne présentent que fort peu de détails et aucun décor. Elles sont cependant d'une grande diversité : pommeau à profil continu ou angulaire, lame rectangulaire ou arrondie... Olivier Caumont a pu ainsi en établir une typologie complexe selon leurs particularités. Le modèle à pommeau rond est le plus fréquent. Malgré le schématisme de ces réductions, on distingue parfois les différents genres d'épées qu'utilisaient les Romains à cette époque : glaive (gladius), épée longue (spatha) ou poignard (pugio). Ce sont toutes des armes romaines et il est révélateur qu'aucune des « épées » du Flavier n'évoque la longue épée celtique.
Viennent ensuite les boucliers, dont on compte au moins 419 exemplaires miniatures5. Ces objets ont été forgés pour la plupart ou, pour les formes ovales ou arrondies, fabriqués par martelage ; les contours sont parfois précisés par découpage au ciseau ou par pliage. Tous ont un umbo bien marqué6 mais rarement un manipule (manipulus) au revers. Les formes de ces réductions rappellent celles des boucliers réels de la fin du Ie s. avant J.-C. et du Ie s. après : en ovale, en losange, rectangulaire, octogonale, et surtout hexagonale7.
Avec 83 exemplaires, les armes de jet constituent un troisième ensemble important, qui se caractérise par une grande diversité. Il comprend en effet des armes réelles et des miniatures en nombre équivalent, contrairement aux autres groupes où les réductions sont largement majoritaires. On y trouve des lances, des javelots et des pointes de flèches, armes qui font aussi bien partie de l'arsenal gaulois que romain, mais aussi un véritable trait de catapulte, qui est spécifiquement romain et représente en outre la seule arme d'artillerie qu'on ait retrouvée au Flavier. Les armatures de flèches sont forgées, les pointes de lances façonnées par martelage et découpage d'une feuille de métal.
Les autres armes sont plus rares : réductions de fers de hache et de couteaux... Les fouilles ont aussi livré des éléments de deux types de véritables cuirasses : la cotte de maille (loricae hamatae) et la cuirasse en plaques articulées (loricae segmentatae), qui est une élément essentiel de l'équipement militaire romain.
Toutes ces armes sont en réalité des objets de peu de valeur. A l'exception d'un bouclier en bronze, les armes en réduction sont en fer extrait de la pyrite locale ; il sont réalisés de façon simple et rapide, sans grand souci du détail. La miniaturisation en fait des objets votifs, simple offrande pour s'attacher la bienveillance de la divinité ou véritable ex voto en acquittement d'un vœu8.
- 1. Celles-ci ne disparaîtront jamais entièrement et on les verra ressurgir lorsque la civilisation gallo-romaine périclitera.
- 2. Seuls les sites de Baalons et d'Acy-Romance, tous deux dans les Ardennes, peuvent lui être comparés.
- 3. Le musée de Charleville-Mézières en présente un certain nombre.
- 4. Soit près de 45 % de l'ensemble des dépôts d'armes, et près de 84 % des seules armes offensives.
- 5. Les fouilles ont aussi mis au jour 9 fragments de véritables boucliers.
- 6. L'umbo est la bosse centrale du bouclier.
- 7. Aucun de ces boucliers n'est de forme ronde, sans doute parce que celle-ci n'était pas en usage à cette époque.
- 8. Olivier Caumont rappelle en effet que le droit religieux romain considère le vœu (votum) comme un acte officiel et le soumet à des règles précises : la promesse de vœu (voti nuncupatio) doit d'abord être formulée, voire enregistrée. Plus tard, le vœu est acquitté (solutio) par un sacrifice ou une libation ; cela s'accompagne parfois d'une offrande, et c'est alors que l'objet devient ex voto. Cf. Olivier CAUMONT, op. it. p. 415-416.