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Protohistoire

Il est intéressant de considérer la période protohistorique dans son ensemble. En effet, bien que les données soient rares pour le Bronze Ancien et Moyen, on assiste, à partir du Bronze Final, à une évolution quasi continue1.

Une région agricole

Les fouilles et les travaux récents révèlent un monde rural dont les vestiges ténus avaient jusqu'ici échappé aux chercheurs. L'agriculture et l'élevage, en effet, représentent l'essentiel de l'économie2. Cet environnement, qui s'est développé depuis le Néolithique, ne se modifie que lentement avec l'arrivée des métaux3. Faucille à bouton. Bronze Moyen. Toul Grand-Paquis. A l'Âge du Bronze et au Premier Âge du Fer, l'habitat rural semble constitué de petits ensembles : d'ordinaire, un bâtiment sert d'habitation4 ; à proximité se trouvent le grenier et des constructions plus modestes dans lesquelles on peut voir des granges, des étables etc. A cela s'ajoutent parfois un foyer et des fosses qui servent de dépotoir, voire un puits. A Gondreville Le Clos de la Bergerie, des palissades délimitent peut-être des zones de pacage.

Les bâtiments sont construits en bois et en terre sur une armature de poteaux. Au Bronze Final, le plan est rectangulaire à une nef. La couverture est à deux pans5. Au Hallstatt apparaît un plan à deux nefs, avec rangée de poteaux dans le grand axe pour supporter le faîtage. Par ailleurs, durant toute la Protohistoire, on rencontre un plan carré à quatre poteaux disposés aux angles. Au Second Âge du Fer, c'est souvent le plan du bâtiment principal ; deux poteaux plus fins, comme à Gondreville, matérialisent parfois la présence d'un porche ou d'un auvent. Ces petites exploitations vivent de diverses ressources : des champs pour les cultures, des prairies pour le pâturage, mais aussi des forêts. La particularité de cette occupation humaine est qu'elle se déplace, tous les 30 à 50 ans, sans doute lorsque les terres sont épuisées ou qu'on les laisse en jachère. On défriche beaucoup, bien que la forêt garde une grande importance car le bois qu'on en tire sert à de multiples usages. La constitution de nouveaux essarts est vraisemblablement rendue nécessaire par l'assolement des terres ou leur abandon. Ce n'est qu'à partir du milieu du Second Âge du Fer que les exploitations rurales se stabilisent et qu'apparaît un parcellaire. Les champs sont alors limités par des levées d'herbes ou par des murets d'épierrement. On cultive avant tout des céréales, orge, blé, seigle et avoine, mais aussi des légumes et des fruits. Le pays leuque était réputé pour ses récoltes6 C'était une campagne prospère, où fermes et hameaux se dispersaient selon une densité assez forte. Les cultures y étaient variées, complétées par un élevage important. Moutons et chèvres étaient les principaux animaux domestiques, suivis par le porc, le bœuf et le cheval. Ces derniers comptaient d'autant plus qu'ils servaient d'animaux de traits. La pêche fournissait un appoint appréciable, mais plus la chasse. Nous savons que l'araire est utilisé dès l'Âge du Bronze. Les paysans de La Tène disposent d'un outillage adapté aux différents travaux : charrues, serpes, pioches, faucilles, forces… 7. La pierre ne cesse pas pour autant d'être employée, notamment pour les meules. A la fin de Hallstatt et au début de La Tène, le domaine agricole est si vaste qu'on peut penser qu'il produit des céréales en excédent. On observe un changement dans le mode de conservation des réserves. A partir du Bronze Final, on les stocke dans des silos creusés dans le sol ; les parois en sont durcies au feu ou garnies de clayonnage. Plus tard, des greniers, perchés sur quatre ou six poteaux, remplaceront ces fosses.Ces exploitations devaient subvenir à leurs propres besoins. Aussi les nécessités de la vie campagnarde y ajoutent-elles des activités que l'on pratique au sein même de l'habitat : filage, tissage, vannerie, travail du cuir et de l'os, poterie‮...

  • 1. Cadre chronologique de la Protohistoire :
    Bronze Ancien : 1800 – 1500 av. J.-C.
    Bronze Moyen : 1500 – 1250
    Bronze Final : 1250 – 850
    Hallstatt Ancien : 850 – 650
    Hallstatt Moyen : 650 – 550
    Hallstatt Final : 550 – 450
    La Tène Ancienne : 450 – 300
    La Tène Moyenne : 300 – 110
    La Tène Finale : 110 - 50.
  • 2. Ils devaient le rester longtemps encore. On se souviendra du mot de Sully qui, au XVIe siècle, disait que le labourage et le pastourage étaient les mamelles dont la France est alimentée. En réalité, l'Europe de l'Ouest ne perdit son aspect rural qu'après le Première Guerre Mondiale. Les outils dont se servaient les paysans n'avaient guère changé depuis l'Antiquité.
  • 3. Il a certainement fallu de longs tâtonnements avant de trouver la proportion d'étain qu'il est nécessaire d'ajouter au cuivre pour obtenir un bronze de bonne qualité.
  • 4. A la fin de La Tène, l'habitation seule fait souvent plus de 25 m².
  • 5. La correspondance des poteaux, d'un long côté à l'autre, permet de déduire qu'ils supportaient les entraits d'une ferme.
  • 6. César, lors des préparatifs de la guerre qu'il veut mener en Gaule, est assuré que le blé va être fourni par les Séquanes, les Leuques et les Lingons.
  • 7. On remarquera que le vallus, sorte de moissonneuse gauloise, n'est attesté que dans le nord-est de la Gaule, en particulier chez les Rèmes, qui sont des voisins des Leuques. Cf Anthony RICH, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, s. v. Vallus, 3 : Grande fourche de bois en forme de V, munie de dents, et placée en avant d'un chariot, que les Gaulois employaient à moissonner. Un seul bœuf, attelé à un double brancard, poussait devant lui l'appareil à travers le champ de blé, et, à mesure qu'il avançait, les épis étaient pris entre les branches de la fourche, arrachés à leur tige, et précipités dans le chariot.