La classe dirigeante

Cette société vit vraisemblablement sous la domination d'une classe dirigeante qui doit peut-être son émergence à l'apparition du métal. Dès la fin du Bronze Moyen, dans les nécropoles, certains tumulus semblent réservés à des personnages importants. Cette classe dominante n'est pas forcément guerrière, au début du moins, car, jusqu'au Hallstatt ancien, les armes accompagnent encore rarement le défunt. A partir du Hallstatt moyen, la multiplication des sépultures dans les tertres traduit sans doute un sens du clan plus fort. Saxon-Sion apparaît comme un centre de la noblesse, avec dans ses environs, des nécropoles à tombes à char sous tumulus (Marainville-sur-Madon, Diarville). Le défunt y est accompagné d'offrandes qui disent son rang et sa richesse (char, vaisselle en bronze, objets en matériaux précieux comme l'or, l'ivoire ou l'ambre, importations méditerranéennes). La puissance de quelques grandes familles se traduit dans les tumulus jusqu'au début de La Tène. A cette époque, la tombe plate prend le dessus, ce qui suppose un changement dans l'organisation sociale.

Sans qu'on sache déterminer exactement quand cela se produisit, la guerre devint une activité essentielle de cette aristocratie. L'équipement du guerrier est à peu près constitué à la fin de l'Âge du Bronze. Le poignard et la lance apparaissent au Bronze Moyen, comme l'épée, de plus en plus fréquente à partir du Bronze Final. A cette époque, les combattants se protègent déjà d'un casque. L'arc, utilisé bien avant l'apparition du métal, se maintient pendant toute la Protohistoire, si bien qu'à La Tène, les archers leuques jouissent d'un certaine renommée dans l'armée romaine. La fronde est attestée à partir du Hallstatt Moyen. Différents javelots se répandent à La Tène, une arme que l'on retrouve souvent dans les tombes et les habitats de cette époque. A La Tène Finale, l'aristocratie celtique exerce le pouvoir à travers une assemblée de type oligarchique. La guerre avec Rome n'affectera guère l'influence des familles nobles. A cette classe dirigeante sont associés des sites de hauteur fortifiés. Le sud de la Lorraine a révélé un grand nombre de ces oppida. Les mieux connus sont Saxon-Sion et Messein Cité d'Affrique. Par ailleurs, certains promontoires naturels ont pu servir de position stratégique, comme Toul ou St-Mihiel. A la fin de La Tène, on connaît une vingtaine de sites fortifiés : Boviolles1, Étival-Clairfontaine Pierre d'Appel, St-Dié La Bure2, Essey-lès-Nancy, Moncel-sur-Vair, Sion... Le musée de Toul expose un certain nombre d'objets provenant de Messein Cité d'Affrique. Le site, fortifié à la fin Hallstatt et au début de La Tène, contrôle la vallée de la Moselle et son confluent avec le Madon. Il faut sans doute le replacer dans un dispositif plus important : associé au site de Champigneulles La Fourasse, en effet, il permet le contrôle de la boucle de la Moselle, ainsi que ses confluents avec le Madon et la Meurthe. L'impressionnant rempart de Messein Cité d'Affrique, long de 600 m environ et large de 60 m, enferme une surface de 14 ha. A l'est, deux entrées encadrent une terrasse aménagée à un niveau inférieur (cf. croquis ci-dessus). Du côté sud, le site est protégé par une falaise qui tombe une vingtaine de mètres plus bas. Mais au nord et à l'ouest, il est défendu par une double fortification : elle comprend deux remparts hauts de 5 à 6 m précédés de deux fossés d'une profondeur semblable3. Si la structure interne des deux levées est différente4, toutes deux sont recouvertes de moellons et de terre5 et consolidées par un poutrage intérieur. Ce rempart semble avoir été construit en une seule fois, au Hallstatt D2 ou D3. A l'intérieur de cette enceinte, le rempart abritait un habitat en clayonnage et des activités artisanales. Comme ailleurs6, on voit émerger une activité métallurgique sous la forme d'un artisanat de bronze et du fer. L'atelier de bronzier de Cité d'Affrrique semble avoir surtout fabriqué de petits objets et de la parure de bronze (bracelets, fibules, dont celle du type « à palette », dit aussi « de Messein »). L'enceinte inférieure, Le Vieux Marché, est une terrasse d'environ 1,5 ha, à l'est, qui est prise sur la pente. Elle est protégée par un rempart rectangulaire (70 x 200 m). Constitué de terre et de pierres, il est couronné d'un mur en pierres sèches et précédé d'un fossé.

Messein était sans doute un pôle économique important qui vivait de l'exploitation du minerai de fer, du sel, de la rhyoliyte, de la fabrication et de la diffusion de produits manufacturés… La vallée de l'Ingressin assurait des débouchés vers la Meuse et la région champenoise.

• 1. En Meuse.
• 2. Dans les Vosges.
• 3. Au nord, la partie conservée atteint encore 10 m de haut.
• 4. Celle de l'extérieur est faite des déblais du fossé, celle de l'intérieur d'un remblai de terre recouvert d'une couche de 2 à 3 m de calcaire calciné.
• 5. On trouve la même chose à Champigneulles La Fourasse, mais aussi ailleurs, à Essey-lès-Nancy par exemple.
• 6. A Gondreville par exemple.