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Annexe I. Hamant. Notice sur le Livre de famille des Coëtlosquet

Notice sur le Livre de Famille des Coëtlosquet
Mgr Nicolas Hamant. 1928

La petite notice que je vais lire est due aux notes de M. le chanoine Thorelle et à mes souvenirs personnels. Le livre de famille dont il est question s'est trouvé plusieurs fois dans nos mains, l'auteur aimant à nous consulter sur les documents qui devaient en faire partie. Le livre de famille des Coëtlosquet-Durand a été composé par Madame Marie du Coëtlosquet, religieuse du Sacré-Cœur, née à Metz, le 29 avril 1834, et morte au couvent du Sacré-Cœur à Montigny, le 20 février 1915, non sans avoir appris la douloureuse nouvelle de la mort glorieuse d'un de ses neveux, Jean-Raoul-Marie, vicomte de Lavalette du Coëtlosquet, tombé sur le champ de bataille de Réméréville (à l'est de Nancy), le 25 août 19141. La religieuse était la fille de Léon, comte du Coëtlosquet, ancien capitaine de cavalerie et de Bathilde Durand de Villers. Le précieux monument qu'elle éleva à la mémoire de sa famille fut donné par elle à son frère Gaston, inspecteur des eaux et forêts à Nancy. A la mort de Gaston, il passa entre les mains de l'aîné de ses neveux, fils d'Octave Chicoyneau de Lavalette, général de division, qui avait épousé, en 1866, Thérèse du Coëtlosquet, sœur de Gaston et de la religieuse. Gros in-folio de plus de 500 pages, richement relié, ce livre de famille a coûté plus de vingt ans de travail. La religieuse y a été aidée par quelques collaborateurs de marque, parmi lesquels M. Dorvaux et par un dessinateur calligraphe de Metz, M. D'ham. Le frontispice de la couverture porte les armes des Coëtlosquet ; à la fin du livre, on voit les armes des Durand.

Les premières pages sont consacrées au grand pape Léon XIII et présentent son portrait et ses armoiries, le livre 1887, l’année du jubilé de ce pape, qui a bien voulu en bénir le travail. Le livre est intitulé : Annales de famille des Coëtlosquet-Durand, Metz, 1887. Le titre est suivi de la maxime tirée de l'Ecriture sainte : Trois choses me plaisent par-dessus tout : elles sont également agréables à Dieu et aux hommes, l'harmonie entre les frères, l'affection mutuelle des proches, un ménage où règne l'union. Cette maxime est suivie d'une prière pour les auteurs et les lecteurs du livre, qui ne sont, ces derniers, que les membres de la famille. Pour en justifier la composition et en donner, en résumé, une idée générale, la religieuse dit dans son Introduction2 qu'il y a un écueil à éviter, se trop grandir et elle s'est restreinte à une simple généalogie, à l'exception toutefois de certains personnages qui se sont distingués d'une façon toute particulière.  

La famille des Coëtlosquet est originaire de Bretagne, pays de Léon. A quelques lieues au sud de Morlaix, se trouve la terre du même nom. Au bourg de Plounéour-Menez est l'église paroissiale, dont le patron est saint Yves. A quatre kilomètres du bourg sont les ruines de l'abbaye du Relecq, séparée du château par un bois. L'église de l'abbaye est en partie conservée. On ne sait rien des relations très probables qui existèrent autrefois entre le château et l'abbaye. Toutefois, en 1563, on voit figurer, parmi les moines de l'abbaye Hervé du Coëtlosquet, qui, après avoir perdu sa femme (Gilette du Bois) et établi ses enfants, était entré dans l'ordre de Citeaux. (Voyez Blancs-Manteaux, t. 35, fol. 307 et s.) Le château avait manoir, chapelle, oratoire, colombier, étang, moulin, bois, fiefs, etc. Les vitraux de l'église paroissiale montraient jadis les écussons des seigneurs du Coëtlosquet ; ils y avaient leur banc, leurs tombes plates ou élevées, ainsi que le dit l'aveu de 1633. Le château, qui a été vendu, avant la Révolution, par la branche aînée à des parents alliés, les Tromelin, fut reconstruit vers le commencement du siècle dernier et passa aux Ferré de Peyroux par alliance. La contenance du château et de ses dépendances est de 360 hectares, consistant surtout en bois. Une vue superbe du château avec terrasse se trouve à la page 66 du livre de famille. On voit dans le lointain un énorme rocher aux formes fantastiques ou bizarres. Le document le plus ancien que possède la famille est une charte du XIIIe siècle (Avril 1243. La vraie date est avril 1249). Un Bertrand du Coëtlosquet traite avec un certain Hervé, maître de navires, pour être transporté, avec ses hommes d'armes de Chypre à Damiette (avril 1243). Le cachet de cire a disparu, le texte de cette charte est en latin ; ce document a été reconnu authentique par Jules Quicherat.

Les Bretons, dit Joinville, se distinguèrent à la bataille de Mansourah (1250), mais l'armée des Croisés subit un grave échec, saint Louis fut fait prisonnier, beaucoup de chevaliers furent massacrés, très peu revinrent dans leur patrie. On ignore quel fut le sort de Bertrand du Coëtlosquet à la suite de ces combats. On peut voir à Versailles, apposé dans la quatrième salle des Croisades, son fier écu. La devise de la famille « Franc et loyal » est bien postérieure à l'époque des croisades, et ne doit pas figurer dans la salle du palais de Versailles. Un descendant de Bertrand, du nom d'Olivier, ne paraît qu'un siècle après. Il est dit de lui qu'il suivit un Rohan, prince de Léon, dans la guerre des Flandres. Puis, le livre de famille signale une nouvelle interruption jusqu'à Jean du Coëtlosquet. Dès 1426 et depuis lors, on a la filiation. Je ne vous lirai pas les petites notices de chacun des Coëtlosquet qui ont vécu de 1426 à 1669. D'après les chroniques, les uns ont été des hommes d'armes des ducs de Bretagne, d'autres ont été de nobles et puissants messires, tous, de bonne et ancienne noblesse.

J'arrive à Guillaume du Coëtlosquet. Marié en 1638, il eut trois fils, qui devinrent les chefs de trois branches, celle des Coëtlosquet, celle des Kérannot et celle des Isles. Le chef de la branche aînée, Jean-Baptiste-François, prend le premier le titre de comte, à l'occasion des honneurs de la cour et du carrosse3. C'était l'usage ; le fils est vicomte, le cousin baron. Yves, de la branche des Kérannot, est dit marquis, et son fils Magloire hérite de ce titre, qui ne fut pas relevé, à sa mort, par les cousins. En 1836, la branche aînée finie, le baron Charles du Coëtlosquet prit le titre de comte et le transmit, en 1852, à son frère Léon. Je m'en voudrais de ne pas vous signaler le dernier descendant de la branche aînée des Coëtlosquet, Charles-Yves-César-Cyr. Il est sous-lieutenant en 1806 et aide de camp du général Lasalle, qui est allié à sa famille ; chef d'escadron en 1808, il est colonel en 1812. A Ostrowo, Napoléon le présente à son régiment, en disant : « Je vous donne un jeune colonel. Si j'en avais connu un plus brave, je vous l'aurais donné. » Nommé général en 1813, il pouvait dire qu'il avait conquis tous ses grades sur les champs de bataille : sur le Mincio, à Pultusk, à Essling, à la Moskova, à Leipzig. Il se trouvait à Brienne et à Montereau, où sa charge contre les Wurtembergeois remporta le succès. Nommé par Louis XVIII maréchal de camp au commandement de la Nièvre, il essaya de résister à Napoléon à son retour de l'île d'Elbe et soutint les royalistes à Paris. Après les Cent-Jours, il devint aide-major de la garde, lieutenant-général et directeur au ministère de la Guerre (1821) ; conseiller d'Etat et ministre de la Guerre intérimaire en 1823, il démissionna en 1830, à 47 ans, et mourut à Paris en 1836. Son oraison funèbre fut prononcée par le duc de Clermont-Tonnerre, qui était devenu ministre de la guerre sous Charles X et Louis Veuillot en parla avec de grands éloges. Au siècle dernier, cette branche aînée était surnommée la belle. Parmi les descendants de la deuxième branche, dite de Kérannot, je relèverai le nom de François-Jean-Marie-Magloire, marquis du Coëtlosquet, qui fut fusillé avec son frère Fortuné, le 2 août 1795, à Vannes, en dépit de la capitulation verbale de la presqu'île de Quiberon. Trois de ses cousins germains y trouvèrent également la mort. Cette branche s'appelait la riche, riche par ses alliances et par les biens apportés par elles.

La troisième branche, dite des Seigneurs des Isles, la seule qui subsiste encore et qui est dénommée la sainte, a produit Jean-Gilles du Coëtlosquet, né en 1 700, qui devint évêque de Limoges en 1739, précepteur des enfants de France (1758-1771), membre de l'Académie française en 1761, et qui mourut retiré à Paris, à l'abbaye de Saint-Victor, en 1784. Le livre de famille dit de lui qu'il était modeste, apostolique et méritant. Son portrait figure à l'une des pages du livre. L'ancêtre des Coëtlosquet que nous avons connus, Jean-Baptiste-Gilles, baron du Coëtlosquet, né à Morlaix, devint colonel du régiment de Bretagne et maréchal de camp en 1791. Il se fixa à Metz où, le 31 décembre 1781, il épousa Charlotte-Eugénie de Lasalle, dame de Distroff et autres lieux. Il émigra en 1792. Le baron du Coëtlosquet commandait la campagnie de Bretagne dans l'armée du duc de Bourbon. Ses biens furent vendus, entre autres sa maison à Metz, place des Maréchaux, ses moulins à Distroff, ses bois à Kuntzig et à Stuckange, la maison de sa femme à Illange, ses terres et ses prés à Chanville et à Ancerville. Il rentra en France en décembre 1800 et mourut à Metz en 1813. Il acheta le château de Villers-aux-Bois, retrouva quelques biens de sa femme (le bois de Distroff entre autres). Sa fortune fut réduite au sixième. Le livre de famille raconte qu'il avait failli épouser Joséphine de Beauharnais.

Parmi ses enfants, je citerai :
1. Charles, né à Aschaffenbourg et mort à Jérusalem en 1852, un de nos anciens confrères ;

2. Léon, comte du Coëtlosquet, ancien capitaine de cavalerie, mort en 1888. Il épousa, en 1833, Bathilde Durand de Villers. De leur mariage sont nés :
a) Marie, entrée au Sacré-Cœur, auteur du livre de famille ;
b) Pauline, entrée au Carmel de Metz, morte Prieure du Carmel en 1885 ;
c) Raoul, mort à Metz en 1860 ;
d) Thérèse, mariée en 1866 à Octave Chicoyneau, baron de Lavalette, général de division ;
e) Gaston, inspecteur des eaux et forêts à Nancy, qui épousa Sophie de Richard d'Aboncourt ;

3. Maurice-Jean-Baptiste, vicomte du Coëtlosquet, qui épousa en premières noces Caroline de Wendel, dont il eut Joseph-Charles-Maurice, et en secondes noces Marie de Maillier, dont il eut :
a) Jeanne, morte à Nancy en 1915 ;
b) Charles, de la Société de Jésus, en résidence à Madagascar ;
c) Edouard, Bénédictin, abbé de Saint-Maur, résidant à Rome ;
d) Georgette, entrée aux Petites Sœurs des Pauvres ;
e) Jean, Bénédictin, Prieur à Clervaux, mort en 1925 ;
f) Marie, qui a donné l'hôtel des Coëtlosquet de la rue du Grand-Cerf, pour en faire un foyer pour les soldats.

Ce n'est pas sans raison qu'Edouard du Coëtlosquet, devenu abbé de Saint-Maur, a pu s'inspirer, en parlant des siens, de la parole célèbre de Montalembert : « Nous sommes les fils des Croisés, nous ne reculerons pas devant les fils de Voltaire ».

N. B. — Le père de Dom Edouard du Coëtlosquet et son frère Maurice étaient tous deux commandeurs de l'Ordre du Saint-Sépulcre ; le cousin germain de Dom Edouard, le comte Gaston du Coëtlosquet, était commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Maurice du Coëtlosquet, frère de Dom Edouard, épousa, en 1874, Mlle Marie-Renée de Guerre (orthographe rectifiée au début de ce siècle), dont il eut une fille, Caroline du Coëtlosquet, née en 1875, morte en 1911, fondatrice avec sa mère de l'abbaye Saint-Maurice de Clervaux. C'est aussi Melle Caroline du Coëtlosquet qui a fait construire la chapelle du grand séminaire de Metz.



  • 1. Il avait été adopté, avec ses deux frères survivants, en 1912, par le comte Gaston du Coëtlosquet, leur oncle maternel, décédé sans enfants en 1916.
  • 2. Cette introduction a été écrite par Dom Edouard du Coëtlosquet, résidant alors à Tabbaye de Saint-Dominique de Silor, près Burgos, en Espagne.
  • 3. On parlait des honneurs de la Cour, sans ajouter « du carrosse ». L'expression usitée alors était celle-ci : « Monter dans les carrosses du Roi ».