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L'époque moderne jusqu'à la Révolution - suite (2)

Le 27 octobre 1677 toutefois, un litige intervient entre l'abbaye de Saint Clément et le curé de Saint-Privat François Marin. On refuse de le payer car on lui reproche d'avoir déserté la cure. Le curé, quant à lui, dit avoir déserté la cure parce qu'il n'a pas été payé ! Le Grand Conseil annule sa nomination et le remplace par un simple vicaire.

Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut. Savoir faisons comme par arrêts ce jour d'hui donné en notre grand Conseil entre M. François Marin pourvu de la cure de Saint Privé, Diocèse de Metz, demandeur en requête par lui présenté au Lieutenant Général de Metz, le vingt neuvième juillet mil six cent soixante et seize et exploit fait en conséquence le huitième août en suivant, contrôlé à Metz les dits jours et ans aux fins que les défenseurs ci-après soient condamnés à lui payer la portion congrue suivant les arrêts et règlements et évoqué à notre Conseil d'une part et les Religieux, Prieur et Couvent de l'abbaye de Saint Clément, ordre de saint Benoît et Congrégation de Sainte Vanne (?) défenseurs et évoquant à notre Conseil suivant l'exploit du huitième août mille six cent soixante et seize, contrôlé à Metz, le douzième du dit mois d'autre part et entre les dits religieux Prieur et Couvent de Saint Clément de Metz, appellant comme d'abus de l'ordonnacnce du Sieur Évêque de Metz du vingt troisième avril mille six cent soixante et seize provision par lui accordée en conséquence au dit Marin, curé de Saint Privé le dix huitième mai, au dit et comme vacante par désertion et de tout ce qui s'en est suivi et requérant suivant le requête par eux présentée à notre Conseil le vingt septième octobre de la même année qu'il soit dit avoir été mal nullement et abusivement ordonné, présenté et exécuté.1

Si bien qu'en définitive, la cure de Saint-Privat n'était pas rétablie, contrairement aux vœux de l'évêque. L'église vaquait par désertion2. Les habitants durent se contenter de pis-aller. En décembre 1679, Jacques Baillé accepte la fonction de maître d'école à Montigny et à Saint-Privat3, à charge pour lui de sonner l'angélus à Saint-Privat et de tenir l'église. Le poste affirmait cependant la prééminence de Montigny puisque l'instituteur était aussi commis à assurer la prière quotidienne en l'église des religieuses et à y conduire les enfants.

La paroisse de Saint-Privat n'est pourtant pas entièrement délaissée. Le Grand Conseil y nomme un vicaire en 1685. Les Pères de Saint Clément, en 1714, offrent du linge d'église à son échevin : Nous soussignés Échevin de l'église paroissiale de St Privat, reconnaissons avoir reçu des Rds Pères de St Clément quatre chasubles, scavoir une verte, une rouge, une violette et une blanche, aussi étoles, manipules, bources et (...) et deux corporeaux, le tout à l'usage de laditte église (...) le 22e juillet 1714. Pierre Regnault.

Nous conservons la trace de l'élection d'un nouvel échevin en 1734, sous l'égide de l'évêque de Metz : Ce jourd'hui vingt sixième avril mille sept cent trente quatre soussigné religieux de l'Abbaye de St Clément de Metz me faire transporter au village de St Privat où étant en personne après la grande Messe paroissiale célébrée par le Révérend Père Bonaventure Fromois Carme, vicaire dudit lieu, j'ay procédé conformément aux droits des vénérables Religieux prieur et couvent de l'Abbaye de St Clément de Metz curés primitifs de la paroisse à l'élection d'un nouvel Échevin et après avoir reçu toutes les voix de chaque paroissien en particulier, tant de ceux de Montigny La Horgne que de ceux dudit St Privat sur le coin du Grand Autel mes deux voix comprises et celle du Père Bonaventure Fromois la dite pluralité a été pour Vincent Bouqué de la Grange aux Agneaux à Montigny que j'ay nommé hautement et qui a prêté serment recoutumé en foy de quoy j'ay signé le présent acte avec led. Père Bonaventure Fromois vicaire et deux Éschevins les jours et an susdit.

Mgr de Saint-Simon rétablit même la paroisse le 9 février 1756. Démembrée de la cure de Magny, elle fit partie de l'archiprêtré de Noisseville, sans cesser de dépendre de l'abbaye de Saint Clément ; elle avait pour annexes Blory, Frescatelly, Frescaty, Fristot, La Grange-Le-Mercier, Montigny, le Sablon, Saint-Ladre et Tournebride. L'évêque précise que son desservant jouit des droits, privilèges et revenus d'un curé. F. Reitel et L. Arz citent les points importants du mandement de Mgr de Saint-Simon4 :
... vue la requête à nous présentée par les maires, sindic, habitants et communauté de Montigny, Saint-Privat, La Haute Saint-Ladre, La Horgne, La Grange Le Mercier et Blory de notre diocèse... nous avons démembré et démembrons par ces présentes l'église de Saint-Privat avec tout ce qui dépend et y répond, de l'église paroissiale de Magny, et avons érigé et érigeons la dite église de Saint-Privat en église paroissiale et cure et ordonnons qu'elle sera desservie dorénavant et à perpétuité par un curé en titre, lequel jouira de tous les droits, privilèges, prérogatives, fruits, revenus et émoluments qui doivent lui appartenir en sa qualité de curé...

Saint-Privat devait rester paroisse jusqu'à la Révolution. On y comptait 562 personnes en 1768. Un compte-rendu de la visite qu'y fit l'évêque en 1766 nous renseigne sur l'état de l'église à cette date et des travaux qu'il convient d'y faire : on y trouve 23 bancs de 7 places chacun, il faut déplacer les fonts baptismaux, la toiture a besoin de réparation. On double aussi le cimetière, qui passe de 15,34 ares à 30,68 ares.

Compte-rendu de la visite de l'église de Saint-Privat par Mgr l'Évêque de Metz. Archives de l'évêché de Metz
A Monseigneur
Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime Évêque de Metz
Suppliant très humblement les paroissiens de Saint-Privat, Montigny-lès-Metz, disant qu'ayant plu à son Excellence, l'année dernière, ordonnée une visite de leur église, Monsieur l'Archiprêtre après avoir fait toiser la dite église, avait reconnu qu'elle ne pouvait contenir que le tiers des paroissiens, de ce procès-verbal dressé et signé par les Suppliants, ils espéraient une translation ou au moins une augmentation suffisante qui leur procurerait le moyen de remplir leurs devoirs de religion.
Mais m'ayant été ordonnée par son excellence, la visite de l'église paroissiale de Saint-Privat de Metz ainsi que du cimetière, nous Dominique SAR, prêtre de la paroisse de Pouilly, nous sommes exprès transportés dans la dite église en la présence de M le curé du-dit lieu et de plusieurs paroissiens. Nous avons procédé à la dite visite, préalablement annoncée au prône à la messe paroissiale, le dimanche prévu et y avons remarqué ce qui suit :

1° La dite église contient vingt trois bancs de sept places chacun, ce qui ne peut contenir le tiers des paroissiens qui sont au moins au nombre de cinq cent-s communions, sans y comprendre deux cents enfants capables d'instruction5.
2° Les fonts baptismaux réduits, derrière une petite porte, et le confessionnal donneraient moyen d'un léger agrandissement si on les plaçait dans un ancien ossuaire, qui pourrait être déplacé décemment dans le nouveau cimetière.
3° La toiture, en mauvais état, au rapport même des paroissiens a besoin de réparation. Ils se proposent de la faire mettre en meilleur état.
4° Le cimetière contenant huit toises quatre pieds de long sur quatre toises trois pieds de large6 vient d'être agrandi d'un nouveau terrain contenant aussi huit toises quatre pieds de long sur quatre toises de large7. L'un et l'autre ont besoin d'être enfermés de murs, ce que proposent les paroissiens et ce qui existe déjà. Nous y avons observé que certains paroissiens demandent une porte sur le dehors, donnant sur le chemin, ce qui serait non seulement inutile, mais même dangereux.
Le reste nous a paru dans un état assez décent.

De tout ce que nous avons dressé le dit procès verbal en présence de monsieur le Curé de Saint-Privat, de M. Louis THIEBAUT prêtre Curé de Marly, de Louis TRIBOUT et Pierre LEROY tous deux échevins de la dite église qui ont signé avec nous.
(suivent les signatures de : Nicolas Bérard, Joseph LE ROY, THIÉBAUT, Louis TRIBOUT (échevin), N. LAGRANGE, Nicolas FERRY ?, Pierre LEROY (échevin), SAR (curé de Pouilly), LAURENT (curé de Saint-Privat)8 M. Jules Reiland découvre la plaque du calvaire.

Le cimetière fut effectivement agrandi. Preuve en est la découverte faite en 1957 sur ce terrain que l'on avait depuis longtemps converti en jardin. A l'occasion de la construction d'un immeuble rue Franiatte, on a exhumé de nombreux ossements, mais surtout le socle d'un calvaire qui porte l'inscription suivante9 : « cette pierre a été possée par le sieur Pierre Putigny maire de St Privat et le sieur Dominique Provot, maire de Montigny, le 18 7bre 1778. » Malgré cela, l'ascension de Montigny était irréversible. Mgr Coislin, évêque de Metz y avait construit une nouvelle église en 1729, en action de grâces de la naissance du Dauphin, le 4 septembre de cette même année10. Montigny n'allait pas tarder à englober la majeure partie des terres entre Seille et Moselle, dont Saint-Privat.

  • 1. Transcription par Charles Beltzung et Andrée Siegwart.
  • 2. Relevé dans le pouillé des Bénédictin de 1760. Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 55.
  • 3. Il avait tenu ce poste à Dornot auparavant.
  • 4. Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 57.
  • 5. 161 places pour 700 âmes.
  • 6. 1 toise = 1,949m ; 1 pied = 0,324m.
  • 7. Surface de l'ancien cimetière : 15,34 ares ; surface de la nouvelle parcelle : 15,34 ares ; surface du nouveau cimetière : 30,68 ares.
  • 8. Transcription par Charles Beltzung et Andrée Siegwart.
  • 9. Cf article dans Le Lorrain du 6 septembre 1957. Les ossements furent recueillis et placés dans la fosse commune d'un cimetière. Quant à la pierre, elle a malheusement disparu mais, d'après plusieurs personnes de bonne foi de Montigny, elle se trouverait dans une propriété privée.
  • 10. Cf MAUJEAN Léon, La Lorraine historique, Notice de Montigny-lès-Metz, vers 1930, p. 46.