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Saint-Privat, première église de Montigny-lès-Metz

 L'église Saint-Privat fut la première église de Montigny-lès-Metz. On en a récemment retrouvé les vestiges, qui viennent d'être restaurés. Le village de Saint-Privat lui est si étroitement associé qu'on ne saurait parler de l'une sans évoquer l'autre.

Charles Beltzung (1929-2021)

 

Dans l'Antiquité

-Le cours de l'aqueduc de Gorze dans la région de SaintPrivat.La vaste zone située au sud de la ville romaine de Metz-Divodurum, entre la Seille et la Moselle, était à cette époque une immense nécropole, mais elle comprenait aussi des sanctuaires. Le plus connu est celui d'Icovellauna, dédié à des divinités des sources. L'endroit était traversé par la grande voie d'Agrippa, qui venait de Lyon et gagnait Divodurum par le sud via Scarpone1. A la hauteur de l'actuelle gare d'Augny, l'aqueduc des Gorze la rejoignait, et tous deux pénétraient dans la ville conjointement. 

C'était donc une région fortement implantée, de façon de plus en plus dense à mesure qu'on approchait de la cité. On peut penser qu'à la limite de la nécropole et de la campagne l'occupation se faisait plus clairsemée. De grands domaines ruraux et de petits villages devaient s'être installés à proximité de la voie2.

Les fouilles ont révélé de nombreux témoignages de ce passé antique. En ce qui concerne directement Saint-Privat, les fragment d'une stèle funéraire furent retrouvés en 1522, lors d'une reconstruction de l'église. On élevait alors les voûtes. Ce monument lapidaire a aujourd'hui disparu, mais nous le connaissons bien car l'événement a été relaté par le chroniqueur messin Philippe de Vigneulles3 : ...Saint Privé au Champ édifyé. - Pairellement, durant ces jours, c'est assavoir on moix de septembre, l'on faisoit ouvrer et woulter l'église de Saint Privé au Champz hors dez portes de la cité, là où ce thiennent les bon mallaide. Et, ainssy que les ouvriers vinrent à caver et à faire les foussés, bien parfon en terre, pour faire le fondement de l'une dez bouttée d'icelle église, fut là trouvée, à plus parfon, une lairge et longe pier, en manier d'une couverture de quellequez anciens tombiaulx : car dessus ycelle pier estoient escriptes ces lestre ycy, en très ancienne fasson, et lesquelles à paine veoit on perfaictement : ny à grant paine les sçavoit on congnoistre ne interpétrés, tant pour l'ancienetés d'icelle comme pour ce que, en tirant hors la dite pier, elle fut desrompue et despiessés en aulcun lieux. Et estoit ycelle pier d'une grosse roiche, entaillié dez devent l'Incarnacion, avec grant bour et une mollure de deux boucel ou mambre tout en l'entour (...) Interprétation des lettre de la devant dite pier. - Plusieurs scientificque personne furent assamblés pour cognoistre et interpétrer la signification d'icelle lestres. Entre lesquelle maistre Jehan Rougier, alors curé de Saincte Croix à Mets, avec le damoisiaulx Nicolas de Heu, lesquelles estoient grant clerc et nien fondés en plusieurs sciences, ont heu à bien grant paine et en grant dificultés interpétrés ycelle lettre en la manier qui c'ensuit (...) Par quoy celluy devent dit scientificque josne escuyer d'icelle noble cité nommés Nicolas de Heu demandait à avoir les piesses d'icelle lame, et les fist amener en sa maison à Mets ; et ycelle pesse fict resmasticués et rejoindre ensamble ; puis fist celle pier mettre et asseoir en ung mur, allevée en hault, en sa coursaille, pour memor perpétuelle4. Inscription funéraire romaine découverte en 1522.

L'inscription est longtemps restée sujet de controverse, mais grâce à Charles Robert et René Cagnat, qui l'on attentivement étudiée5, nous savons quelle est incomplète6 et qu'il faut lire désormais :

M PVBLICIO SEC (...)
DANO NAVTARV (..)
MOSALLICOR LIBER (...)
TABVLARIO LIII LVI (...)
AVGVSTALI Ils rétablissent le texte comme suit :
M. Publicio Secundiano nautarum Mosallicorum liberto tabulario, seviro Augustali
Soit :
A M. Publicius Secundianus, affranchi des nautes de la Moselle, caissier, sevir augustal Plaque commémorative de Nicolas de Heu à Ennery.

À l'époque de la découverte, deux des personnages les plus érudits de Metz, Jean Bougier, curé de Sainte-Croix, et Nicole de Heu, étudièrent l'inscription. Puis ce dernier en demanda les morceaux pour sa maison à Ennery7. Monnaie de Probus du type de celle retrouvée aux Friches.

Une autre découverte concerne Saint-Privat. Le 23 juillet 1966, un jeune adhérent de l'Association des Amis de l'Archéologie Mosellane a trouvé une pièce de monnaie dans son jardin situé aux Friches, n° 6 rue du Pâquis. Elle fut identifiée comme une monnaie de Probus (276 – 282). Cette pièce était fortement oxydée du côté face. Néanmoins, on peut y distinguer le buste de l'empereur. Le revers, mieux conservé, montre le souverain debout, levant le bras droit et tenant un globe dans la main gauche, le manteau sur l'épaule. Quant à la légende, elle est indéchiffrable. Or les déblais amenés lors de la construction des Friches en 1958 provenaient des travaux de fondation de l'Hôtel de l'Air, rue Franiatte à Montigny. Ce bâtiment a été construit sur l'emplacement de l'ancien cimetière de Saint-Privat dont les ossements ont été, pour la plupart, ramenés lors de la désaffection du cimetière Saint-Privat en 1913 dans le nouveau cimetière de la rue Litaldus de Montigny-lès-Metz, crée en 1866. Les déblais ont été déversés sur la décharge publique de la Grange aux Ormes, et pour d'autres utilisés comme remblai lors de la construction de maisons dans le quartier des Friches.

A partir du IIIe siècle, les monuments de la région furent démontés pour construire un rempart contre les invasions. L'endroit dut prendre l'aspect d'un immense terrain vague, désolé et ravagé, où subsistaient par endroits des vestiges de la prospérité passée. A la fin de l'Antiquité, la progression du christianisme s'accompagna d'une dévotion populaire aux saints martyrs. L'Église y répondit en construisant des basiliques entre Seille et Moselle8, et en y favorisant l'installation d'abbayes et de couvents. La région prit ainsi le nom de Ad Basilicas, qu'elle conserva jusqu'en 1552.

Monnaie de Probus du type de celle retrouvée aux Friches.

 

  • 1. Scarpone, aujourd'hui Dieulouard, marquait la frontière entre les territoires des Leuques et des Médiomatriques.
  • 2. C'est une configuration qui, semble-t-il, dura longtemps. Au Moyen-Âge, on connaît plusieurs domaines ruraux dans cette région, et Saint-Privat resta un hameau au milieu de champs, de jardins et de vergers, jusqu'à ce qu'il fût englobé dans Montigny.
  • 3. On envisage, dans le cadre de la restauration des vestiges de l'église, de faire une copie de cette stèle d'après le dessin de Charles Abel, et de l'insérer dans la maconnerie.
  • 4. Philippe de VIGNEULLES, Chronique, éd. Ch. Bruneau t. IV, Metz, 1933, p. 434-436.
  • 5. Cf Charles ROBERT et René CAGNAT, Épigraphie de la Moselle, 1888, p. 114-117.
  • 6. La partie droite manque en effet, contrairement à ce que montre le dessin de Charles Abel, qui limite le texte à droite par la même moulure que celle des autres côtés.
  • 7. C'est là que Charles Abel l'a dessinée. Nous avons essayé d'en retrouver la trace à Ennery, mais ce fut en vain.
  • 8. Ces basiliques (martyria) comportaint deux niveaux : la liturgie s'y déroulait au niveau supérieur, et la crypte était réservée aux dévotions. Cf HOLLE Arthur, Ad Basilicas, le quartier des Basiliques au Sablon, Société d'Histoire du Sablon, Arena 3, 1997, p. 6.