Vous êtes ici

Préface du traducteur

Traduit de l'Anglois, par M. D********. La Géographie de la moitié du Globe étoit couverte de ténèbres, lorsque l'immortel Cook a commencé ses Voyages autour du Monde. Ses deux premières expéditions nous ont fait connoître une multitude de côtes & d'îles nouvelles, & la troisième a peut-être été encore plus heureuse à cet égard. La récapitulation de toutes ses découvertes se trouve dans l'Introduction Générale, & à la fin du troisieme volume.
Ce seroit ici le lieu un Précis de la vie de M. Cook ; mais le Capitaine King a fait lui-même ce Précis, qui se trouve également à la fin du troisieme volume.
La position de chacune des terres anciennes & nouvelles que M. Cook a reconnu dans son dernier Voyage, est déterminée avec une exactitude merveilleuse : il suffira de dire, par exemple, que celle de Tonga-Taboo est le résultat de plus de mille observations Astronomiques. Le Lecteur sera pénétré d'admiration, en voyant le zele & la paesévérance de M. Cook, dont l'ardeur n'a jamais été ralentie par les besoins de ses équipages, les dangers, ou la satiété des découvertes.
La hardiesse de ses manœuvres étonne les Marins les plus courageux : il passe quelquefois sur des écueils pour arriver plutôt ; & quand on songe qu'il déploie une pareille audace à l'autre extrémité du Globe, & dans des mers où le naufrage ne laisse aucun espoir, de si grands prodiges semblent au-dessus des efforts humains.
Ce qui n'est pas moins extraordinaire, il est venu à bout de prévenir le scorbut ; &, dans une expédition de plus de quatre ans, il n'y a pas eu sur ses vaisseaux un seul homme attaqué de cette maladie. On s'empressera sans doute de suivre son régime, qui est bien détaillé à la fin de son second Voyage.
Sa générosité & sa bienfaisance ajoutent encore à l'intérêt de son troisieme Voyage ; car il a transplanté avec des peines et des soins infinis, des chevaux, des bœufs, des vaches, des chèvres, des moutons, & les plantes les plus utiles de nos jardins, dans les îles de la mer du Sud ; & je présume qu'on ne pourra lire sans un attendrissement profond les détails de la mort de ce grand Homme, assassiné par des Sauvages, qui d'abord l'avoient adoré comme un Dieu.
La partie relative aux mœurs des diverses contrées qu'il a parcourues dans son troisieme Voyage, n'est pas seulement amusante, elle est digne de toute l'attention des Philosophes. Ces tableaux, si variés & si curieux, des usages & du caractère des Insulaires de la Mer du Sud, ou des habitans de la côte d'Amérique, offrent une multitude d'observations précieuses. Pour n'en citer que deux, les Peuplades sans nombre de l'Océan Pacifique parlent des idiômes de la même langue, & il n'y a pas sur le Globe de Nation plus étendues : M. Cook a été témoins d'un sacrifice humain à O-Taïti, & tout annonce que ces sacrifices abominables sont communs & répandus sur les autres terres ; d'où l'on pourra conclure, avec assez de fondement, que les hommes sont plus ou moins corrompus à chacune des époques de la vie sauvage & de la civilisation.
L'Europe entière & tous les Peuples qui s'intéressent aux progrès de la Géographie & de la Navigation, applaudiront aux éloges si bien mérités que le Capitaine King & l'Auteur de l'Introduction Générale donnent à M. Cook. L'Angleterre remarque sans doute avec plaisir le vif intérêt qu'inspire le plus grand de ses Navigateurs, & lorsqu'au milieu des fureurs de la guerre, elle a vu le Roi de France ordonner à ses Escadres de respecter les vaisseaux de M. Cook, elle a dû reconnoître une Nation sensible qui aime à rendre justice aux nobles entreprises de ses ennemis.
Il y a quelques fautes dans la traduction du second Voyage de Cook & la portion du premier dont j'avois été chargé : j'ai traduit celui-ci avec encore plus de soin, & je desire beaucoup que mes efforts ne soient pas infructueux. Il n'est pas aisé même aux Officiers de Marine, d'apprécier la difficulté de ce travail ; j'ai consulté les plus éclairés d'entr'eux, & ceux-là du moins auront de l'indulgence. la difficulté dont je parle, tient à plusieurs causes, que je pourrois développer, s'il s'agissoit d'un autre que de moi.
Les détails d'Histoire Naturelle n'étoient pas plus aisés à rendre que les détails nautiques. J'ai feuilleté vainement les livres qui devoient éclaircir les passages ou les termes obscurs ; je me suis vu forcé en bien des endroits de me décider d'après mes propres recherches : ainsi, j'ai rencontré dans le cours de ma traduction des noms Anglois de quelques oiseaux, que le Vocabulaire inséré à la fin du dernier volume in-4°. de l'Histoire des oiseaux, par M. de Buffon, ne cite pas.
La dénomination Françoise des plantes, des oiseaux, des coquillages, &c. n'a pas été moins embarassante : j'ai prié des Naturalistes de me donner leurs avis ; mais ils n'ont guère pu me donner que leurs conjectures.
Tant qu'il n'y aura point de Dictionnaire où l'on trouve les noms que portent un oiseau, une plante, un poisson, &c. dans le jargon des Matelots, dans celui des Provinces particulières, & dans la langue des Naturalistes de l'Angleterre, les Traducteurs seront fort embarrassés. J'observerai, à cette occasion, qu'un Recueil contenant les termes par lesquels on désigne dans les diverses langues de l'Europe, les individus des trois règnes de la nature, épargneroit bien des recherches & bien des fatigues aux Savans : je suis étonné qu'on ne l'ait pas encore entrepris.
Je finis par une remarque qui paroîtra d'abord inutile, & qui cependant est nécessaire. Les Voyageurs Anglois écrivent les mots des langues des îles de la Mer du Sud, des côtes de l'Amérique occidentale, ou des autres partie du Globe, selon la prononciation des lettres de leur alphabet, & un François qui veut tirer des inductions de ces Vocabulaires, ou les comparer à d'autres idiômes, ne doit pas les prononcer à la manière Françoise. 



Référence à citer

Capitaine COOK, Capitaine CLERKE, Capitaine GORE, Troisieme-voyage-de-Cook, archeographe, 2003. https://archeographe.net/Troisieme-voyage-de-Cook