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Époque romaine – La voie romaine.

Accessoire de harnachement en bronze. Hettange-Grande Gehren. Après la conquête romaine, cette prospérité se développe de façon spectaculaire. La région est en effet traversée par l'une des plus importantes voies romaines de l'Empire. Elle relie la Méditerranée aux camps du limes rhénan, et sur son cours se trouvent d'importants centres urbains et administratifs : Lyon, Toul, Metz, Trèves. Dans le pays thionvillois, elle prend dans le patois local le nom de Kem, ou Khem. A partir de Metz-Divodurum, cette voie est double le long de la Moselle. Une branche, sur la rive droite, semble être la voie établie originellement par Agrippa car elle s'écarte plus que l'autre de la rivière et traverse un pays assez accidenté. Breloque de harnachement. L'autre branche, sur la rive gauche, est plus régulière et plus directe, comme si l'on avait cherché à améliorer les communications : à partir de Hettange-Grande, elle file en ligne droite dans le paysage jusqu'à Dalheim, au Luxembourg1. Elle semble avoir pris le dessus sur l'autre et avoir attiré un développement plus accentué sur son cours. La région des Médiomatriques et des Trévires sur la Carte de Peutinger. La voie rive droite ne disparut sans doute pas pour autant, et c'est peut-être ainsi que s'explique la confusion que l'on constate sur la Carte de Peutinger, où la seule voie indiquée est sur la rive droite, mais avec les relais de la rive gauche2. L'arrondissement de Thionville à l'époque romaine. Ces routes sont bien aménagées, avec ponts3, gués4, bornes5... En 1987, à Roussy-le-Village Hassel, on découvrit, près de la voie antique et à l'emplacement où il avait été dressé, un milliaire en calcaire qui porte une inscription incomplète dans sa partie supérieure .PONT MAX (...)
IMP III P P COS
DESIG X
A COL AUG M . Le nom de l'empereur a disparu, mais ce que nous conservons de l'inscription autorise à restituer celui de Domitien. Lui seul exerça simultanément les fonctions d'imperator, de consul et de designatus, en 83 ap. J.-C. Bien que manque la mention de la distance, la ville à partir de laquelle est fait le décompte est nommée. Il s'agit de Trèves, Colonia Augusta, et notre monument devait marquer le 34e mille6. Ce milliaire est le seul de Domitien que l'on connaisse en Gaule. Il fut vraisemblablement érigé lorsque ce souverain réorganisa le réseau routier en vue de la guerre contre les Chattes. Le milliaire de Roussy-le-Village Hassel. Fin du Ie s. Des diverticules faisaient la jonction entre ces deux branches de la grande voie7, d'autres en partent pour gagner les régions voisines8. Cela semble particulièrement significatif à l'ouest : une route secondaire, à peu près à la hauteur de Thionville, part de la voie rive gauche vers les Ardennes, sans doute pour rejoindre Arlon9. On suppose qu'une autre remontait la vallée de la Fensch10. Tout un réseau de routes secondaires et de chemins sillonnait ainsi le pays11.Bien que la région soit éloignée des frontières de l'Empire, il se peut qu'une présence militaire ait assuré la sécurité de la voie. A Illange, près de la branche de la rive gauche, la tradition rapporte la présence d'un castellum au château de Mulsberg. Les deux branches de la voie sont jalonnées de relais12 et de vici. Dans la région thionvilloise, on en connaît plusieurs : ceux de Florange Daspich et de Hettange-Grande Suzange, qui est vraisemblablement le Caranusca mentionné sur la Carte de Peutinger, et l'important vicus de Yutz, dont le nom était Judicium et qui n'était pas directement sur la grande voie rive gauche. On suppose qu'Audun-le-Tiche était aussi une de ces petites agglomérations, située sur la route d'Arlon. Le vicus, village ou bourg, devait être un élément habituel du paysage.Cette activité routière est mise sous la protection des dieux. On dresse aux abords des routes des monuments qui leur sont consacrés, comme ces bases à quatre divinités13 qui supportaient une colonne surmontée d'un groupe sculpté de Jupiter à cheval terrassant un monstre anguipède14. Stèle votive à Epona. Daspich. Epona semble particulièrement associée aux voyageurs. Dans la mythologie celte, cette déesse-mère tenait une place importante dans le monde des morts car c'est elle qui emmenait le défunt lors de son dernier voyage. Repris par la culture gallo-romaine, son culte était très répandu dans les territoires médiomatrique et trévire. La déesse protégeait les chevaux et les écuries, il est donc naturel de la trouver dans un contexte d'auberges et de relais routiers. Elle conserva vraisemblablement son aspect funéraire, selon une métaphore religieuse très populaire15. Sur la stèle votive de Daspich, Epona est assise en amazone, de face, sur son cheval ; elle porte un manteau à capuche par dessus sa tunique. Stèle votive à Epona (détail). Daspich. Le Musée de la Tour aux Puces présente un autre bas-relief, sur lequel trois représentations d'Epona sont sculptées côte à côte. Le monument vient lui aussi de Daspich, soulignant ainsi l'importance de cette bourgade sur la grande voie romaine. Stèle aux trois Epona. Daspich, sablière St Hubert.Stèle aux trois Epona (détail). Daspich, sablière St Hubert.Stèle aux trois Epona (détail). Daspich, sablière St Hubert. Il faut encore citer Mercure, dont César dit qu'il était le dieu le plus important des Gaulois. Son équivalent celte, Lug, guidait ceux qui se risquaient sur les routes et protégeait le commerce et les affaires. Sa représentation gallo-romaine le montre coiffé du pétase, tenant une bourse et un caducée, avec des ailes aux chevilles. Tous ses attributs ne sont pas toujours réunis car chacun suffisait à caractériser le dieu.

  • 1. Sa rectitude apparaît clairement sur la carte IGN au 1:25000 3411 Ouest et sur les photographies aériennes de la région.
  • 2. L'auteur de la Carte de Peutinger, qui ne semble pas s'être rendu sur le terrain, devait disposer de deux sources. L'une, officielle et ancienne, lui disait qu'Agrippa avait créé la voie sur la rive droite de la Moselle. L'autre lui fournissait les noms de relais importants de son temps, mais il ignorait qu'ils se trouvaient sur une branche réalisée par après sur l'autre rive.
  • 3. Peut-être à Thionville. A Buding, un diverticule traversait la Canner par un pont ou un gué.
  • 4. La Carte Archéologique signale plusieurs gués : à Basse-Rentgen, un gué avec des supports de pierre sur le cours de la voie rive gauche, pour franchir le Dollbach ; à Cattenom, sur un diverticule, pour franchir la Bibiche.
  • 5. La Carte Archéologique mentionne à Boust une pierre qui pourrait être un milliaire.
  • 6. On peut rétablir le texte comme suit :
    IMPERATOR CAESAR DIVI VESPASIANI FILIVS DOMITIANVS AVGVSTVS PONTIFEX MAXIMVS TRIBVNITIA POTESTATE II IMPERATOR III PATER PATRIAE CONSVL DESIGNATVS X A COLONIA AVGVSTA MILIA PASVVM XXXIV
  • 7. On en a repéré les traces à Cattenom, Basse-Ham, Distroff, Elzange, Inglange, Koenigsmacker.
  • 8. On mentionne une route secondaire tributaire de la voie rive gauche à Basse-Rentgen, à Mondorf.
  • 9. Elle est assurée par les observations faites à Audun-le-Tiche, Russange, Rédange.
  • 10. On la mentionne souvent, sans qu'elle ait été jamais observée : elle passerait à Florange, Sérémange-Erzange, Knutange, Fontoy, Tressange.
  • 11. Tronçons de voies à Koenigsmacker, Klang, Metzeresche, Rurange-lès-Thionville, Kirchnaumen. Traces de chemins antiques à Metzervisse, Valmestroff.
  • 12. Sur la voie rive gauche, peut-être une auberge à Thionville Nouvel Hôpital à 40 m de la voie, et des relais routier à Boust et à Hettange-Grande.
  • 13. A Boulange, à Knutange.
  • 14. Ces monuments sont très fréquents dans l'est de la Gaule. La région thionvilloise en a livré un fort bel exemplaire à Audun-le-Tiche, qui est exposé à l'Espace Archéologique de cette ville. Le Musée de la Tour aux Puces en montre une photographie. Jupiter cavalier. Audun-le-Tiche Un autre vient de Richemont. A Havange, on a retrouvé une base octogonale : une des faces portait l'inscription IOM ; sur les autres, les divinités des jours de la semaine étaient figurées debout dans des niches.
    Cf
    [->art113]
    [->art93]
    [->art34]
    [->art37]
    [->art39] sur archeographe.
  • 15. Le voyage est très souvent associé au monde des morts, dans la mythologie comme dans la réalité puisque les voies sortaient souvent des agglomérations en traversant les nécropoles.