Vous êtes ici

Le pont au dessus du lit de la Moselle

Le pont-aqueduc s'élevait à 32,50 m, une des plus importantes hauteurs pour ce genre d'ouvrage1. Les arches du lit de la Moselle atteignaient presque cette hauteur et supportaient encore le massif de la canalisation2. Si leurs piles étaient d'une seule venue, le flambage3 risquait de les rendre fragiles, et avec elles toute la construction. Ailleurs, les ponts de cette dimension ont trois niveaux4 afin de renforcer l'ensemble. C'était un danger que l'on connaissait bien, puisque l'on donnait fréquemment deux niveaux à des ponts moins élevés, à partir de 20 m de haut5.

Le pont du Gard.

Toutefois, bien qu'on ait du mal à imaginer qu'on ait pris le risque de piles isolées6, il faut bien reconnaître que celles des rives ont à peu près la hauteur de celles du lit et qu'elles ne laissent voir aucun aménagement de ce genre. C. Lefevre rejette la possibilité d'une fondation continue à travers le lit de la Moselle7, et soutient que les rétrécissements progressifs des piles suffisaient à éviter le flambage. Le pont s'est en effet écroulé à la fin de l'Antiquité ou au Haut Moyen Age, mais il avait tout de même tenu plus de 150 ans, et cet accident semble plutôt dû à l'affouillement des piles par le courant. Cela ouvre d'ailleurs un nouveau débat : avait-on protégé les piles de cette érosion, et comment8 ? A vrai dire, nous ne savons pas quel aspect avait l'aqueduc de Gorze au dessus de la rivière : sur la première représentation que nous en avons, une gravure conservée au Musée de Metz que réalisa Claude Chastillon en 1614, cette partie du pont s'est déjà effondrée depuis longtemps.

Détail d'une arche de la rive gauche.

  • 1. Pont du Gard : 48,77 m ; pont de l'oued Miliane (aqueduc de Carthage) : 40 m environ ; Anio Novus (aqueduc de Rome) : 36 m ; pont de Ségovie : 31 m ; pont de Tarragone : 30 m.
  • 2. Celles des rives étaient plus basses, en raison de l'élévation des berges et des versants.
  • 3. Le flambage, ou flambement, est la déformation latérale.
  • 4. C'est le cas pour les pont cité dans la note précédente.
  • 5. LEVEAU (P.), La construction des aqueducs, in Aqueducs romains, Dossiers de l'archéologie n° 39, octobre-novembre 1979, p. 13.
  • 6. P. Leveau range l'aqueduc de Metz avec ceux qui comportaient trois niveaux. Cf LEVEAU (P.), La construction des aqueducs, in Aqueducs romains, Dossiers de l'archéologie n° 39, octobre-novembre 1979, p. 13.
  • 7. Cela aurait donné de l'assiette à l'ouvrage. Nous n'avons aucun renseignements sur les fondations des piles du lit de la rivière. C. Lefevre suggère que chaque pilier avait ses propres fondations sur pieux.
  • 8. Par exemple, des avant-becs triangulaires protègent les piles du Pont du Gard qui sont soumises au courant en le déviant de la maçonnerie.