Vous êtes ici

L’œuvre de Balthasar de Gachéo

Le peintre lorrain Casimir Victor Alexandre de Balthasar, comte de Gachéo, plus communément appelé Balthasar de Gachéo ou Casimir de Balthasar, est né à Hayange en 18111. A l’âge de 19 ans, il part étudier la peinture à Paris et fréquente d’abord l’atelier de Louis Hersent2, puis celui de Paul Delaroche3. ll appréciait le peintre romantique Ary Scheffer4. L’œuvre de Balthasar de Gachéo se ressent de ces influences : il se définissait comme un peintre d’histoire5 mais était aussi attiré par le romantisme allemand ; il a surtout réalisé des tableaux d’histoire, des peintures religieuses et des portraits. Sa manière se caractérise par le détail historique. Entre 1833 et 1868, Balthasar de Gachéo se fait une grande renommée dans les Salons parisiens où il expose régulièrement6. Établi à Toul à la suite de son mariage, Balthasar de Gachéo7 a beaucoup travaillé pour la cathédrale St-Étienne car il fut chargé de la restauration des vitraux. Ce travail de peintre verrier fut certainement l’apogée de son œuvre. Il y déploie toutes les facettes de son art : à travers ce mode pictural nouveau pour lui, sa sensibilité retrouve avec bonheur l’expression médiévale.

La verrière du transept sud

Sa première réalisation fut la verrière du transept sud, qui avait été reconstruit en 18538. Les cartons furent agréés par la Commission des Monuments Historiques et par l’architecte du gouvernement Émile Boeswillwald9 et la réalisation fut confiée au peintre-verrier Nicolas Coffetier10. Les vitraux de la verrière du transept sud furent posés en 1863. Leur programme iconographique reprend l’organisation de celle du nord. Il comprend, de haut en bas, quatre registres11.

- La grande scène de l’invention des reliques de saint Étienne12. Autour du corps du saint sont représentés deux personnages, sans doute l’évêque Jean de Jérusalem à gauche et le prêtre Lucien à droite13. A gauche de cette scène centrale est représentée l’impératrice Eudoxie portant la maquette de l’église qu’elle a fait construire14. A droite, se tient le duc de Lorraine et de Bar Antoine Ier (1508-1544). Il tient le reliquaire des deux côtes de saint Étienne qu’il a offert à la cathédrale15.

- Quatre grands évêques de Toul, chacun dans un décor architectural plus roman que gothique. De gauche à droite sont représentés saint Mansuy, premier évêque de Toul, puis saint Èvre portant le livre des Évangiles. Vient ensuite saint Gérard16 : il tient le reliquaire du Saint-Clou et le bâton pastoral ; à ses pieds se trouve la maquette de la cathédrale, qui rappelle qu’il reconstruisit l’édifice au Xe s. Le pape saint Léon, enfin, auparavant évêque de Toul sous le nom de Brunon, tient la bulle de la canonisation de saint Gérard.

- Sous chacune de ces figures, un médaillon représente un des hauts faits de ces personnages. Saint Mansuy ressuscite le fils du gouverneur, miracle qui lui ouvrit la voie pour christianiser la région. Saint Èvre bénit un possédé et le libère du démon qui l’habite. Saint Gérard, assis, tient une bourse qui rappelle son action en faveur de la banque des Lombards ; à ses pieds sont représentés la hotte et le bichet, mesures de vin et de blé qu’il avait instaurées dans son diocèse, ainsi que la maquette de l’église St-Gengoult dont il fut le fondateur17. Le médaillon de saint Léon rappelle la translation des reliques de saint Gérard auquel ce pape procéda lors d’une visité à Toul.

- Au registre inférieur, des anges présentent les armes que Balthasar de Gachéo prêtait à chacun de ces évêques.

  • 1. Il est né au château de Wendel d’Hayange. D’une famille d’origine hongroise, il était apparenté à la célèbre famille d’industriels par son grand-père Alexandre de Balthasar qui avait épousé Louise de Wendel.
  • 2. Louis Hersent (1777-1860) est un peintre d’histoire néo-classique qui avait été l’élève de Jacques-Louis David ; il est aussi l’auteur de portraits dans lesquels le romantisme naissant se fait sentir. Membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1822, il est nommé professeur de peinture à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1825.
  • 3. La peinture d’histoire était alors considérée comme la branche noble de l’art pictural. Paul Delaroche (1797-1856), qui avait lui aussi suivi les enseignements de David, fut l’un des peintres les plus célèbres de ce courant car il se spécialisa dans un genre qui plaisait beaucoup : sa peinture privilégie en effet l’anecdote historique et lui confère une dimension dramatique. Grâce à la gravure, les tableaux de Delaroche connurent une diffusion internationale ; certains devinrent même des chromos de la décoration domestique. Dans son atelier, Balthasar de Gachéo rencontra des peintres qui devaient devenir célèbres comme Thomas Couture, Ary Scheffer et Jean Léon Jérôme.
  • 4. Ary Scheffer (1795-1858), d’origine hollandaise, fut l’élève du peintre néoclassique Nicolas Guérin, qu’il quitta alors que débutait le romantisme. Son art, teinté de mysticisme et d’onirisme, diffère sensiblement des autres peintres romantiques comme Delacroix ou Géricault et s’inspire volontiers des écrits de Goethe et de Byron. Scheffer fut aussi un remarquable portraitiste.
  • 5. C’est ce qu’il fera inscrire sur sa tombe, au cimetière de Toul.
  • 6. Par exemple Goetz de Berlichingen en 1837, Le Baptême de Clovis en 1840, Le Christ et la Samaritaine et Noli me tangere en 1855, Firmin Gouvion distribuant les aumônes en 1853, Saint Martin partageant son manteau en 1866... Il continuera longtemps à proposer ses tableaux dans les Salons, jusqu’à ce qu’il soit trop accaparé par son travail à la cathédrale de Toul.
  • 7. Il avait épousé en 1856 Françoise-Joséphine Berthelmot, qui était originaire de Toul.
  • 8. Les parties hautes de la maçonnerie du transept sud s’étaient fort dégradées à cause de mauvaises fondations.
  • 9. En 1860, l’architecte Émile Boeswillwald (1815-1896) devint inspecteur général des Monuments Historiquesà la suite de Prosper Mérimée.
  • 10. Le peintre verrier Nicolas Coffetier (1821-1884) a travaillé à la restauration et la création des vitraux des cathédrales de Chartres, de Reims, de Bourges et de Paris et fut un collaborateur d’Eugène Viollet-le-Duc et d’Émile Boeswillwald. Il avait été l’élève de Laurent-Charles Méréchal (1801-1887), qui avait installé à Metz une fabrique de vitraux et en avait réalisés pour la cathédrale de Metz.
  • 11. Nadine Thiébaut-Frey, en 1992, et Michel Marchand, en 2016, ont écrit dans les Études Touloises des articles fort intéressants sur la vie de Balthasar de Gachéo et son œuvre de peintre verrier. Voir Bibliographie.
  • 12. Saint Étienne est plus souvent évoqué par la représentation de sa lapidation. On la voit à Toul dans un des panneaux de l’abside.
  • 13. Le prêtre Lucien, après une apparition en songe, aurait trouvé le corps de saint Étienne le 3 août 415. L’évêque Jean de Jérusalem fit procéder à la translation de la dépouille du martyr à l’église du Mont-Sion de Jérusalem le 26 décembre 415, date qui fut retenue pour honorer le saint. Le successeur de cet évêque, Juvénal, entreprit la construction à Jérusalem d’une basilique pour y placer les reliques.
  • 14. L’impératrice Eudoxie (vers 400-460), épouse de l’empereur Théodose II, s’était réfugiée à Jérusalem pour fuir les intrigues de la cour à son encontre. Elle fit agrandir l’église de Juvénal à partir de 438 et fonda un monastère où elle souhaita être inhumée. Les restes de saint Étienne furent transférés en 439 dans cette nouvelle basilique, qui ne fut achevée que vingt ans plus tard.
  • 15. Un des emblèmes de la maison de Lorraine permet de l’identifier : un bras armé sortant des nuées. Ce symbole, brandi par le duc de Lorraine René II à la bataille de Nancy contre le duc de Bourgogne Charles le Téméraire, apparaît sur le vitrail à droite derrière le duc Antoine.
  • 16. Saint Èvre, saint Gérard et saint Léon IX portent le surhuméral. Il s’agit d’un vêtement épiscopal reposant sur les épaules et qui, au début, faisait penser à un pallium, mais était accompagné de petites épaulettes en forme de disques ; il devint par la suite une sorte de collet à franges. La tradition rapporte que cet insigne fut concédé aux évêques de Toul par le pape Léon IX et il semble qu’il ait été réservé aux prélats de ce que l’on nommaint le Saint-Empire dont Toul faisait partie. Cf. François DESHOULIÈRES, Le surhuméral des évêques de Toul, Bulletin Monumental, 1926, 85, p. 42.
  • 17. Balthasar de Gachéo se serait représenté dans le lancier de ce médaillon. Le peintre aurait en outre placé le portrait de son épouse sur la verrière est du transept sud. Cette verrière est aujourd’hui cachée par le retable de l’autel de la Crèche, qui ornait autrefois la chapelle du Carmel de Pont-à-Mousson.