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Pompéi. Histoire et redécouverte.
La ville antique de Pompéi est située à proximité de la mer et de l'embouchure du Sarno, entre deux montagnes, le Vésuve à l'ouest et les Monts Lattari à l'est. Les volcans ont donné sa fertilité à l'arrière pays. Cette situation exceptionnelle a déterminé a double vocation de la ville : les habitants se sont enrichis grâce à la culture de la vigne et des céréales, mais aussi au commerce fluvial et maritime. Dans l'Antiquité, on appelait cette région Campania felix, du fait de son climat, de ses somptueux jardins et de ses récoltes abondantes. La cité s'est développée sous l'influence d'une civilisation composite. Vers 500 av. J.-C., Pompéi fut fortifiée sur les 3 kilomètres de son périmètre urbain. L'enceinte comprenait 7 portes et 12 tours. Sur la superficie de 66 ha ainsi délimitée, la ville s'étendit d'abord vers le nord, puis vers l'est, et prospéra tout en restant longtemps une alliée fidèle de Rome. Mais, après qu'elle se fût soulevée, en 80 av. J.-C., les Romains la réduisirent à l'état de colonie sous le nom de Colonia Cornelia Veneria Pompeianorum1. Au moment de la catastrophe, Pompéi avait progressivement assimilé la culture romaine dominante. Les 15 à 20 000 Pompéiens vaquaient à leurs activités habituelles lorsque le Vésuve se réveilla le 23 octobre 792. Beaucoup de riches propriétaires s'étaient réfugiés dans leur villa, fuyant la chaleur de la ville et les travaux que rendaient nécessaires les récents tremblements de terre3. N'y restaient que des intendants et des ouvriers et, dans les maisons plus modestes, des artisans, des commerçants, des affranchis et des esclaves. Ce jour-là, vers 13 h, le bouchon de magma qui obstruait la cheminée du volcan explosa et laissa échapper 2,5 km3 de matériaux à près de 30 kilomètres de hauteur. Ils retombèrent sur la terre, transportés par les vents, en une pluie continue de lapilli qui gagna en intensité au fil des heures. La majorité des habitants prit immédiatement la fuite vers le sud et fut sauvée. Certains préférèrent se mettre à l'abri, ou revinrent prendre des biens. Ceux-là périrent sous les cendres4 et les éboulements. À l'aube du 25 octobre, la rupture de la chambre magmatique entraîna des nuées ardentes constituées de cendres et de gaz. L'une d'elles asphyxia ceux qui étaient restés à Pompéi. La cendre a conservé la forme de leurs corps et leurs expressions d'épouvante. Un peu plus de 1000 corps de victimes, sur les 2000 retrouvés, ont pu être moulés. Le plus émouvant à Pompéi, ce sont ces témoignages directs de la tragédie. Un dernier flux, plus épais et rapide, finit par ensevelir la ville. Ainsi, la vie quotidienne se trouva figée, en même temps que les corps de ces malheureux. Le site fut abandonné. Les hommes avaient perdu jusqu'au souvenir de son nom lorsqu'en 1748 le roi de Naples, Charles III de Bourbon, entreprit des fouilles dans le quartier Civita de Torre Annunziata5. Jusqu'en 1763, on ne sut dire si les vestiges étaient ceux de Stabies ou de Pompéi. On fouilla pendant plus d'un siècle pour trouver bijoux, monnaies, fresques et statues qui enrichirent les collections des palais et des musées. On dégagea le contour de la ville, presque tous les bâtiments publics et quelques grandes demeures6. Haut lieu du romantisme, Pompéi devint une étape incontournable du Grand Tour qu'accomplissaient les écrivains, les peintres et les intellectuels européens en Italie. L'étude n'est devenue scientifique que lorsque Giuseppe Fiorelli fut responsable des fouilles, entre 1860 et 1875. Il divisa Pompéi en régions et insulae7. Il eut par ailleurs l'idée de réaliser des moulages à partir des espaces laissés vides dans la couche de cendres par les corps organiques emprisonnés. Michele Ruggiero, son successeur de 1875 à 1893, entreprit une restauration moderne et consolida 600 fresques. De 1893 à 1910, les deux directeurs suivants commencèrent une étude systématique. On restaura des toitures d'atria et de portiques, et les jardins furent refaits. Entre 1910 et 1924, Vittorio Spinazzola travailla avec plus de rigueur encore : il fouilla par exemple les deux côtés de la rue de l'Abondance et les maisons les plus prometteuses. Il reste à ce jour 22 ha encore enfouis. Hélas, la terre tremble encore à Pompéi et le Vésuve reste un volcan extrêmement dangereux. Le dernier tremblement de terre eut lieu en 1980. La période de calme actuelle paraît inhabituellement longue, en comparaison des éruptions rapprochées de 1906, 1929 et 1944. Dans ce contexte, on comprend que l'actuel surintendant de Pompéi, le Professeur Pietro Giovanni Guzzo, donne la priorité à la protection du site et à la relecture des zones déjà fouillées. C'est en effet indispensable face aux dégradations générées par les 2 à 2,5 millions de touristes annuels. Aussi seuls 30% du site mis au jour sont-ils ouverts à la visite. Une vingtaine d'équipes internationales accomplissent ce travail avec une approche pluridisciplinaire et en utilisant de nouveaux outils et méthodes de recherche. Pompéi est inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997.
- 1. La colonie était ainsi placée sous la protection de Vénus.
- 2. On a longtemps pensé que la catastrophe avait eu lieu en août 79. De récentes découvertes scientifiques permettent aujourd'hui de la placer en octobre : on a retrouvé en effet des restes de plantes qui ne poussent qu'en automne.
- 3. Celui de 62 avait été très fort. La terre trembla encore à maintes reprises dans les années suivantes. Partout dans la ville on réparait les dégâts que ces secousses avaient causés.
- 4. Il s'agissait d'une ponce très poreuse qui, lorsqu'on l'inhalait, absorbait l'humidité et se transformait en une sorte de ciment dans les poumons.
- 5. Charles III avait commencé de fouiller Herculanum en 1738.
- 6. Elles inspirèrent à Edward Bulwer-Lytton le roman Les derniers jours de Pompéi qu'il fit paraître en 1834.
- 7. Depuis, chaque bâtiment de la cité est désigné par 3 nombres : celui de la région, en chiffres romains, ceux du pâté de maisons et de l'entrée, en chiffres arabes.